Nicolas Sarkozy, à la tête de l’État, met de plus en plus en œuvre une politique « du prince », en plaçant ses proches, dans un premier temps directeurs de cabinet ou autres postes de ce type, puis dans un deuxième temps à la tête des principales entreprises de l’État. Et pas n’importe lesquelles, puisqu’il s’agit, pour les derniers exemples « visibles », de notre plus grande banque (François Pérol), ainsi que de France Télécom (Stéphane Richard), bravant allègrement toutes les règles de déontologie. Il est vrai qu’il avait déjà commencé en positionnant son fils en parfait dauphin, en lui offrant les mandats qu’il avait eu à ses débuts, et qui lui ont permis la carrière que l’on connaît (sans compter quelques revenus non négligeables).
De la même manière, Nicolas Sarkozy a su verrouiller les médias, soit directement par l’État, soit grâce à ses amis dirigeants d’entreprises qui détiennent une très grande majorité des différents journaux et télés. Merci Bouygues, Lagardère, Dassault, Bolloré, et consorts…
Et, très habilement, en matant les préfets, par des punitions exemplaires sur les malheureux qui n’avaient pas su obéir assez rapidement à notre bon prince, il a su aussi progressivement repousser hors du champ de la vision des caméras les manifestations qu’il n’a pas envie de voir apparaître. Ces méthodes ne sont pas sans rappeler des époques peu reluisantes du passé européen, que l’on pensait voir révolues, et qui ne sont pas dignes d’une démocratie.
Sarkozy aime être comparé à Napoléon, mais pour avoir une comparaison juste, il semble qu’il est bien meilleur de le comparer à Napoléon II « le petit » plutôt qu’à Napoléon Bonaparte. Napoléon II a effectivement commencé comme président, avant de progressivement basculer vers un empire qui n’a pas laissé de grandes traces.
Pour autant, ces méthodes peu reluisantes ne sont pas sans rappeler ce qui se passe aussi à l’échelle de Lyon, dans l’entourage de Gérard Collomb. En effet, dans le système lyonnais de Gérard Collomb, par d’habiles tractations, et par le soutien de certains amis, les journaux, il est vrai centristes, ont fini par se rallier à Collomb, comme je l’ai déjà raconté. De même, le fait du prince est avéré, et là aussi j’en ai déjà parlé, sur les nominations aux postes éligibles.
Mais nous allons parler maintenant de ce phénomène très sympathique qui consiste à offrir de très belles places dans des entreprises privées à des collaborateurs de cabinet, ou directeurs de cabinet, qui ont œuvré, quand ils étaient en poste dans les institutions, à favoriser ces mêmes entreprises privées.
Ainsi, j’ai déjà raconté comment Marc Berthod, qui était collaborateur de Bernard Rivalta au Sytral (transports en commun lyonnais), est miraculeusement devenu responsable de la communication chez Keolis une fois que cette entreprise a obtenu la délégation de service public pour les transports en commun lyonnais. Le renouvellement de sa délégation doit se faire bientôt, gageons que Keolis saura garder ce marché… !
Du même ordre d’idée, l’ancien directeur de cabinet du Grand Lyon, Christophe Sizeron, s’apprête à quitter ses fonctions pour rejoindre début juin le groupe GL Events (d’Olivier Ginon), comme directeur du développement. Il est vrai que Christophe Sizeron connaît très bien GL Events, qui est devenu l’une des (si ce n’est la) plus grandes entreprises d’événementiel mondiales. Pour une entreprise qui a commencé en louant des gradins, la réussite est belle. Mais elle ne s’est pas faite sans aide.
Quand Gérard Collomb est devenu pour la première fois président du Grand Lyon, GL Events était une entreprise florissante, mais qui était à une échelle bien moindre. Pendant le mandat de Gérard Collomb, cette entreprise de taille moyenne a obtenu de pouvoir racheter les parts de la ville de Lyon dans SEPEL, la société d’exploitation de Eurexpo (le centre de congrès de Lyon, un plateau énorme), qui était aussi organisatrice des grands événements de Lyon (salons comme le salon des métiers de bouche, ainsi que le foire de Lyon, entre autres). GL Events a aussi obtenu l’événementiel de la Cité internationale, ainsi que la gestion de la nouvelle Salle 3000, et, soyons clairs, un monopole de fait a été donné à GL Events sur l’organisation des grands congrès à Lyon. GL Events a même réussi à s’implanter sur l’organisation du festival de Cannes, marché très juteux avec des aides conséquentes du CNC, bien aidé par Thierry Frémaux, à la fois délégué général du festival de Cannes, et directeur de l’institut Lumière à Lyon. Toujours le réseau lyonnais… Quel plaisir de voir qu’Olivier Ginon, patron de GL Events, sait remercier ses amis…
D’ailleurs, le système est loin de s’arrêter. Dans un même ordre d’idées, le directeur de cabinet de Gérard Collomb à la ville de Lyon, Sylvain Auvray, a jeté son dévolu, quant à lui, sur la SACVL (société de construction lyonnaise, gérant de l’immobilier « social »). La méthode est assez simple : grâce à la majorité au conseil municipal, les administrateurs sont choisis avec justesse (et sont récompensés, grâce aux indemnités pour siéger à ces CA) . Puis le président de la SACVL est nommé, un ami de Sylvain Auvray, Michel Le Faou, obsure adjoint d’arrondissement inconnu jusqu’alors. Une fois le conseil d’administration et le président correctement implantés, le directeur actuel fait part de sa décision de quitter sa fonction… Sylvain Auvray pourra alors tranquillement démissionner de son poste de directeur de cabinet à la ville de Lyon, pour prendre la direction de la SACVL. Tel est le scénario prévu, même s’il semble bien que quelques couacs se profilent, la SACVL ayant quelques déboires financiers, dûs à des placements toxiques, ce qui fait beaucoup tousser actuellement.
On conçoit mieux pourquoi le système lyonnais mis en place par Gérard Collomb fleurit, où il est de bon ton de s’assoir sur ses convictions, si tant est qu’on en ait, pour servir au mieux celui qui se place clairement en maitre absolu dans sa ville. En effet, les récompenses sont fortes, rémunératrices, durables.
Et, après tout, si la démocratie, la morale, et l’intérêt des citoyens n’y trouvent pas leur compte, où est le problème ?
En tout état de cause, visiblement, Gérard Collomb et Nicolas Sarkozy ont des conceptions assez proches de ce à quoi doit servir un mandat de haut niveau, et de l’intérêt public.
Ce qui peut expliquer pourquoi Gérard Collomb laisse des bruits de couloir se développer sur une possible candidature de sa part à la désignation par le parti socialiste pour la campagne des présidentielles de 2012.
Pourvu que ça dure…