0 TABLE DES THEMES

TABLE DES TABLES

Chroniques

Actualités

Espaces

Acteurs

1 Contexte

Histoire des thèmes

 

2 Geographie des Themes

-ECOLOGIE

Sommet de la Terre Johannesbourg 2002

Catastrophes

Geopolitique du desastre

Maree noire du Prestige

La vulnerabilite

Ecologie

Encyclopedie de l'environnement

Chroniques de l'environnement

Changement climatique

Avenir de l'environnement mondial

Biologie

dechets et pollutions

L'Eau dans le monde

Les sols

Le nucleaire ecologique

Environnement et prospective

3TABLE DU POLITIQUE

Le DROIT

Systemes juridiques

Diversite juridique

Droits de l'Homme

Droits de l'Homme sur le terrain

Cour penale internationale

INSTITUTIONS

Politiques 2000

Systemes politiques

Geographie de Themes

Le federalisme

Etat, minorites, individus

Les elections

Decision politique

L'ordre public

Strategies et decisions

VIE POLITIQUE

Etat et politique

Le pouvoir des mots

Origines du risque politique

Securite et democratie

Le pouvoir

Les elections

Extreme-Droite

Conflits civils

Le terrorisme

Le terrorisme apres Madrid

Faits et causes du terrorisme

Appel Blair

Terrorisme et risque alimentaire

Politique, droit et societe

ADMINISTRATION

TABLE DE L'ADMINISTRATION

Management public

L'ENA au XXI° siecle

Fonds de pension

Aspects juridiques du service public europeen

Avenir europeen du service public

Service public en France et en Europe

Services publics europeens selon K.van Miert

Le service public

Rapport Bergougnoux

Concurrence

Electricite

Reforme ferroviaire

Le Gaz

Implications de la concurrence

Bergougnoux Introduction

Mesure de performance

Reformes de la poste

Categories de services publics

Services publics et concurrence

Services publics en Europe

Telecom. en Europe

Eau et services urbains

Statut des services publics

Bureaucratie dans les entreprises publiques

Depenses publiques: comparaison

L'impot

4 INTERNATIONAL

Conflits: prevention et resolution

Conflits dans le monde

Crise internationale

La crise

Conflits du Sud

Etats Voyous

La doctrine Bush

L'OTAN AU XXI° siecle

Futur de l'OTAN

OTAN

Proliferation nucleaire

Annee strategique

Fondation pour la strategie

L'armee

Revolution dans les affaires militaires

Strategie navale

Les armes

Les armes legeres

Armes biologiques

Armes chimiques

Bilan diplomatique 2002-2003

Conference d'Helsinki

Intelligence War

Geopolitique et geostrategie

Theories des relations internationales

Conclusions sur l'histoire du risque politique

La France au XXI° siecle

Relations internationales et ordre mondial

La Francophonie

Outremer français

Ministres de la cooperation

Les ministres de la cooperation

De Dieu a Diouf: la francophonie

Ambitions pour la francophonie

Le DROIT

5 ECONOMIE

POLITIQUE ECONOMIQUE

Etat regulateur

Bien public, biens publics

Institutions pour les marches

L'ordre economique

Delinquance financiere

Face a la corruption

DEVELOPPEMENT

TABLE DES PAYS EN DEVELOPPEMENT

Economie, societe, politique

Dimensions politiques de l'ajustement economiques

Democratie, Paix, Liberalisme, Developpement

Commerce et developpement soutenable

Le Nord a besoin du Sud

Les pays du Sud

Les capitalismes

Le systeme Ouest

Concepts du developpement

Effacer la dette

Systemes economiques

Vers un capitalisme europeen

Origines economiques du risque politique

INTERNATIONAL

La conjoncture economique

Economie 2002

Economie: bilans 1999

Le G8 d'Evian 2003

Competitivite mondiale

Economie sociale de marche

Privatisations

Divestitures of state entreprises

MONNAIE-FINANCES

FINANCE

Crise financiere mondiale?

Quels financements pour le Tiers Monde?

Enseignements de la crise financiere internationale

Emprise economique des marches financiers 

ECHANGES

Guide du Commerce International

ATTAC et la dictature des marches

Forum social europeen de Paris

Liberalisme et Libre Echange

OMC

L'OMC a Doha

OMC:Dossier Seattle

Seattle: le cycle du millenaire

Nouvelles negociations commerciales

OCDE et mondialisation

COFACE et risque international

Situation du Commerce mondial

Regimes particuliers du commerce

Commerce international et croissance

Commerce et developpement

La politique française du commerce exterieur

Diplomatie economique

Les contre-mesures

MONDIALISATION

Mondialisation:quoi?

Mondialisation:champs et processus

Mondialisation:: les espaces

Acteurs de la mondialisation

Prospective de la mondialisation

Scenarios de la mondialisation

Mondialisme, nationalisme?

6TABLE DES SECTEURS

SECTEURS

sur Internet

L'energie

Debats nucleaires

OPEP Petrole

Avenir sans petrole

Echanges de services

Transport aerien

Transports et mondialisation

Reformes ferroviaires en Europe

Chemins de fer

Transports maritimes

AGRICULTURE

Developpement cerealier et environnement

Cereales et OMC

Les banques

Mouements de capitaux

Restructuration des banques

Accord sur la Propriete intellectuelle

7 TABLE DE LA SOCIETE

POPULATION

Realites demographiques

Population

6 milliards d'hommes

Migrations

Structures familiales

RELATIONS SOCIALES

TRAVAIL, CHOMAGE, EMPLOI

Sorties du chômage

Usine a chomeurs

Les 35 heures

Travail et economie

Structures sociales

MODES DE VIE

Loisir

Marketing et histoire des moeurs

La ville

Economie et modes de vie

Consommation

Paris et le marche de l'art

SERVICES SOCIAUX

La sante

Reformes de sante

Alimentation du monde

Alimentation en 2050

Nourrir l'homme

Retraites et Tiers Monde

L'eau dans le monde

Changement

Ordre et changement social

8OPINIONS

MEDIAS

OPINIONS

La vérité sur Internet

CULTURES

Geographie des CULTURES

La culture

Notes et citations sur les cultures

GEOCULTURES

Collision des cultures

La geographie culturelle

Methodes interculturelles

Relations interculturelles

Mondialisation, culture et marketing

Le communautarisme

VALEURS-RELIGIONS

Table des religions

Opinions et idees

Valeurs sociales et strategies d'entreprises

Pensees uniques

Contre la publicite

Integration des opinions

La face cachee du journalisme

Media et opinion

Guerre psychologique

Table des religions

Laicite

Geopolitique des religions

Changer le monde

religion et modernite

Jean Paul II

Spiritualite laïque

Besoin de spiritualite

Opus Dei

Eglise et politique

Tolerance et liberte

Anglicanisme

Edit de Nantes

Theologies de la liberation

Jean Paul II, Teresa, Diana

Influence des protestants

Judaisme

Islam et la guerre

Islam, France et laïcite

Islam en France

Bahai

Islam fondamentaliste

Table de l'Islam

Zoroastre

Franc Maçonnerie

Marxisme, religion laïque

Les sectes

TABLE DES SAVOIRS: Sciences et techniques

Sciences du vivant

Organismes genetiquement modifies

Biotechnologie et alimentation

Institut Pasteur

Sciences de la matiere

Sciences sociales

La recherche dans le monde

Production des idees

Ecole en Europe

Missions de l'ecole

Table de l'Internet- NTIC

Internet et l'International

NTIC et commerce exterieur

Internet et l'entreprise

Internet 2000

Economie d'Internet

Geographie d'Internet

Infosphere et infostrategie

Le crime sur Internet

Internet et le droit

Hyperrepublique

Internet et politique

Internet: economie

Economie: secteurs

Internet et societe

Internet: communication, culture

Internet et les savoirs

Perspectives d'internet

9LE CHANGEMENT

Le risque et la crise

Tour d'horizon fin de siecle

Document sans titre

0 SOURCES

Recherche rapide

Recherche avancée

Biblio

Internet

Comment s'informer

Cyberscope

THEMES SUR INTERNET

BIBLIOGRAPHIE DES THEMES

BIBLIOGRAPHIE DU MONDE

Acteurs

Les Wiki par catégories

Entreprise MANAGINTER

Wikipedia

WIKIWAX

L'Encyclopédie de L'Agora

ReferenceDesk

1 Chroniques

Histoire

Passé

Actualite

Chroniques d'actualité

Contexte

 

2 Geographie

Geographie des themes

Geographie economique et humaine

Geographie physique du monde

Cartographie

Map Guide

Environnement

Ecologie

Biblio. de l'environnement ecologique

Union européenne

Pays de l'union européenne

Pays hors union européenne

Asie du sud

Asie centrale

Monde musulman

Moyen orient

Islam, islamisme

Afrique

Amérique latine

Etats Unis

Wikipedia afrique

Wikipedia amerique sud

Wikipedia ameriquenord

Wikipedia oceans

Wikipedia asie

Wikipedia europe

Portail union européenne

Sources d'europe

 

3 Politique

Politique

Action publiqueGEOPUBLIC

Geographie des politiques publiques

Droit

Droits nationaux

Droit international public

Droit privé, droits de l'Homme

Droit economique

Etat

Bibliographie de l'Etat

Bibliographie du politique

Bibliographie du risque politique

Bibliographie de l'administration

Administration française

Administration publique

Etat et services publics

Secteur public

Individu

Associations, ONG

Régions et communes

Biblio. des Collectivités territoriales

POLITIQUE et DROIT

POLITIQUE

Droits nationaux

Delinquance economique par pays

Le droit : sources

Droit public, Administration publique

Services publics

Politique et societe

Cyberdemocratie

Politique et opinions

Politique et futur

Foreign government resources

Political ressources

4 International

Politique internationale

Bibliographie de l'International

Sécurité, défense

Renseignement, services spéciaux, intelligence économique

INTERNATIONAL

La Francophonie

Forums mondialisation

Geopolitique

Mondialisation Globalisation

Droit international public

Droit et Politique internationale

Securite, Defense, Conflits

Terrorisme

Droit prive, droits de l'Homme

Renseignement, services speciaux, intelligence economique

Terrorisme

Forums mondialisation

Relations internationales AMAZON

Mondialisation, globalisation

Organisations intern.

Biblio. Organisations internationales

Associations, ONG

ONG britanniques

La Francophonie

Les colonies

 

5 Economie

Economie

Droit economique

Developpement economique

Actualité des affaires

Fiscalité

Commerce international

Secteur public

Bibliographie de l'économie

Bibliographie économique de la Documentation française

Biblio.de la concurrence

CONJONCTURE

Statistiques

Conjoncture economique

ECONOMIE

MacroEconomie

Economie: geographie

Droit economique

Economie: politique et droit

Developpement economique

Economie: international

Commerce international sur  Internet

Finance internationale

Microeconomie

Le consommateur

Economie et societe

Economie, opinions ,

Economie:

perspectives

Économie

Régimes économiques

Capitalisme

La Banque Centrale européenne

Économie internationale

Mondialisation

Économistes

 

6 Secteurs-Entreprises

Secteurs économiques sur internet

Entreprises

Portails et places de marché

Finance

Commerce sur INTERNET

Bib. Commerce

Commerce International

Travail Emploi

Industrie

Energie

Pétrole

Matieres premieres

Agriculture

Industrie alimentaire

Cereales

Chimie

Electronique Informatique

Mécanique

Automobile

Consommation

Pharmacie

Textiles

Batiment et travaux publics

Télécommunications

Transports

Marchés publics

Opérations

Marketing

Publicité

Comptabilité

Achats

services généraux

Ressources humaines

Investissement international

Management général

Sites HARVARD

Stratégies

Multinationales

Création et petite entreprise

Biblio. Microéconomie

Bibliographie de l'Entreprise

WN Industry WNBusiness

7 Société

Société

Bibliographie de la société

Société globale

La santé dans le monde

Jeunesse

Femmes

Vieillissement de la population

Individu

Bibliographie de l'individu

Biblio. famille et couple

Biblio de la ville

Biblio. Renseignement et desinformation

Biblio. des sciences sociales

Corruption

Biblio. de la Violence

SOCIETE

Femmes sur  Internet

Jeunesse

Immigration

Population

Vieillissement de la population

Races, ethnies sur  Internet

Langues sur  Internet

Culture, cultures

Le crime

Societe globale

Travail Emploi

Villes

Aide sociale sur  Internet

La sante dans le monde

Loisirs

Arts et lettres

Environnement

Institut de Recherche des Nations Unies pour le développement social

Économie sociale

Organisation du travail

Travail

Consommation

ConsoNet

Activisme environnemental Développement durable

Écologie

Neteconomie

8 Opinions

Opinions

OPINION

Opinions de l'international

Chronique internationale

Media et communications

Internet

WatchDog: veille des medias

Chronique des idees

Geographie des opinions

Politique des opinions

Desinformation

Media et communications

Langues

Culture, cultures

Races, ethnies

Religions

Bibliographie des religions

Bibliographie des cultures

Christianisme

Islam, Islamisme

Ideologie, valeurs

Education Formation

Opinions

Biblio. Communication et opinions

Biblio. Renseignement et desinformation

Savoirs

Sciences humaines et sociales

Technologies

Bibliographie des savoirs

Biblio. des sciences sociales

Biblio. de la psychologie

9 Perspectives

Futur des politiques publiques

Bibliographie du futur

Le futur

Chroniques du futur

Le Futur de l'action publique

0

Recherche rapide

Recherche avancée

Biblio

Internet

Comment s'informer

Cyberscope

THEMES SUR INTERNET

BIBLIOGRAPHIE DES THEMES

BIBLIOGRAPHIE DU MONDE

Acteurs sur Internet

Individu

Les Wiki par catégories

Action publiqueGEOPUBLIC

Entreprise MANAGINTER

Wikipedia

WIKIWAX

L'Encyclopédie de L'Agora

ReferenceDesk

3 Politique

Politique sur internet

Geographie des politiques publiques

Droit sur internet

Droits nationaux sur Internet

Droit international public

Droit privé, droits de l'Homme

Droit economique sur Internet

Etat sur Internet

Bibliographie de l'Etat

Bibliographie du politique

Bibliographie du risque politique

Bibliographie de l'administration

Administration française sur Internet

Administration publique sur Internet

Etat et services publics sur Internet

Secteur public sur Internet

Individu sur Internet

Associations, ONG

Régions et communes

Biblio. des Collectivités territoriales

Foreign government resources

Political ressources

4 International

Politique internationale sur internet

Bibliographie de l'International

Sécurité, défense sur internet

Renseignement, services spéciaux, intelligence économique

Terrorisme sur Internet

Forums mondialisation

Relations internationales AMAZON

Mondialisation, globalisation

Organisations intern. sur Internet

Biblio. Organisations internationales

Associations, ONG

ONG britanniques

La Francophonie sur Internet

 

5 Economie

Economie sur internet

Droit economique sur Internet

Developpement economique sur Internet

Actualité des affaires sur Internet

Fiscalité sur Internet

Commerce international sur Internet

Secteur public sur Internet

Bibliographie de l'économie Bibliographie économique de la Documentation française

Biblio.de la concurrence

Biblio. famille et couple

Biblio de la ville

Biblio. Renseignement et desinformation

Biblio. des sciences sociales

Corruption

 

6 Secteurs-Entreprises

Secteurs économiques sur internet

Entreprises sur Internet

Portails et places de marché

Finance sur Internet

Commerce sur INTERNET

Bib. Commerce

Commerce International sur Internet

Travail Emploi sur internet

Industrie sur Internet

Energie sur Internet

Pétrole sur Internet

Matieres premieres

Agriculture sur Internet

Industrie alimentaire sur Internet Cereales sur Internet

Chimie sur Internet

Electronique Informatique sur Internet Mécanique sur Internet

Automobile sur Internet

Consommation sur Internet

Pharmacie sur Internet

Textiles sur Internet

Batiment et travaux publics Télécommunications sur Internet Transports sur Internet

Marchés publics sur Internet

Opérations sur Internet

Marketing sur Internet

Publicité sur Internet

Comptabilité sur Internet

Achats sur Internet

services généraux sur Internet Ressources humaines sur Internet

Investissement international sur Internet

Management général sur Internet

Sites HARVARD

Stratégies sur Internet

Multinationales sur Internet

Création et petite entreprise

Biblio. Microéconomie

Bibliographie de l'Entreprise

 

 
7 Société

Société sur internet

Bibliographie de la société

Société globale

La santé dans le monde

Jeunesse sur Internet

Femmes sur Internet

Vieillissement de la population

Individu sur Internet

Bibliographie de l'individu

Biblio. de la Violence

Institut de Recherche des Nations Unies pour le développement social
8 Opinions

Opinions sur internet

Media et communications sur Internet

MediaWatchDog

La vérité sur Internet

Langues sur Internet

Culture, cultures sur Internet

Races, ethnies sur Internet

Religions sur internet

Islam, Islamisme sur Internet

Christianisme sur Internet

Savoirs sur Internet

Technologie sur Internet

Education Formation sur Internet

Sciences humaines et sociales sur Internet

Opinions sur Internet

 

Opinions des politiques publiques

Idees des politiques publiques

Valeurs des politiques publiques

Sciences des politiques publiques

Théories des politiques publiques

Opinions sur Internet

Associations et ONG sur Internet

Gouvernance sur Internet

Savoirs sur Internet

Technologie sur Internet

Publicité sur internet

Gouvernance d'entreprise

L'éthique dans les affaires internationales

Associations pour l'Europe

Culture, cultures sur Internet

Langues sur Internet

Religions sur internet Islam, Islamisme

Savoirs sur Internet

Education Formation

Internet et l'International

Biblio; Communication et opinions

Biblio. Renseignement et desinformation

Bibliographie des religions

Bibliographie des cultures

Bibliographie des savoirs

Biblio. des sciences sociales

Biblio. de la psychologie

 

9 Perspectives

Futur des politiques publiques

Bibliographie du futur

Le futur sur internet

Chroniques du futur

Le Futur de l'action publique

 
 
LE SECTEUR ÉLECTRIQUE  

 Synthèse et recommandations 

Les caractéristiques technico-économiques du secteur électrique sont éminemment favorables à l'apparition de puissants monopoles intégrés verticalement. C'est bien ce qui s'est produit au cours de la première moitié du siècle : les différents pays ont certes organisé leur secteur électrique selon leur génie propre, mais on retrouve de manière constante, sous-jacent à ces organisations variées, un modèle industriel fondé sur le monopole de production-transport. Ce modèle est resté dominant jusqu'à la fin des années 1980.

C'est durant les années 1980-1990 qu'intervinrent dans un certain nombre de pays les premières remises en cause profondes des formes traditionnelles d'organisation du secteur électrique. Il y eut, certes, à l'origine de ces remises en cause, des facteurs spécifiques au secteur : le ralentissement durable de la croissance de la demande d'énergie électrique, résultant de l'arrivée à maturité du secteur dans les pays industrialisés ; la percée de techniques de production peu capitalistiques mettant un terme à l'escalade vers les très fortes puissances unitaires ; les espoirs fondés sur la production décentralisée ; le poids croissant accordé à la protection de l'environnement. Il n'en demeure pas moins que l'émergence d'un certain consensus autour des vertus des mécanismes de marché, conforté de surcroît par les contre-performances de quelques opérateurs historiques, qui conduisit plusieurs pays de l'Union européenne à engager des réformes de leur secteur électrique bien avant que la directive de 1996 n'eût vu le jour. 

Venant se surimposer à des héritages historiques, ces évolutions avaient conduit à une extrême diversité des modes d'organisation dans les différents pays européens. Certains se démarquent plus ou moins du " modèle industriel " classique par la séparation de la production et du transport, l'introduction de la concurrence entre producteurs, la création de pools et de marchés spots, etc. L'Europe électrique d'hier était un système bien intégré techniquement, permettant des échanges utiles d'énergie, mais fonctionnant sur des bases beaucoup plus coopératives que concurrentielles. 

La nouvelle problématique amenée par les débats préparatoires à la directive européenne est celle de la construction d'un marché électrique européen réellement intégré et concurrentiel. 

Une première étape en ce sens a été franchie, avec la transposition en droit national de la directive dans les divers pays de l'Union européenne. Avant même que cette transposition ne soit achevée, la concurrence s'était engagée très activement mais de manière passablement désordonnée, avec des prix de marché parfois inférieurs aux coûts marginaux de court terme. Cette tendance s'est largement confirmée par la suite. 

Après ces premières turbulences, le marché européen de l'électricité devrait progressivement se structurer autour de marchés spots servant de référence à des contrats bilatéraux de gré à gré de plus ou moins longue durée. Ceux-ci seront complétés par des marchés à terme et des marchés dérivés qui procureront les instruments de couverture nécessaires aux opérateurs pour se prémunir contre la volatilité des prix. Cette organisation suppose une harmonisation des conditions d'accès aux réseaux qui semble aujourd'hui en bonne voie. L'instauration d'une forte concurrence sur le " marché de gros " de l'électricité va entraîner une baisse importante des prix et une rationalisation de la production. 

Les consommateurs éligibles devraient en être les premiers bénéficiaires, mais ce fait même devrait accélérer l'étape suivante du projet communautaire : la libéralisation de la distribution. 

Dans ce contexte, les enjeux d'une nouvelle régulation du système électrique français apparaissent désormais clairement. Le premier doit être de permettre à l'ensemble des consommateurs français d'accéder à une électricité compétitive dont les structures de prix résultent de mécanismes concurrentiels. De ce point de vue, il est sans doute souhaitable de favoriser l'émergence aussi rapide que possible d'un ensemble de marchés européens bien structurés, concurrentiels et intégrés. Il conviendra de faciliter l'accès de la clientèle éligible française aux différents type de marchés, et de ne pas compromettre les bénéfices de l'ouverture par des charges excessives qui viendraient gonfler artificiellement la tarification d'usage des réseaux. 

En même temps, une réflexion de fond sur les missions de service public et sur leurs modalités de mise en œuvre dans un contexte concurrentiel, s'impose. Cette réflexion doit s'établir dans le cadre d' un processus de concertation, décentralisé, impliquant l'ensemble des acteurs représentatifs de l'intérêt général : élus, collectivité concédantes, consommateurs, organisations syndicales, etc. Il conviendra notamment de réactualiser, dans ce nouveau contexte, les concepts traditionnels de garantie de fourniture et d'égalité de traitement. 

S'agissant de garantie de fourniture, les clients non éligibles continueront à bénéficier, comme par le passé, des garanties traditionnelles du service public et les clients éligibles, devront avoir le choix, face aux risques de volatilité des prix, soit de se couvrir sur des marchés à terme et des marchés dérivés, soit de souscrire une garantie de fourniture à prix ferme auprès d'un ou plusieurs opérateurs sur la base de tarifs affichés.

 S'agissant de l'égalité de traitement, il conviendra que tous les consommateurs éligibles puissent accéder dans des conditions équitables, aux " marchés de gros " : les plus grands directement, les moins grands, vraisemblablement par l'intermédiaire de négociants spécialisés. L'égalité de traitement entre non-éligibles continuera d'être assurée, comme aujourd'hui dans le cadre des principes du service public. Enfin, pour garantir l'égalité de traitement entre éligibles et non-éligibles, il faudra s'assurer de l'absence de subventions croisées entre les deux catégories de consommateurs. Cette vérification, à laquelle le régulateur national, les instances européennes en charge de la concurrence, et les opérateurs électriques eux-mêmes seront très attentifs, peut, soit relever d'un contrôle direct exercé par le régulateur, soit relever de mécanismes de marché si l'on autorisait les distributeurs à accéder au marché dans les mêmes conditions que les consommateurs éligibles. Dans une perspective à plus long terme, il est probable que tous les consommateurs deviendront éligibles : l'égalité de traitement entre consommateurs devrait alors résulter de la concurrence sur des réseaux de distribution transparents entre des fournisseurs s'approvisionnant sur un marché de gros européen devenu parfaitement concurrentiel.

 Une politique énergétique nationale reste compatible avec l'ouverture des marchés, mais pas dans n'importe quelles conditions. Sa mise en œuvre n'est concevable que dans la transparence et sur la base de justifications inattaquables, sous peine de déclencher des contentieux dommageables à bien des points de vue. Enfin, la nouvelle régulation du secteur électrique français doit permettre, de manière générale, aux opérateurs français de faire valoir pleinement leurs atouts dans la concurrence qui s'engage aujourd'hui sur un mode majeur.

 S'agissant plus particulièrement d'EDF, l'entreprise dispose d'avantages concurrentiels certains. Elle n'a nul besoin d'être " protégée " mais, au contraire, a tout à gagner de l'instauration d'une concurrence effective et transparente sur le marché européen. Pour bénéficier de toutes ses chances, EDF a besoin, dans l'immédiat, d'être exonérée de tout soupçon de connivence avec un gestionnaire de réseau longtemps profondément intégré au sein de l'entreprise : ceci suppose une réelle indépendance de ce gestionnaire sous le contrôle vigilant d'une Commission de régulation offrant toute garantie d'impartialité. À plus long terme, l'impossibilité pour les concurrents d'EDF de participer à l'alimentation de la clientèle non éligible alimentée par les réseaux de distribution d'EDF et des distributeurs non nationalisés, risque de se révéler un handicap pour l'entreprise qui se verra opposer l'absence de réciprocité lorsqu'elle s'intéressera au marché des distributeurs hors de nos frontières. Le remède à ce handicap pourrait être trouvé, à terme, soit dans l'accession à l'éligibilité de l'ensemble des distributeurs français, y compris EDF Services, soit dans la généralisation suffisamment rapide de l'éligibilité à l'ensemble de la clientèle finale. 

S'il n'est sans doute pas urgent de trancher entre ces deux scénarios, il y aura un jour des décisions importantes à prendre pour l'organisation du service public de l'électricité. Toutes ces évolutions en profondeur impliquent une adaptation des instruments de régulation. À cet égard, la dimension européenne du marché électrique de demain est essentielle. Une bonne articulation de l'ensemble des instruments de régulation, nationaux et européens (instances en charge de la concurrence, organismes de régulation spécialisés, gestionnaires de réseaux et de marchés), est indispensable pour l'efficacité du secteur électrique français et son intégration harmonieuse dans le marché électrique européen. La transposition de la directive européenne en droit français marque une étape importante dans une évolution qui est cependant loin d'être achevée, évolution dont on discerne dès aujourd'hui les tendances lourdes. Il convient de s'y préparer sans précipitation mais avec toute la réactivité nécessaire. Le projet de loi de transposition en droit français de la directive propose la création d'un organisme de régulation spécialisé : la Commission de régulation de l'électricité. Les fonctions qui lui sont assignées sont cohérentes avec les principes de fonctionnement retenus pour le marché électrique français. Il conviendrait de veiller à ce que l'indépendance de cette Commission vis-à-vis de l'État et de ses services soit effective afin de la rendre totalement légitime dans ses rôles essentiels, tout particulièrement pour l'organisation, en concertation avec les autres régulateurs nationaux, d'un marché électrique européen concurrentiel et intégré.


1. Les facteurs déterminants de l'organisation des systèmes électriques 

1.1. Des conditions favorables à l'apparition de puissants monopoles intégrés 

Dès ses premiers balbutiements, l'industrie électrique s'est trouvée confrontée à une question lancinante qui allait dominer son histoire durant de longues décennies : comment assurer à une clientèle sans cesse plus exigeante, une alimentation en énergie électrique économique et sûre alors que ce vecteur énergétique présentait, à côté de qualités indéniables, le double défaut de n'être pratiquement pas stockable et d'obéir aux lois complexes de l'électrotechnique ? 

Les premières réponses furent loin d'être entièrement satisfaisantes : implantées au cœur des agglomérations, des petites centrales à vapeur produisaient une électricité coûteuse et peu fiable, tandis que l'électricité abondante et bon marché produite par les usines hydrauliques exigeait, quant à elle, que ce soit le client qui se déplace pour aller à sa rencontre. Fort heureusement, les électriciens découvrirent rapidement qu'il était possible en élevant les tensions, de transporter l'électricité dans des conditions économiques acceptables. 

Ils découvrirent, par la même occasion, les avantages techniques et économiques que l'on pouvait retirer de l'interconnexion : qu'il s'agisse de bénéficier des complémentarités entre systèmes de caractéristiques différentes ; de mettre à profit le foisonnement des aléas pour améliorer la fiabilité de la desserte ; de réduire les marges de sécurité nécessaires ou d'accroître la taille des unités de production. Avec les bienfaits de l'interconnexion, les électriciens venaient également de découvrir les phénomènes de rendements croissants dans les systèmes électriques : plus un système était gros et puissamment interconnecté, plus sa fiabilité et son économie s'affirmaient.

 Presque simultanément, il apparut d'ailleurs aux industriels les plus perspicaces du secteur qu'ils amélioreraient encore leur position concurrentielle en renforçant leur ancrage territorial, c'est-à-dire en complétant leurs activités de production-transport par des activités de distribution qui relevaient, elles, avec évidence, d'une logique de monopole naturel local. Il résultait de tout cela que le jeu normal des mécanismes de marché, si l'on n'y mettait pas un frein, conduisait tout naturellement à la formation de puissants monopoles régionaux, voire nationaux, intégrés verticalement, tout simplement parce qu'il s'agissait ici de la forme d'organisation la plus efficace.


1.2. Jusqu'au milieu des années 1980, des variations sur un modèle dominant 

Face à cette tendance naturelle et aux effets pervers qui pouvaient en résulter, les différents pays réagirent selon leur génie propre, sans pour autant remettre en cause un certain type de modèle industriel qui allait rester dominant jusqu'à la fin des années 1980. C'est ainsi qu'aux États-Unis, que des mécanismes de régulation s'exerçant, pour l'essentiel au niveau des États et animés par le souci constant de protéger les petits consommateurs contre les abus de position dominante des utilities, ont conduit, en application des textes fondateurs de 1935, à instituer des règles limitant la taille de ces monopoles locaux. Ces règles leur interdisaient en particulier d'exercer sur plusieurs États et les empêchaient pratiquement d'échanger de l'électricité entre eux. Le secteur électrique s'est ainsi vu imposer une fragmentation excessive sous le contrôle tatillon des commissions de régulation, instituées tant à l'échelle des États qu'à l'échelle fédérale.

 En Allemagne, ayant constaté que la logique économique du secteur électrique produisait spontanément des monopoles, les autorités ont décidé de façon très pragmatique de s'accommoder de cette situation en acceptant la création d'un cartel de monopoles. L'Allemagne fut découpée en six zones principales, chacune d'entre elles relevant pour son alimentation en énergie électrique d'une entreprise en situation de monopole de production-transport. Les électriciens étaient conviés, sous l'œil vigilant des collectivités territoriales qui en étaient d'ailleurs souvent actionnaires, à ne pas commettre d'abus de position dominante trop criants. 

En France, avec une rigueur toute cartésienne, le législateur décida au lendemain du deuxième conflit mondial, le monopole paraissant être une forme d'organisation bien adaptée au secteur électrique, qu'il fallait aller au bout de cette logique en instituant, pour gérer le secteur électrique, un monopole national intégré. Bien évidemment, il ne s'agit pas là de la seule raison qui a conduit en 1946 à la création d'EDF : la reconstruction et la modernisation du pays impliquaient un énorme effort d'investissement dans le secteur électrique car la pénurie était toujours présente dans les faits et dans les esprits. Corrélativement, une forte attente existait en matière d'équité, de service public et de progrès social. En matière de distribution, la loi de 1946 prévoyait cependant une réelle décentralisation, grâce à la création des " Établissements publics régionaux de distribution ". Pour différentes raisons cette partie de la loi de nationalisation ne fut jamais appliquée. Il n'en demeure pas moins que, malgré les grandes diversités apparentes dans l'organisation des secteurs électriques dans les différents pays, un modèle industriel quasiment uniforme au niveau de la production-transport a prévalu durant de longues décennies : dans une zone géographique plus ou moins étendue, un opérateur dominant, intégrant les fonctions de production et de transport, assumait la responsabilité de la sécurité d'alimentation en énergie électrique. Pour lui permettre de remplir cette mission, un certain nombre de protections exorbitantes du droit normal de la concurrence lui étaient garanties : monopoles d'importation et d'exportation, statut d'acheteur et de vendeur unique sur le " marché de gros ", etc. 


1.3. La remise en cause des formes traditionnelles d'organisation du secteur 

De puissants facteurs de changement viennent aujourd'hui remettre en cause les formes d'organisation traditionnelles du secteur électrique. 

C'est tout d'abord l'arrivée à maturité des secteurs électriques des pays les plus industrialisés. La croissance de la consommation s'essouffle, voire s'annule. Dans un climat de détente de l'équilibre entre l'offre et la demande que renforce l'existence quasi générale de surcapacités plus ou moins permanentes, les risques de pénurie s'évanouissent, le client devient roi et s'interroge sur les contre-performances éventuelles du monopole dont il se sent captif. 

Ce sont ensuite les évolutions des techniques. S'agissant de la production, les turbines à gaz à cycle combiné, équipements de moyenne puissance moins coûteux en investissement et susceptibles d'être produits en grandes séries, mettent un terme à l'escalade des tailles unitaires des équipements de production. Dans une économie énergétique dominée aujourd'hui par l'abondance du gaz naturel, la nécessité du renouvellement dans l'état des grandes unités de production de base, nucléaires ou au charbon s'éloigne dans le temps. L'apparition, actuelle ou imminente, de moyens de production décentralisée nouveaux plus performants et plus respectueux de l'environnement ainsi que le rejet des grands ouvrages de transport apparaissent comme deux éléments susceptibles de remettre en cause, à terme, les structures traditionnelles de l'industrie électrique.

 Du côté du transport, les progrès techniques, tant du côté des courants forts avec les compensations à électronique de puissance (FACTS) , que du côté de l'informatisation du contrôle commande des réseaux, permettent d'envisager de maîtriser des systèmes interconnectés de fonctionnement beaucoup plus complexes que par le passé.

 D'autres facteurs de changement sont à prendre en considération. Tout d'abord, en matière d'énergie électrique, comme dans d'autres secteurs, la décentralisation des décisions, lorsqu'elle est possible, est considérée comme souhaitable. Avec la décentralisation, les élus locaux ont déjà renforcé leur rôle dans l'organisation de la distribution. À l'avenir, ils souhaiteront contrôler plus étroitement ce service collectif de proximité, au nom des citoyens-consommateurs dont ils sont les représentants démocratiquement élus et seront également plus nombreux à vouloir mettre en œuvre des politiques locales globales de l'énergie (électricité, gaz, chaleur, etc.). Par ailleurs, en France comme dans bien d'autres pays, les préoccupations d'environnement - de plus en plus prégnantes - entraîneront un renforcement des politiques publiques dans ce domaine, aussi bien locales pour l'insertion des ouvrages électriques dans les paysages urbains ou ruraux par exemple, que nationales pour la lutte contre l'effet de serre. 

Ce sont enfin les évolutions de la pensée économique. La conviction que le recours aux mécanismes de marché, chaque fois qu'il est possible, constitue la meilleure garantie d'efficacité économique, devenait de plus en plus partagée, surtout après le constat d'échec des économies planifiées. Les réflexions théoriques sur la régulation des systèmes économiques, suggéraient de nouveaux modes d'organisation des systèmes électriques permettant de bénéficier, à la fois, des rendements croissants propres au secteur et des vertus d'une organisation concurrentielle. 

Un peu partout dans le monde, des expériences s'engageaient en ce sens. La mise en œuvre, à grande échelle, des réformes proposées, eût été cependant difficilement concevable si elle n'avait pu s'appuyer sur une innovation juridique décisive, construite sur la théorie des " facilités essentielles ". Celle-ci, née dans la jurisprudence communautaire, reprise récemment par le droit français, a été édifiée sur la prohibition de l'abus de position dominante. Les autorités de la concurrence estiment certes qu'en principe les propriétaires d'un bien qui n'est pas l'objet d'une circulation marchande peuvent le conserver pour leur usage. Mais lorsqu'il s'agit de biens dont l'usage est absolument nécessaire aux autres opérateurs pour accéder aux marchés des biens marchands, le bien reçoit alors la qualification de " facilité essentielle " : c'est le cas lorsque, par exemple, un tiers doit user du réseau de transport s'il veut prétendre vendre de l'électricité. Dès lors, ne pas ouvrir l'accès de ce bien aux autres constitue une barrière à l'entrée de ce marché, et constitue donc un abus de position dominante. De la même façon, demander un prix abusif aux tiers qui n'ont pas d'autre alternative pour accéder au marché que d'user de cette facilité est constitutif d'un abus de position dominante. Ainsi, à partir des notions élémentaires du droit de la concurrence, le droit en arrive à affirmer que les tiers ont un droit d'accès à un prix équitable aux facilités essentielles, le refus que leur opposerait le propriétaire de la facilité recevant la qualification de comportement anticoncurrentiel sanctionnable.


  1.4. À la veille de la directive, une grande variété de modèles en Europe

 Sous l'effet de ces facteurs et bien avant que la directive européenne n'ait vu le jour, des évolutions importantes avaient été engagées dans un certain nombre de pays de l'Union. Venant se surimposer à des héritages historiques déjà fort variés, ces évolutions conduisaient à une extrême diversité des modes d'organisation dans les différents pays européens. S'agissant du secteur électrique proprement dit, dans un certain nombre de pays subsistait une organisation intégrée verticalement. 

Elle pouvait être à dominante publique comme dans le cas de la France, de l'Irlande et de l'Italie, à dominante privée comme dans le cas de la Belgique avec pour ce pays une intégration seulement partielle pour la distribution. Dans ces pays, le modèle industriel classique conservait force de loi : même s'il existait une certaine concurrence à la production, la compagnie de service public, investie du monopole sur un territoire géographique donné, était responsable de la continuité du service et devait donc pour ce faire, prévoir des investissements de production adéquats ou des contrats fermes d'approvisionnement avec des producteurs indépendants ou étrangers.

 D'autres pays, comme l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, avaient retenu une organisation non concurrentielle avec quelques monopoles intégrés dominants alors que d'autres, comme l'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas et les pays scandinaves, séparaient la production du transport. L'obligation de fourniture, assurée à travers des contrats à long terme avec les producteurs-transporteurs régionaux, supra-régionaux ou nationaux, reposait dans ces deux groupes de pays sur des distributeurs disposant de droits exclusifs. 

L'Angleterre et le Pays de Galles se trouvaient dans une situation particulière. Ils avaient été en effet les premiers à désintégrer, de manière très volontariste, leur secteur électrique pour permettre à la concurrence de jouer pleinement entre les producteurs. Les distributeurs gardaient, quant à eux, l'obligation de fourniture sur leur territoire pour une période transitoire jusqu'à l'ouverture totale du marché.

 Le tableau joint en annexe 2 présente ce qu'étaient les structures des systèmes électriques existant dans les différents pays européens à la veille de la mise en place des lois de transposition. Cette photographie contrastée est le résultat d'évolutions historiques propres à chacun des pays mais traduit aussi, pour ce qui est des évolutions enregistrées au cours des dernières années, les premiers effets des facteurs de changement analysés précédemment.

 Au-delà de ces contrastes en matière d'organisation, existait également une grande diversité de situations entre les acteurs industriels du secteur dans les différents pays. Cette diversité résultait à la fois de circonstances historiques propres à chaque pays, des implications des dispositions institutionnelles retenues pour organiser le secteur électrique mais aussi, plus récemment, des anticipations des entreprises elles-mêmes face aux perspectives d'ouverture des marchés sur lesquels ils bénéficiaient naguère de la protection de monopole de droit ou de fait. C'est ainsi que la plupart des opérateurs historiques du secteur ont développé ces dernières années une politique de diversification, aussi bien géographique qu'industrielle, dans des activités qu'ils jugeaient à la fois suffisamment proches de leur métier principal et à fort potentiel de développement. Bon nombre d'électriciens en place se sentant désormais menacés au moins à terme sur leurs marchés nationaux, se sont résolument tournés vers l'international. Ils ont cherché, en particulier, à développer ou à contrôler des capacités de production ou de distribution dans les zones en développement d'Asie ou d'Amérique du Sud. Cette orientation répondait aussi aux attentes des pays en développement qui, étant obligés de faire appel à des capitaux privés, libéralisaient l'activité électrique, créant ainsi une opportunité pour les opérateurs. Ils se sont souvent également engagés dans le développement d'offres multi-énergies, cherchant en particulier à s'impliquer plus explicitement dans la chaîne gazière pour tirer profit des synergies que le gaz peut trouver avec l'électricité tant à l'échelle de la production dans des projets de cogénération qu'à celle de la distribution et de la commercialisation. Enfin, certains opérateurs se sont engagés soit directement soit à travers le groupe auquel ils appartenaient dans d'autres services en réseaux tels que ceux de l'eau et des déchets, et surtout dans le secteur des télécommunications qui a pu représenter, pour nombre d'entre eux, un axe majeur de développement, au moins jusqu'à une période récente, certains se dégageant plus ou moins de ce domaine aujourd'hui. La situation d'EDF à cet égard est assez particulière puisque, établissement public relevant d'un principe de spécialité, cette entreprise ne peut élargir autant que d'autres ses activités. 


2. Que sera l'Europe électrique de demain ? 

2.1. Avant la directive : un système européen plus coopératif que concurrentiel 

Les grands électriciens européens, bien avant que les travaux de la Commission ne fassent de la construction d'un marché électrique européen intégré un objectif majeur, avaient déjà réalisé avec leur propre vision une Europe électrique, loin d'être inconsistante. 

Au plan technique tout d'abord, ils avaient clairement reconnu que les bienfaits de l'interconnexion, notamment en matière de sécurité de fonctionnement des réseaux, pouvaient s'étendre bien au-delà des frontières de leur zone de responsabilités, même si l'exploitation d'un très vaste système interconnecté supposait quelques précautions. La normalisation des caractéristiques des équipements, l'élaboration de règles communes de conception et d'exploitation des réseaux, la définition d'automatismes, tels le " réglage fréquence-puissance ", permirent la réalisation d'un vaste réseau interconnecté synchrone ignorant les frontières et dont la fiabilité ne fut que très rarement prise en défaut. Ce réseau fut ultérieurement complété par quelques liaisons à courant continu vers des sous-systèmes insulaires, tels la Grande-Bretagne et la Scandinavie, ou des sous-systèmes dont le raccordement synchrone eut été difficilement envisageable comme dans le cas des pays de l'Est. Ce réseau faisait de l'Europe électrique une réalité bien avant que l'on ne parlât à Bruxelles de marché électrique européen. Son exploitation, sans remettre en cause les responsabilités propres des dispatchings nationaux ou régionaux, supposait une bonne coordination de leurs pratiques et de leur action au quotidien, coordination facilitée par le climat plus coopératif que concurrentiel qui caractérisait alors les relations entre les grands électriciens européens. Au-delà de sa contribution au renforcement de la fiabilité des systèmes qu'il interconnectait, ce réseau permit aussi le développement d'échanges d'énergie électrique améliorant l'économie de la production d'électricité. Ces échanges revêtaient soit la forme de contrats à plus ou moins long terme lorsqu'ils étaient suffisamment systématiques, soit la forme " d'échanges à bien plaire " lorsque, convenus la veille pour le lendemain, ils permettaient d'ajuster les plans de production aux multiples aléas affectant l'offre et la demande d'électricité. Certains de ces échanges tels que ceux résultant de la complémentarité entre l'hydraulique et le thermique ou de politiques énergétiques contrastées - l'exemple du nucléaire français est à cet égard assez exemplaire - justifièrent par ailleurs le développement de capacités de transfert allant bien au-delà des besoins d'interconnexion nécessaires au bon fonctionnement du système interconnecté. Au total, les énergies échangées étaient souvent loin d'être négligeables : c'est ainsi, par exemple, qu'EDF exportait, vers la fin des années 1980, quelque 70 TWh, soit 15 % de sa production d'électricité. Ces échanges de kWh traduisaient-ils pour autant l'existence d'un " véritable " marché européen de l'électricité ? On peut, assurément, en douter. Une telle organisation, ouverte à un très petit nombre d'acteurs, rendue passablement opaque par la négociation bilatérale de gré à gré d'accords à moyen et long terme, quelque peu " artisanale " s'agissant des échanges de court terme, pouvait difficilement prétendre mettre sous pression les grands opérateurs au bénéfice de leur clientèle finale. Qui plus est, elle permettait de pérenniser, ce qui constituait pour certains sa force pour d'autres sa faiblesse, toutes les singularités nationales, qu'elles fussent estimables, lorsqu'il s'agissaient de politiques énergétiques nationales ou de service public, ou franchement contestables lorsqu'il s'agissaient de mesures protectionnistes ou de distorsions de concurrence. 


2.2. La directive ou comment construire un marché européen réellement intégré et concurrentiel ?

 Il ne saurait être question de retracer ici le cheminement long, difficile et souvent chaotique qui conduisit des premières déclarations d'intention de la Commission européenne vers le milieu des années 1980 à l'adoption de la directive de 1997. Il est par contre intéressant de dresser une cartographie des forces qui, durant cette période, appuyèrent ou au contraire cherchèrent à freiner ou au moins à amender, les projets de déréglementation élaborés à Bruxelles. La Commission était animée en la matière de deux fortes convictions. La régulation par le marché, pour ce secteur comme pour tout autre, lui apparaissait comme le seul moyen de garantir à la fois l'efficacité économique et l'absence de discriminations ou d'abus de position dominante. Les spécificités du secteur lui paraissaient artificiellement gonflées par un certain nombre d'acteurs qui pouvaient trouver intérêt, pour des raisons diverses, au maintien d'une situation oligopolistique et fortement réglementée. L'émergence d'un marché électrique européen réellement intégré devait avoir également, à ses yeux, des effets économiques extrêmement bénéfiques, tant pour le secteur lui-même que pour la compétitivité de l'industrie européenne. Une telle intégration apporterait de surcroît une pierre supplémentaire à la construction de l'édifice européen dans lequel les " secteurs réservés " constituaient une anomalie choquante. 

Différents facteurs encourageaient puissamment la Commission à aller rapidement de l'avant dans la voie de l'ouverture des marchés :

     - d'une manière générale, le " vent libéral " soufflait sur l'économie mondiale et, s'agissant de l'électricité, il s'était instauré, notamment aux États-Unis, à défaut de projets opératoires, un débat très nourri sur les formes d'organisation les plus appropriées pour introduire une réelle concurrence dans un secteur jusque-là excessivement réglementé ; 

    - un certain nombre de pays dans le monde, au premier rang desquels la Grande-Bretagne, avaient choisi de réorganiser leur propre système électrique selon des modèles concurrentiels pour remédier à certaines déficiences de leur organisationantérieure         - la pression des grands consommateurs industriels, revendiquant la possibilité de mettre en concurrence les producteurs d'électricité pour obtenir des conditions de fourniture compétitives, apparaissait d'autant plus convaincante que la mondialisation de l'économie et l'ouverture des marchés devenaient une réalité. 

D'autres acteurs, au contraire, cherchaient à tempérer les ardeurs des tenants d'une déréglementation totale et rapide. Les électriciens européens, rassemblés au sein d'Eurelectric tout d'abord. Même s'ils n'étaient pas hostiles à plus de transparence et de concurrence, ils considéraient, pour la plupart, que les projets de la Commission méconnaissaient par trop les singularités technico-économiques du secteur et, appliqués tels quels, eussent conduit à bien des déboires. Certains gouvernements, ensuite, qui, soucieux de conserver en mains les leviers de leur politique énergétique ou de préserver des valeurs de service public, jugeaient excessifs des projets qui, mis en œuvre en l'état, leur eussent retiré toute prérogative régalienne sur un secteur qu'ils considéraient comme éminemment stratégique. Rien d'étonnant donc à ce que compte tenu des forces en présence, il ait fallu quelque dix années marquées par des alternances de dialogue relativement serein et de tensions très fortes, pour aboutir en 1996 à un compromis raisonnablement consensuel. Les péripéties qui jalonnent la préparation de cette directive sont bien connues. On peut citer par exemple : l'élaboration dans un climat constructif des directives transit et transparence des prix en 1990 ; le débat approfondi sur la meilleure forme d'organisation de la concurrence autour des deux modèles de l'acheteur unique et de l'accès des tiers au réseau ; la crise du début des années 1990 ; l'évolution des positions de certains gouvernements ; le renforcement de la tendance libérale au sein des électriciens par l'arrivée des Scandinaves ; la fissuration du bloc des électriciens continentaux. Quant au contenu de la directive elle-même, il suffira d'en rappeler ici quelques éléments essentiels : 

- une séparation au moins comptable des activités de production, de transport et de distribution dans le cas d'entreprises électriques intégrées ;

 - une ouverture progressive des marchés par l'accès au réseau de clients éligibles (30 % au moins de la consommation nationale en 2003) ;

 - le choix laissé aux États membres d'instaurer un système d'acheteur unique, ce choix ne présentant plus guère d'intérêt compte tenu de l'ouverture des réseaux aux clients éligibles ;

 - la mise en place de gestionnaires de réseaux, chargés dans chaque pays ou dans chaque région d'assurer, en toute indépendance vis-à-vis des producteurs, le bon fonctionnement du système électrique et l'acheminement de l'énergie électrique dans des conditions non discriminatoires ; 

- la reconnaissance du droit des États dans le cadre du principe de subsidiarité de définir, à l'occasion de la transposition de la directive, les modalités de mise en œuvre des missions d'intérêt général ou de service public qu'ils entendaient préserver ou promouvoir ;

 - la reconnaissance du principe des " coûts échoués ", pour permettre aux opérateurs qui seraient pénalisés par des décisions prises dans un cadre antérieur d'entrer à armes égales dans la concurrence instaurée par l'ouverture des marchés ; 

- enfin, et ce n'est pas le moins important, l'affirmation que cette directive n'était qu'une étape dans la déréglementation du secteur électrique européen, et qu'une nouvelle étape serait marquée au plus tard en 2005. 


2.3. Avant même l'achèvement de la transposition, une concurrence vive mais désordonnée 

Quelques mois après la date limite de la transposition de la directive dans les différentes législations nationales, la situation de l'Europe apparaissait au plan institutionnel comme assez complexe. En termes de calendrier, certains pays, comme la Grande-Bretagne, avaient assez largement anticipé sur la promulgation de la directive pour libéraliser leur système électrique, alors que d'autres, comme la France, en étaient encore au stade du débat parlementaire. Plus fondamentalement, il paraissait vraisemblable, qu'après la transposition l'Europe électrique apparaîtrait comme une juxtaposition de systèmes organisés selon des logiques passablement hétérogènes, en dépit des points de convergence s'imposant à tous. Le tableau mis en annexe 1 présente de manière synthétique l'état des lieux tel qu'on pouvait l'appréhender au 1er juin 1999. L'affichage d'une date précise n'est pas, en ce cas, indifférent car la situation évolue ou est susceptible d'évoluer rapidement dans certains pays. 

Cependant, alors même que les conditions d'accès au réseau de transport étaient loin d'être figées dans de nombreux pays, une très forte pression concurrentielle se manifestait déjà sur ce marché électrique européen, si imparfait fut-il : les clients éligibles arrivant en fin de contrat avec leur fournisseur habituel lançaient des appels d'offre plus ou moins officiels pour leur approvisionnement futur en énergie électrique ; les producteurs en place répondaient à cette demande, voire démarchaient discrètement les clients de leurs concurrents potentiels ; les entreprises voulant s'établir dans le négoce de l'électricité cherchaient des fournisseurs et des clients. L'intensité de cette concurrence s'est largement confirmée, voire amplifiée, au cours des derniers mois. Toutes les transactions qui se concluent aujourd'hui, dont certaines peuvent prendre effet immédiatement, dont d'autres ne pourront se concrétiser que lorsque les conditions d'accès à certains réseaux seront définitivement arrêtées, ont pour caractéristique commune de résulter de la confrontation d'une demande relativement étroite - les éligibles arrivant en fin de contrat - à une offre surabondante, le système électrique européen étant assez largement surcapacitaire. Elles se réalisent donc à des prix inférieurs de 15 à 20 % aux prix antérieurement pratiqués, voire parfois à des prix franchement déraisonnables, ne couvrant même pas le coût de combustible de la centrale thermique marginale sur le réseau européen. Face à cette " guerre des prix " qui, à défaut d'entraîner des transferts massifs de clientèle, pourrait provoquer une baisse importante de leurs recettes, certains électriciens en place ont tenté d'élever des barrières protectrices, notamment par le biais des conditions d'accès au réseau. Ces barrières, qui supposent une collusion entre producteurs et gestionnaires de réseau, ne peuvent être, évidemment, qu'éphémères. Il n'en demeure pas moins que la prolongation de cette situation comporterait, au delà même des conséquences financières qu'elle ne manquerait pas d'avoir pour les opérateurs les plus fragiles du secteur, bon nombre de périls tels que : - le risque de perte de maîtrise technique d'un système devenu plus complexe et que les conditions de la concurrence et les collusions éventuelles entre producteurs et gestionnaires de réseau rendraient particulièrement opaque ; - le risque de voir des échanges économiquement justifiés, freinés par des politiques incohérentes en matière de droit d'usage des réseaux, politiques guidees par des soucis protectionnistes ; - les risques en termes d'efficacité économique, d'équité de traitement des consommateurs qui pourraient résulter d'une organisation durablement déficiente de la concurrence. Il y a donc, sans aucun doute, une convergence objective d'intérêts entre bon nombre d'acteurs du marché électrique pour que celui-ci s'organise de manière à permettre une concurrence saine et transparente.


2.4. Vers un marché européen de l'électricité intégré et bien structuré 

Sans vouloir copier servilement l'organisation qui prévaut sur les grands marchés de matières premières, il est certain que l'organisation de marchés spots bien structurés et transparents est la manière la plus efficace d'assurer la meilleure utilisation à court terme des moyens de production de l'électricité, à partir du moment où l'on s'en remet à des mécanismes de marché pour tenter de cerner cet optimum de production.

 De tels marchés spots, assurant presque en temps réel - en pratique le jour J-1 pour le jour J - l'ajustement final de l'offre et de la demande, sont la transposition en économie de marché de la pratique antérieure des " échanges à bien plaire ", à deux points près, au demeurant essentiels :

    - ces marchés spots ne seront plus limités aux seuls producteurs, mais devront, tôt ou tard, être ouverts aux clients éligibles (grands consommateurs ou distributeurs) et aux traders ; 

    - les prix qui se formeront sur ces marchés, résulteront de la confrontation instantanée et transparente de l'offre et de la demande d'électricité. En particulier dans d'éventuelles situations de pénurie, ces prix pourront s'élever considérablement assurant ainsi l'ajustement de l'offre et de la demande par effacement des consommations les plus flexibles, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des mécanismes plus ou moins arbitraires de contingentement.

 Il est cependant évident que bien peu de consommateurs souhaiteront s'en remettre totalement aux marchés spots pour leur approvisionnement en énergie électrique. Le recours à des contrats bilatéraux, avec garantie de fourniture entre consommateurs et producteurs ou traders, restera de pratique générale, car ils permettront aux consommateurs de s'affranchir des aléas et de la complexité de gestion d'un approvisionnement sur un marché spot. Ces contrats - contrats forwards - très probablement de plus courte durée qu'aujourd'hui, gagneront sans doute en transparence et en pertinence de court terme en s'appuyant sur les prix constatés sur les marchés spots. Enfin, la couverture des risques résultant de la volatilité des prix sur les marchés spots pourra être assurée par un marché à terme de contrats-type - marché des futures - ainsi que par le développement des marchés dérivés de couverture, marchés tout à fait analogues aux marchés mis en place de longue date pour couvrir les risques de prix des matières premières. Le marché européen de l'électricité devrait donc progressivement se structurer autour de marchés spots servant de référence à des contrats bilatéraux de gré à gré de plus ou moins longue durée et complétés par des marchés à terme procurant les instruments de couverture nécessaires pour se prémunir contre la volatilité des prix. 

Ce modèle d'organisation des marchés électriques est déjà largement utilisé aux États-Unis. Des approches similaires ont été développées dans les péninsules électriques européennes (pool britannique, Nordpool scandinave). La bourse de l'électricité d'Amsterdam bientôt suivie par celle de Francfort et de Zurich en constituera les premiers exemples pour le système interconnecté continental.

 Même s'il s'agit aujourd'hui d'initiatives peu coordonnées, on comprendrait assez mal que ce mode d'organisation tout à fait adapté à l'exercice d'une concurrence saine et bien structurée, ne finisse pas par s'imposer sur la durée, aucun acteur n'ayant intérêt à se tenir à l'écart des opportunités qu'il offre. Encore faut-il, pour permettre un fonctionnement efficace d'une telle organisation à l'échelle du continent, que l'accès au réseau des différents acteurs soit possible sans discrimination et selon des modalités raisonnablement harmonisées entre les différents pays européens. Cette question de l'accès au réseau a été passablement obscurcie par ceux qui ont voulu en faire une arme défensive contre l'ouverture des marchés. Comme le montre l'encadré qui suit, à partir du moment où l'on pose clairement qu'une " bonne " tarification de l'infrastructure doit permettre une concurrence efficace et transparente sur un marché européen intégré, les choses deviennent beaucoup plus simples, au moins conceptuellement. Il est assez satisfaisant de constater aujourd'hui des progrès rapides en ce sens avec l'abandon des projets d'accès négocié et de tarification à distance, la généralisation dans les différents pays de la tarification de type " timbre-poste " et, tout récemment, la reconnaissance qu'il n'y a pas lieu de traiter différemment les transits transfrontaliers et les transits internes aux différents sous-systèmes électriques. Ce système de tarification devrait à terme s'orienter vers un timbre-poste européen unique . Enfin, pour ne pas constituer un obstacle artificiel au développement souhaitable des échanges transfrontaliers, la tarification du transport devrait exclusivement refléter les coûts de transport et ne pas devenir un instrument de collecte de charges d'intérêt général relevant d'autres logiques . Il reste certes un chemin important à parcourir pour transformer ces progrès conceptuels en réalités opérationnelles et, notamment, pour mettre en place la coordination entre régulateurs d'une part et gestionnaires de réseaux d'autre part, coordination nécessaire à leur mise en œuvre rationnelle. Les enjeux paraissent cependant suffisamment importants et la pression mise sur les acteurs de cette future organisation suffisamment forte, pour que le sens de ces évolutions soit irréversible et que la question de l'émergence d'un marché réellement concurrentiel de l'électricité en Europe ne soit plus qu'une question de calendrier. 

Tarification de l'accès au réseau Une bonne tarification de l'accès au réseau doit répondre à trois préoccupations :

    - ne pas entraver l'utilisation " optimale " à court terme des moyens de production existants, telle que le révèle, par exemple, un marché spot bien organisé ;

     - donner des signaux incitatifs pertinents concernant tant le développement de nouvelles capacités d'interconnexion, que la localisation des productions et des consommations nouvelles ;

     - assurer une rémunération équitable aux propriétaires et exploitants de réseaux, tout en les incitant à progresser en efficacité. 

La tarification de l'accès au réseau doit évidemment tenir compte d'une donnée incontournable résultant des lois de l'électrotechnique : les transits dans les ouvrages de transport sont déterminés par l'ensemble des énergies injectées ou prélevées aux différents nœuds du réseau. Elle doit également tenir compte d'une autre donnée résultant du fonctionnement même d'un marché électrique concurrentiel : les énergies injectées dans le réseau par les différents producteurs ne résultent que d'une manière complexe et légitimement assez opaque, des transactions commerciales entre les différents acteurs : producteurs, consommateurs, et traders. On ne saurait donc associer de manière pertinente à une transaction commerciale des transits bien déterminés sur un réseau tant soit peu maillé. Une tarification rationnellement fondée de l'accès à un réseau électrique ne peut donc s'appliquer qu'aux injections et prélèvements de kWh aux différents nœuds, sur la base de leur impact à la marge sur les transits, ce qui rend vaine toute tentative de tarification des transactions commerciales " à la distance ". 

Si l'on admet que cette tarification des injections et des prélèvements peut revêtir une forme binôme comportant des termes proportionnels aux puissances maximales que les producteurs ou les consommateurs veulent respectivement pouvoir injecter ou prélever et des termes proportionnels aux énergies effectivement injectées ou prélevées aux différents moments de l'année, on montre que : - en l'absence de problèmes de congestion, la tarification appliquée aux énergies instantanées injectées ou prélevées au niveau du réseau THT européen (en quelque sorte, le " marché de gros "), doit être aussi uniforme que possible. 

Une telle uniformité permettra de ne pas perturber la confrontation de l'offre et de la demande sur les marchés spots, ce qui milite, si l'on veut vraiment créer un marché électrique européen intégré et concurrentiel, pour un " timbre-poste " européen pour cette partie de la facturation ; 

    - les problèmes de congestion peuvent être traités par majoration ou allégement de la tarification appliquée aux énergies instantanées injectées (ou prélevées), en fonction de l'impact marginal d'une modification de l'injection (ou du prélèvement) sur les contraintes se manifestant sur le réseau ; 

    - la facturation des puissances maximales pouvant être injectées ou prélevées n'ayant pas d'incidence sur la confrontation des coûts de court terme, elle peut être utilisée sans préjudice pour l'optimisation de l'exploitation pour couvrir des charges fixes de réseau différenciées géographiquement ou renforcer l'incitation à une bonne localisation des productions et des consommations nouvelles si l'on estimait que le signal donné en exploitation par le biais du traitement des problèmes de congestion est insuffisant. Elles pourraient être également un moyen utilisé pour couvrir des coûts attachés à des considérations d'intérêt général. Toutefois, on ne saurait trop recommander en l'occurrence une totale transparence et une grande prudence pour ce type de dispositif. 

On y reviendra plus loin. Il serait évidemment hors de propos d'entrer ici dans la discussion de problèmes techniques importants mais délicats, tels que le traitement des pertes en réseau ou les méthodes à mettre en œuvre par les gestionnaires de réseaux pour évaluer les coûts de congestion et donner les signaux pertinents évoquées précédemment. Ces problèmes sont en cours d'examen au sein d'une association de gestionnaires de réseaux qui vient d'être créée. Cependant, au-delà des questions techniques liées à la mise en œuvre des réseaux, les principes esquissés ci-dessus s'imposent comme étant nécessaires au bon fonctionnement d'un marché électrique européen intégré et concurrentiel. S'agissant de la congestion des réseaux, on observera simplement ici, qu'existent des " goulets d'étranglement " limitant les échanges de manière quasiment permanente et structurelle, au moins dans une perspective de moyen terme. Ce peuvent être, par exemple, les liaisons sous-marines entre le continent et la Grande-Bretagne, entre le continent et les pays scandinaves, ou l'interconnexion France-Espagne, ou les interconnexions avec l'Italie, etc. Leur traitement éventuel relève d'une politique d'investissement dans les cas où un renforcement de l'interconnexion apparaîtrait économiquement justifié et physiquement réalisable. D'autres " goulets d'étranglement ", et ce sera souvent le cas sur la " plaque électrique continentale ", sont non permanents, liés à certaines situations d'exploitation particulières. Leur traitement au moindre coût relève des gestionnaires de réseau dans le cadre d'une gestion coordonnée du système électrique européen. 


2.5. Des baisses de prix qui profiteront aux éligibles puis, sans doute, à l'ensemble des consommateurs 

Même si une meilleure structuration du marché, favorisant une réelle transparence de la concurrence, est de nature à faire disparaître certaines anomalies résultant de la situation de concurrence très imparfaite d'aujourd'hui, la confrontation d'une offre très largement surcapacitaire et d'une demande au développement modeste devrait entraîner au cours des prochaines années, des baisses de prix substantielles sur le " marché de gros " de l'électricité. Il serait hasardeux de tenter de prévoir l'ampleur et la durée de ces baisses car elle dépendra très largement de la vitesse à laquelle les acteurs du secteur, et singulièrement les producteurs, procéderont aux réajustements qu'impliquera cette nouvelle situation. 

Certaines tendances semblent cependant tout à fait claires. Face à des prix de marché très déprimés, la construction de nouveaux équipements de production, à l'exception sans doute de quelques grands projets de cogénération ou de valorisation de produits résiduels, sera économiquement peu attractive. 

La concurrence s'exercera donc, pour l'essentiel, entre les producteurs en place et les nouveaux entrants éventuels devront, pour s'introduire sur le marché, acquérir des installations ou des entreprises existantes. Les producteurs en place les plus vulnérables seront en situation difficile. Leur disparition ou leur rachat par d'autres producteurs ou de puissants nouveaux entrants de stature internationale seront à l'ordre du jour. La concentration du secteur dans les pays d'Europe dans lesquels elle n'est pas encore très avancée paraît probable. Les producteurs engageront des efforts de productivité importants et s'efforceront d'ajuster leur parc de production par le déclassement de leurs installations les moins performantes. Cet ajustement devrait provoquer une certaine remontée des prix dans quelques années, le prix directeur pour une fourniture garantie constante sur l'année devant être alors vraisemblablement calé sur les charges liées au maintien en service d'une centrale à charbon de moyenne puissance. À moyen terme, la croissance de la demande stimulée par la baisse des prix, conjuguée avec le vieillissement des équipements existants, devrait conduire à une reprise progressive de l'investissement. Le prix directeur pour une fourniture garantie constante sur l'année devrait alors être selon toute vraisemblance, le coût de développement, charges de capital comprises, d'une centrale à cycle combiné à gaz. Ce n'est qu'à plus long terme, que le déclassement progressif des grandes unités de production de base d'aujourd'hui et tout particulièrement du nucléaire en France placera le secteur électrique européen face à des besoins d'investissement plus massifs. Ce sera dans un contexte énergétique et environnemental peut-être assez différent de celui d'aujourd'hui. En analyser les déterminants nous entraînerait bien au-delà du cadre de ce rapport.

 Les premiers bénéficiaires de cette évolution favorable des prix, comme le confirment les expériences de déréglementation les plus avancées aujourd'hui, seront évidemment les clients éligibles, grands consommateurs d'électricité. Les mécanismes choisis pour ouvrir progressivement le marché et leur plus grande réactivité face aux évolutions des prix des énergies en général, et de l'électricité en particulier, ne permettent guère de mettre en doute cette conclusion malgré les déclarations proscrivant, dans le cas d'une ouverture partielle à la concurrence, toute subvention croisée entre clients captifs et consommateurs éligibles. 

Il est probable que cette situation entraînera une accélération du processus de déréglementation pour les petits consommateurs. À défaut de pouvoir garantir, comme tel était à peu près le cas naguère, " l'égalité de traitement " entre consommateurs par le biais de tarifs affichés et cohérents, on préférera sans doute s'en remettre à la concurrence pour établir des prix de marché, plutôt qu'à la vérification toujours quelque peu contestable et parfois pénalisante pour les opérateurs, de l'absence de subventions croisées. Pour permettre aux petits consommateurs de bénéficier de la concurrence sur le " marché de gros " de l'électricité, deux voies sont concevables. 

La première consiste à rendre les distributeurs éligibles, les petits clients restant alimentés par des " distributeurs-fournisseurs " en situation de monopole local pour la clientèle non éligible. Un distributeur pouvant peser d'un poids non négligeable sur le " marché de gros ", cette solution permet effectivement au petit client de bénéficier indirectement de la concurrence sur le " marché de gros " sans avoir à se soucier de ses conditions de fonctionnement. En revanche, le petit client reste captif d'un fournisseur dont il n'a guère le moyen de sanctionner le manque de performance éventuel. 

La seconde consiste à rendre toute la clientèle éligible et lui permettre l'accès au " marché de gros " via des réseaux de distribution transparents. S'alimenter auprès du " distributeur-fournisseur " local (qui devra faire, lui aussi, son unbundling) devient alors optionnel. Même s'il est vrai que beaucoup de clients hésitent à changer de fournisseurs, la possibilité d'en changer permet de créer une pression concurrentielle réelle jusqu'à ce niveau de vente au détail. C'est ce que l'on constate dans les pays ayant complètement libéralisé leur secteur électrique avec l'apparition en grandes surfaces d'offre de kWh " en vrac ". Il paraît probable que la seconde voie s'ouvrira en tout état de cause assez rapidement, soit à l'occasion d'une nouvelle directive communautaire, soit plus vraisemblablement spontanément sous la pression d'une logique de recours au marché qui gagne sans cesse du terrain dans la plupart des pays de l'Union européenne.


3. Les enjeux d'une nouvelle régulation du secteur électrique français 

Comme l'on s'est efforcé de le montrer dans la partie précédente, il existe des tendances lourdes, dès aujourd'hui bien discernables, qui, tôt ou tard, structureront le marché électrique européen selon un modèle pour l'essentiel assez bien prévisible. Ne pas en tenir compte et se borner à appliquer au fil des ans, sans vision prospective d'ensemble, les directives ou les jurisprudences communautaires serait assurément extrêmement dangereux. Par contre, les degrés de liberté dont disposent les États membres dans le cadre du principe de subsidiarité en matière d'organisation et de régulation de leur secteur électrique, sont suffisamment importants pour que nos spécificités nationales puissent être largement prises en compte, dès lors qu'elles n'entrent pas en contradiction avec des orientations communautaires auxquelles la France a adhéré. D'où la nécessité d'une réflexion préliminaire sur les finalités et les enjeux des nouveaux modes de régulation qui vont être mis en place dans les prochains mois et se perfectionner au cours des années à venir.


 3.1. Permettre aux consommateurs français d'accéder à une électricité compétitive S'il a été assez généralement admis, jusqu'à ces toutes dernières années, que les tarifs de l'électricité en France étaient, en moyenne, plutôt favorables par rapport aux prix pratiqués dans les autres pays d'Europe, les mécanismes mêmes de fixation de ces tarifs ont fait, notamment de la part des grands consommateurs, l'objet d'interrogations et de critiques qui se sont amplifiées au fil des ans. Les tarifs d'EDF traduisent dans leur structure les coûts marginaux de développement du système électrique. Quant à leurs niveaux, ils sont globalement ajustés de manière à assurer un équilibre raisonnable des comptes de l'entreprise publique. D'où deux interrogations légitimes : - les prix de l'électricité ne seraient-ils pas significativement plus bas s'ils étaient fixés sous la pression de la concurrence, plutôt que par la couverture des charges d'un opérateur protégé par son monopole et soumis aux injonctions des pouvoirs publics ? - que vaut le principe de la tarification au coût marginal en économie ouverte dès lors que les prix seraient fixés par d'autres mécanismes au-delà de nos frontières ? En s'obstinant dans cette voie, seuls contre tous, ne risque-t-on pas de pénaliser dans la compétition internationale certaines industries grandes consommatrices d'électricité ? L'observation des tendances récentes, notamment dans les pays où la déréglementation du secteur électrique est la plus avancée, semble confirmer le bien-fondé de ces questions, mais en soulève aussi quelques autres. Dans tous les cas où un monopole en place a été " cassé " ou soumis à une forte pression concurrentielle, des gains importants d'efficacité économique ont été enregistrés. L'exemple du système britannique est à cet égard particulièrement significatif. En revanche, le partage de ces gains entre les consommateurs, le personnel de l'entreprise et les actionnaires dépend de nombreux facteurs et tout particulièrement de la manière dont est organisée la concurrence. Là encore, l'exemple du système britannique dont la taille rendait malaisée l'instauration d'une réelle concurrence entre producteurs, est tout à fait instructif. Il semble, par contre, qu'en Europe continentale, les consommateurs soient les premiers bénéficiaires de l'instauration, même très imparfaite, de la concurrence. Dans l'immédiat et dans un contexte de suréquipement global du secteur, les prix observés à l'occasion des renouvellements de contrats semblent nettement plus bas que ceux qu'auraient probablement proposés EDF dans le prolongement des tendances antérieures et ce sont les grands consommateurs éligibles qui enregistrent les baisses de prix les plus fortes. Ceci est peut-être largement dû aux principes retenus pour l'ouverture des marchés. Le retour à une meilleure compétitivité du secteur électrique dans un certain nombre de pays voisins est assez largement dû à la disparition de charges, imposées naguère aux électriciens au nom de l'intérêt général (kohlpfenig allemand) ou à la compensation par le mécanisme des " coûts échoués " de certains héritages du passé.

 En conclusion, pour que les entreprises implantées en France continuent à bénéficier d'une électricité compétitive, il conviendrait :     - de favoriser l'émergence aussi rapide que possible d'un marché électrique européen intégré, réellement concurrentiel et transparent ; 

    - de faciliter au maximum l'accès de la clientèle éligible française aux différents compartiments de ce marché, y compris aux marchés spots ; 

    - de ne pas compromettre les bénéfices attendus de l'ouverture des marchés par des " charges indues ", collectées par le biais d'une tarification de l'usage des réseaux artificiellement gonflée. Il faudrait en particulier que les exigences en matière de solidarité nationale soient équitablement réparties entre les différentes catégories de consommateurs en fonction de leur nature. En particulier, certaines charges de solidarité devraient plutôt porter sur le service public de distribution que sur l'ensemble de la clientèle. Il convient également de veiller à ce que les petits consommateurs non éligibles ne soient pas tenus à l'écart des bénéfices attendus de l'ouverture des marchés de gros. Pour y parvenir différentes approches sont concevables. On y reviendra plus loin.


 3.2. Actualiser les concepts de base du service public 

Le " cahier des charges " d'un service public s'analyse traditionnellement sous des rubriques bien connues : égalité de traitement, continuité et qualité de service, adaptabilité. Les deux premiers points méritent un examen attentif.

 L'égalité de traitement La question de l'égalité de traitement mérite également une analyse précise, sachant que si elle a toujours été omniprésente dans la réflexion et dans le discours des organisateurs des missions de service public, elle a rarement fait l'objet d'une réelle explicitation. Une bonne illustration est constituée par la politique tarifaire développée à EDF sous l'impulsion de Marcel Boiteux. La recherche d'efficacité économique et le souci d'équité dans le traitement d'une clientèle très diverse, convergent vers une préconisation simple qui consiste à s'efforcer de facturer à chaque client ce que coûte la fourniture qui lui est assurée sur la base des coûts marginaux de long terme . Cette vision très rationnelle et très économique de l'égalité de traitement, au demeurant assez difficile à mettre en œuvre jusque dans ses ultimes conséquences, a été significativement amendée par une vision beaucoup plus politique, celle de la péréquation géographique des tarifs. Même s'il est vrai, qu'à l'exception notable de l'extension de ces dispositions aux Départements d'Outre-mer, la péréquation géographique des tarifs n'entraîne probablement pas de distorsions économiques considérables (voir encadré), on doit reconnaître qu'elle a un effet très structurant sur l'organisation de la distribution de l'électricité. Dans le contexte nouveau de l'ouverture des marchés une péréquation complète des coûts en vue du maintien du tarif national unique (ou peu différent d'une collectivité à l'autre) serait possible grâce à la mise en place d'un Fonds de péréquation de l'électricité comme le prévoit l'article 5 du projet de loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité. Cependant, il convient de souligner que le maintien de cette péréquation géographique dans l'hypothèse d'une mise en concurrence de l'attribution des concessions de distribution risquerait d'entraîner des complications importantes peu favorables à une réelle efficacité économique et à l'égalité de traitement recherchée. 

  En matière de qualité du service, le Fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE), alimenté par un prélèvement sur les zones de forte densité de consommation, permet une certain harmonisation de la qualité au profit de zones peu denses qui seraient défavorisées de ce point de vue dans une logique technico-economique. 

À propos de la péréquation tarifaire La péréquation géographique des tarifs de l'électricité sur l'ensemble du territoire national est l'un des traits les plus caractéristiques du service public de l'électricité en France. Ce principe qui ne figure pas dans la loi fondatrice de 1946, a été appliqué avec constance au fil des ans, y compris à partir de 1974 dans les Départements d'Outre-mer. Il a été pour la première fois soumis à l'approbation explicite du législateur à l'occasion de l'examen du projet de loi de transposition en droit français de la directive européenne de 1996. Ce principe apparaît ainsi clairement comme l'expression d'une volonté politique dont la légitimité, dans le cadre de la subsidiarité, apparaît peu contestable au plan européen. Il peut cependant être intéressant d'examiner jusqu'à quel point ce principe conduit à s'écarter de la vérité des coûts et entre, de ce fait, en conflit, aussi bien avec le souci d'efficacité, qu'avec le principe de l'égalité de traitement qui conduirait à préconiser que le tarif fasse payer à chaque consommateur ce qu'il coûte.

 Dans un système électrique fortement interconnecté, irriguant une zone d'étendue raisonnable, et dans lequel les investissements ont pu être développés de manière cohérente, les coûts du kWh au niveau du réseau à très haute tension sont peu différenciés d'une région à l'autre, surtout si l'on raisonne par référence au prix de vente moyen du kWh basse tension. Par contre les coûts de distribution du kWh peuvent varier fortement selon les circonstances locales : densité de consommation, forme d'habitat, nature et encombrement du sous-sol lorsque les réseaux sont souterrains. Dans le cas de la France continentale une dépéréquation géographique reflétant les réalités technico-économiques ne serait donc pas une dépéréquation par grandes régions mais supposerait un découpage fin du territoire en fonction de ses caractéristiques électriques, ce qui ne serait guère praticable. On observera cependant qu'existe déjà une dépéréquation pour les coûts de raccordements au réseau qui, dans le cas des nouveaux clients, traduit bien une certaine réalité technico-économique locale, sans compter la dépéréquation de fait opérée par les taxes locales sur l'électricité. Compte tenu de la relative inélasticité des comportements des petits consommateurs, il paraît cependant peu probable que la péréquation tarifaire sur le continent distorde gravement les comportements économiques. On ne saurait en dire autant de l'extension de ce principe aux Départements d'Outre-mer (DOM) : d'une part, la péréquation, en fixant des tarifs de vente très inférieurs aux coûts de production du continent, constitue une subvention à la consommation, alors que, d'autre part, l'État subventionne des campagnes d'économie d'énergie. 

Si la péréquation tarifaire en France continentale n'a pas d'effets particulièrement négatifs en termes d'efficacité économique, il faut admettre par contre qu'elle a un effet assez structurant sur l'organisation de la distribution. La pratique de tarifs péréqués s'accommode mal d'une multiplicité de concessionnaires sauf à mettre en place un fonds de compensation dont la gestion risquerait d'être complexe. Péréquation tarifaire et (quasi)-unicité du distributeur sont donc intimement liés. Dans les pays où un certain nombre de distributeurs de taille comparable se partagent l'alimentation du territoire, la péréquation tarifaire n'est pratiquée qu'à l'intérieur de chaque zone de distribution. En tout état de cause, la question de la péréquation tarifaire risque de se poser en des termes radicalement nouveaux en fonction de l'extension plus ou moins progressive de l'éligibilité. 

En conclusion, il semble que les propositions suivantes puissent être avancées pour préserver le principe de l'égalité de traitement dans un système partiellement déréglementé.

    - L'égalité de traitement entre consommateurs éligibles suppose que leur soit assuré un accès non discriminatoire au futur " marché de gros " concurrentiel européen. Pour les plus grands consommateurs, la possibilité de se présenter librement sur les marchés spots et sur les marchés à terme, de négocier des contrats avec tout fournisseur de leur choix, répond à cette exigence.    

     -Pour des éligibles plus petits, l'accès à ce vaste marché complexe n'est guère concevable sans intermédiation : favoriser le développement à terme, dans des conditions saines, d'une activité de négoce de l'électricité va donc à la fois dans le sens de l'efficacité et dans celui de l'équité. 

    - Quant à l'égalité de traitement entre consommateurs éligibles et consommateurs non éligibles, elle passe bien sûr par l'absence de subventions croisées entre ces deux types de consommateurs.

La continuité du service 

S'agissant de la continuité du service, l'approche traditionnelle pour l'électricité s'articule autour du concept de garantie de fourniture : le paiement d'une prime fixe, calée sur le coût de développement ou de maintien en service de l'équipement marginal assurant l'ajustement du système, ouvre droit à la mise à disposition au client d'une puissance garantie. Bien entendu, le risque zéro n'existant pas, cette garantie, fût-elle contractuelle, ne saurait donner au consommateur une assurance absolue de desserte en toute circonstance. Elle lui assure seulement :

     - que toutes les dispositions seront prises par l'entreprise en charge des missions de service public pour assurer un niveau de sécurité convenable ;

     - qu'en cas de défaillance, chaque consommateur sera traité équitablement par rapport aux autres sans avoir à surenchérir sur les tarifs pour bénéficier de conditions d'alimentation, certes dégradées, mais néanmoins tolérables grâce au partage de la pénurie entre tous les consommateurs. 

En économie de marché pure, par contre, le concept de défaillance n'existe pas : en cas de risque de pénurie, c'est l'élévation des prix qui assure l'ajustement de l'offre et de la demande en provoquant, notamment, l'effacement des consommateurs les plus flexibles. Il paraît séduisant et conforme à une vision d'intérêt général de tenter de combiner les deux logiques, en posant comme principe que les clients éligibles devront, à terme, avoir le choix entre : 

- s'en remettre totalement au marché spot pour leur approvisionnement en électricité. Ils accepteraient alors les risques de prix, voire de délestage, attachés aux situations de très forte tension entre l'offre et la demande, quitte à se couvrir sur un marché à terme de contrats ;

 - contracter de gré à gré avec un producteur ou un intermédiaire de leur choix pour des fournitures partiellement ou totalement garanties en termes de quantités et de prix ;

 - acheter leur énergie en partie ou en totalité sur le marché spot et souscrire une garantie de fourniture auprès d'une ou plusieurs entreprises. Il en résulte que cet opérateur devra pouvoir offrir aux éligibles des options de garantie, étant entendu que la souscription à une telle option reste totalement facultative et qu'en cas de non souscription, il est entièrement exonéré vis-à-vis du client de toute obligation de moyens ou de résultats en matière de garantie. Si le principe est simple, sa mise en œuvre peut soulever des questions techniques difficiles : les options proposées pourront-elles être négociées ou devront-elles être affichées ? dans ce second cas, les prix devront-ils être basés sur les coûts de court terme ou sur les coûts de long terme ? quelles seront les conditions d'entrée et de sortie d'un tel système de garanties ?


  3.3. Permettre aux opérateurs français de faire valoir leurs atouts dans la concurrence

 3.3.1. Donner toute ses chances à EDF

 L'unbundling exigé par la nouvelle organisation de l'Europe électrique " désintègre " de fait, dès aujourd'hui, l'entreprise, même si cette désintégration n'est que fonctionnelle et non point institutionnelle. Le gestionnaire du réseau de transport (GRT) apparaît désormais comme faisant partie des " organisateurs de marché " et doit, à ce titre, affirmer son indépendance totale par rapport aux autres composantes de l'entreprise. La production d'EDF est aujourd'hui, grâce au nucléaire, en bonne situation sur le marché européen. Le faible coût du kilowattheure lui permet de se placer sur n'importe quel marché spot avec des marges substantielles. La structure de son coût comptable, comportant une part importante d'amortissements et de provisions, doit, quant à elle, assurer à EDF des cash flows appréciables même dans l'hypothèse d'un équilibre des comptes plus serré que naguère. La prolongation de la durée de vie des centrales ne peut qu'accentuer cet avantage compétitif. Il ne faut donc pas se tromper de diagnostic : EDF n'a nul besoin d'être protégée. Bien au contraire, l'émergence d'un marché électrique européen structuré, transparent et réellement concurrentiel lui donnera le maximum de chances de valoriser les atouts réels que cette entreprise possède avec son parc de production. Bien évidemment, la valorisation de cet avantage compétitif suppose que l'entreprise soit en situation de mener sans entrave une stratégie européenne ambitieuse couvrant de manière cohérente les différents domaines d'intervention qui lui sont ouverts : prises de participation, investissement dans des opérations nouvelles, achat d'installations existantes, contrats et partenariats avec d'autres électriciens, contrats avec les éligibles, trading sur les marchés de l'électricité et des matières premières énergétiques, enrichissement de son offre de services, etc.

 Dans cette perspective, la taille d'EDF loin d'être un handicap, est un atout. Au moment où l'intensification de la concurrence va accélérer les concentrations dans le secteur électrique européen, il serait absurde de regretter que la France se soit dotée, même si c'est pour d'autres raisons, d'un opérateur dont la taille est tout à fait adaptée au marché électrique européen de demain. Reste que pour pouvoir se battre à armes égales sur le marché européen concurrentiel de demain, EDF doit être lavée d'un certain nombre de soupçons qui tiennent à ses singularités de plus en plus évidentes dans le paysage électrique européen. Le monopole de droit d'EDF-production pour l'alimentation de la clientèle non éligible posera incontestablement bien des questions tant aux autorités européennes de la concurrence qu'aux concurrents d'EDF eux-mêmes. 

Bien loin de favoriser l'entreprise, une telle disposition risque de constituer à terme un handicap sérieux dans son approche du marché concurrentiel européen pour au moins trois raisons : 

    - elle obligera, de manière permanente, l'entreprise à apporter la preuve, avec toutes les difficultés qui s'attachent à cette question, que sa politique commerciale sur le marché concurrentiel n'entraîne pas de subventions croisées entre clientèle éligible et clientèle non éligible ;

     - elle risque de lui interdire de se présenter, pour cause d'absence de " réciprocité ", sur le marché éminemment intéressant des distributeurs éligibles ;

     - elle diminue l'intérêt de l'ouverture d'un marché spot en France, ouverture qui serait pourtant utile tant pour EDF que pour les consommateurs éligibles français. 

Une autre cause de suspicion est le caractère privilégié des relations qu'EDF entretient avec un État tout à la fois régulateur, prescripteur du service public et actionnaire unique. Une clarification de ces relations, notamment par la création d'un organisme de régulation réellement indépendant, peut être une première réponse. Même ainsi, la question de l'ouverture du capital de l'entreprise, sera posée à terme, ne serait-ce que pour enrichir sa panoplie d'instruments stratégiques en lui permettant, par exemple, de consolider ses alliances avec d'autres acteurs du secteur par des prises de participation croisées. A contrario, même si certains pays ont confié des centrales nucléaires à des opérateurs privés, on peut faire valoir que l'ampleur du désengagement de l'État du capital d'EDF ne peut qu'être limitée en raison des enjeux stratégiques et politiques du nucléaire.


  3.3.2. Favoriser l'émergence et la réussite d'autres opérateurs français 

En France, plus encore que dans le reste de l'Europe, les capacités de production existantes et la compétitivité d'un nucléaire performant et largement amorti ne permettent pas d'envisager le développement de nouvelles unités de production, dans des conditions économiques satisfaisantes, en dehors de quelques " niches ", au demeurant séduisantes : grandes installations de cogénération, valorisation de bas produits énergétiques ou de sous-produits d'activités industrielles, etc. En donnant une valeur objective aux kWh issus de ces installations, qu'ils soient auto-consommés ou proposés à des tiers, le marché constituera, mieux que ne saurait le faire un quelconque tarif d'achat de monopsone, le filtre permettant d'apprécier la pertinence de ces investissements. Il conviendra, bien entendu, pour qu'il en soit ainsi que les mécanismes de régulation assurent un accès facile et transparent au marché électrique pour les nouveaux entrants intéressés par ce type de projets. En dehors de ces opérations particulières, souvent " sur mesure ", il n'existe guère, aujourd'hui, en France que trois producteurs de taille significative, dans l'optique qui nous intéresse ici : - la Société nationale d'électricité thermique (SNET), filiale de production électrique de Charbonnage de France. L'essentiel de ses possibilités de production est aujourd'hui mobilisé par un contrat de longue durée avec EDF ; - la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), filiale de production hydraulique de la SNCF, dont l'essentiel de la production est livrée à cette dernière ; - la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dès qu'elle aura acquis le statut de producteur indépendant. Ces entreprises pourront sans doute valoriser à terme leurs atouts sur le marché électrique européen à travers des alliances avec d'autres producteurs, si possible complémentaires, leur permettant d'atteindre la taille critique nécessaire pour réussir dans ce contexte. 


3.4. Comment s'assurer de l'absence de " subventions croisées " entre consommateurs ? 

À l'issue de ces analyses, il apparaît clairement que la vérification de l'absence de subventions croisées entre consommateurs éligibles et consommateurs non éligibles est cruciale aussi bien pour préserver, dans un contexte partiellement déréglementé, le principe de l'égalité de traitement qui est l'un des piliers de la vision française du service public que pour permettre à EDF, opérateur historique en charge des missions de service public, de faire valoir ses atouts sur le marché électrique européen concurrentiel de demain. Dans le cadre de l'organisation du système électrique français résultant de la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, il appartiendra au régulateur de garantir l'absence de subventions croisées entre clients éligibles et clients inéligibles. 

Il ne faut cependant pas sous-estimer la difficulté de cette tâche. Au plan des principes tout d'abord, il n'est pas aisé de donner un sens précis et incontestable au concept lui-même . Au plan pratique ensuite, il est à craindre que la caution apportée par le régulateur français, perçu plus ou moins comme une émanation de l'État, ne suffise pas dans un contexte de défiance généralisée à l'égard de la " singularité française ", à éviter des procédures contentieuses dont l'accumulation pourrait nuire à terme à l'ensemble des acteurs français du secteur. 

On pourrait donc trouver intérêt, dans un avenir plus ou moins proche, à laisser le soin aux mécanismes de marché eux-mêmes de définir et de vérifier cette absence de " subventions croisées ". Dans cette logique, on peut envisager de permettre aux distributeurs, y compris EDF Services, d'accéder au marché européen dans des conditions similaires à celles offertes aux grands consommateurs éligibles . Les distributeurs pourraient ainsi mettre en concurrence la production d'EDF et la production de tout autre opérateur français ou étranger pour l'alimentation de la clientèle non éligible. Il appartiendrait dans une telle hypothèse au régulateur de vérifier que les distributeurs, et tout particulièrement EDF Services, jouent bien, sans aucune discrimination, le jeu de la concurrence. Une telle solution présenterait en outre l'avantage d'ouvrir le marché français de la distribution d'électricité aux autres producteurs français et étrangers, résolvant ainsi l'obstacle de l'absence de réciprocité opposable aujourd'hui à EDF dans son approche du marché de la distribution hors de nos frontières. 

Il n'est cependant pas assuré que cette approche reposant sur " l'éligibilité des distributeurs " ait un grand avenir devant elle. Du fait de l'extension progressive de l'éligibilité à des consommateurs finals de plus en plus nombreux, on pourrait trouver avantage, à déclarer éligibles rapidement, comme l'ont fait nombre de nos voisins, tous les consommateurs, quelle que soit leur taille. Dans une telle hypothèse, il conviendrait de distinguer la fourniture de services de distribution et la fourniture de kWh. Les services de distribution resteraient, bien entendu, le fait de monopoles locaux assujettis aux principes d'égalité de traitement, voire de péréquation géographique, jugés les plus pertinents. L'égalité de traitement entre consommateurs en matière de fourniture de kWh, supposerait, pour devenir effective, la mise en concurrence sur des réseaux transparents de divers fournisseurs de kWh parmi lesquels, le cas échéant, les distributeurs locaux si les fonctions de gestionnaire de réseau de distribution et de fournisseurs de kWh ne sont pas jugées incompatibles. 

Il va de soi qu'il n'est pas urgent de trancher entre ces deux scénarios. Il faut cependant avoir conscience que le moment venu, il y aura à faire des choix lourds de conséquences, tant pour le service public de l'électricité que pour la réussite des opérateurs français de ce secteur. Les problématiques de régulation attachées à ces différents schémas d'organisation des marchés, qui coexistent, d'ores et déjà, en Europe, sont quant à elles d'une parfaite actualité pour ceux qui auront la charge d'assurer un fonctionnement harmonieux d'un système électrique européen de plus en plus concurrentiel et intégré. 


3.5. Une politique énergétique nationale est-elle compatible avec l'ouverture des marchés ? 

S'il existe un certain consensus en Europe sur l'opportunité de soutenir le développement de techniques de production d'électricité prometteuses mais non encore arrivées à maturité technique ou économique, tout particulièrement en matière d'énergies renouvelables, l'unanimité est sans doute encore bien loin de se faire sur d'autres sujets essentiels tels que le recours au nucléaire.

 Par ailleurs, les choix que peuvent faire les pouvoirs publics en matière de politique énergétique ne sont pas sans lien avec ce que sera le marché mondial énergétique de demain. Ce dernier dépendra de nombreux paramètres : l'évolution de la consommation dans les pays en développement, la dépendance vis-à-vis du pétrole, la disponibilité des ressources en charbon, pétrole ou gaz, les décisions qui seront prises en ce qui concerne le renouvellement du nucléaire dans les pays équipés aujourd'hui ou la perception qu'en auront les pays qui n'ont pas retenu ce choix, le développement de l'utilisation du gaz dans la production de l'électricité, et les progrès dans la promotion des technologies de maîtrise de la demande d'électricité. 

En l'absence probablement durable d'une politique énergétique communautaire, la question de la définition et de la mise en œuvre d'une politique énergétique nationale reste posée, même si les échéances de certaines décisions cruciales telles que le renouvellement du parc nucléaire français semblent aujourd'hui plus éloignées qu'on ne l'imaginait naguère. Ces politiques pourront être influencés par les stratégies que développeront les acteurs de ce secteur dans un contexte de mondialisation et de libéralisation. 

La directive laisse une telle possibilité explicitement ouverte et le projet de loi la transposant en droit français entend en donner les moyens aux pouvoirs publics. On pourrait donc avoir le sentiment que rien n'est fondamentalement changé et que, comme par le passé, la seule question est de décider si le consommateur d'électricité français, en supportant, in fine, les surcoûts attachés aux politiques en cause, à partir du moment où l'État ne souhaite pas les prendre en charge directement dans son budget, n'est pas trop pénalisé de ce fait. En pratique cependant, dans un marché européen libéralisé où les risques de distorsion de concurrence feront l'objet d'une attention vigilante, les choses risquent d'être sensiblement plus compliquées : 

    - tout soutien au développement d'une forme particulière d'énergie sur le territoire national impliquera un soutien analogue aux kWh importés réputés de même origine (on se souvient de la manière dont le Levy britannique en faveur du nucléaire avait également bénéficié aux importations en provenance d'EDF) ;

 - une aide qui ne serait pas entièrement justifiée au regard des critères de la directive pourrait être légitimement attaquée par un producteur ou un consommateur, comme constituant une distorsion de concurrence ou une charge indue.

 En résumé, si la possibilité de développer une politique énergétique nationale reste explicitement ouverte dans le cadre de la directive, la mise en œuvre n'en est concevable que dans la transparence et sur la base de justifications inattaquables, sous peine de déclencher des contentieux dommageables à bien des points de vue. 


4. Quels instruments pour quelle régulation ? 

4.1. Une donnée majeure : l'intégration du futur marché européen 

Comme on vient de le montrer, les enjeux des évolutions en cours et à venir du secteur électrique européen sont directement liés à une question centrale : existera-t-il, demain, en Europe, un marché électrique réellement intégré, transparent et concurrentiel ? 

La directive de 1996 constitue, certes, un premier pas en cette direction en proposant un cadre institutionnel s'imposant à tous les pays de l'Union européenne et propice, a minima, à l'émergence d'un " marché de gros " de l'électricité.

 Il est clair cependant que la simple transposition de cette directive dans les différent pays, fût-elle absolument respectueuse de la lettre et de l'esprit du texte communautaire, ne saurait, à elle seule, conduire au résultat souhaité. La juxtaposition d'organisations et de mécanismes de régulation hétérogènes et non coordonnés, même conformes à la directive, ne pourrait, en effet, en aucun cas, répondre au " cahier des charges " d'un marché européen intégré et aux attentes en termes d'efficacité économique et d'équité qui s'y attachent, attentes qui pourraient motiver des interventions régulatrices au niveau communautaire si des solutions satisfaisantes n'étaient pas trouvées. Fort heureusement, ainsi que cela à déjà été noté, de nombreuses initiatives, publiques ou privées, sont dès aujourd'hui en marche pour harmoniser, coordonner les régulations nationales ou structurer les marchés. On peut citer : - les réunions périodiques des régulateurs (ou assimilés), avec la participation de la Commission - c'est dans ce cadre, par exemple, que l'on peut espérer voir s'élaborer une tarification de l'usage des infrastructures permettant aux mécanismes de marché de jouer efficacement ; - la création de l'Association des gestionnaires de réseaux (son premier président est français) qui s'assigne comme objectif de promouvoir une coordination de l'exploitation du système interconnecté européen conciliant sécurité de fonctionnement et transparence vis-à-vis des mécanismes concurrentiels appelés à se généraliser ; - la création récente ou imminente de bourses de l'électricité articulant marché spot, marché des forwards et marché des futures. Il y a peu de temps encore, une alternative restait ouverte : les acteurs du secteur électrique européen avaient le choix entre prendre eux-mêmes les initiatives nécessaires à l'organisation d'un marché européen intégré ou temporiser et laisser le soin à la Commission d'en jeter les bases dans une étape ultérieure. Aujourd'hui le choix est fait. L'intégration et la structuration des marchés électriques européens est irréversiblement lancée. Si l'on veut peser sur ce que sera l'Europe électrique de demain et en tirer sa juste part de bénéfices, il faut entrer activement et sans réticence dans cette démarche. La prise en compte de l'intégration du futur marché européen doit être, dès aujourd'hui, au cœur de toute réflexion sur la régulation du secteur électrique français. 


4.2. Articuler les instruments de régulation, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle européenne 

La régulation du secteur électrique, telle que nous l'entendons ici, suppose la mise en œuvre coordonnée : - de dispositions générales concernant l'organisation de la concurrence sous le contrôle d'instances généralistes (Conseil de la concurrence, DGCCRF dans le cas français) ; - d'un cadre législatif particulier au secteur définissant les règles du jeu s'appliquant, tant en matière d'organisation de la concurrence, qu'en matière de missions de service public et d'intérêt général et dont l'application doit être placée sous le contrôle d'un dispositif de régulation spécialisé ; - d'une organisation du secteur électrique lui-même propre à assurer, compte tenu de ses caractéristiques technico-économiques très particulières, d'une part son exploitation économique et sûre, - c'est le rôle du gestionnaire de réseau de transport -, d'autre part les conditions d'une concurrence réelle et transparente (c'est pour partie le rôle du gestionnaire de réseau, pour partie le rôle des " organisateurs de marché " sous le contrôle des instances de régulation). Dans la recherche d'une bonne articulation de ces trois composantes qui doivent concourir à la régulation du secteur électrique national, il ne faut, à aucun moment, perdre de vue que chacune des préoccupations auxquelles elles s'efforcent de répondre à son homologue au niveau européen. À ce niveau, elles peuvent donner lieu à des mécanismes de régulation concurrents ou complémentaires de ceux mis en œuvre au niveau national. 


4.3. Le gestionnaire de réseau, à la base de l'organisation du marché et de l'ouverture sur l'Europe 

Avant même que la loi transposant en droit français la directive de 1996 n'ait pris sa forme finale, une organisation transitoire, préfigurant en particulier ce que pourraient être la consistance et les principes de fonctionnement du futur gestionnaire de réseau de transport (GRT) français, avait été mise en place. La date limite de transposition de la directive ayant été dépassée, cette décision était indispensable pour éviter des risques de contentieux regrettables concernant les obstacles à la libre circulation de l'énergie électrique qui auraient pu résulter du retard pris par notre pays. Elle s'avérait également extrêmement utile pour permettre au futur GRT d'intervenir dans la définition des mécanismes futurs de la gestion du système électrique européen. Les missions du GRT apparaissent aujourd'hui tout à fait clairement. À la différence de l'organisation qui a pu être adoptée dans des systèmes de taille plus modeste et relevant d'un gestionnaire de réseau unique, tels le pool britannique ou la zone d'action d'un Independent System Operator aux États-Unis, il ne saurait y avoir confusion des rôles à l'échelle du marché électrique européen entre GRT et gestionnaires de marché. Fondamentalement, le GRT français aura deux missions d'ailleurs assez largement imbriquées : - assurer, en coopération avec ses homologues des autres pays, la sécurité de fonctionnement du système électrique interconnecté européen ; - permettre dans toute la mesure du possible et de manière non discriminatoire, en coopération avec ses homologues des autres pays, la réalisation des transits d'énergie électrique permettant de concrétiser les transactions conclues entre les différents acteurs du marché européen. 

Comme on l'a déjà suggéré, le point de départ du travail du GRT ne sera pas, pour l'essentiel, constitué par les contrats entre producteurs, traders et consommateurs mais bien par leurs conséquences physiques, c'est-à-dire les prévisions d'injections et de prélèvements aux différents nœuds du réseau qu'il contrôle, sans oublier, bien sûr, les " nœuds frontières ". Il lui appartiendra, le cas échéant, d'infléchir ses plans prévisionnels de manière à résoudre d'éventuels problèmes de congestion et à assurer une sécurité de fonctionnement du système aussi parfaite que possible. 

Compte tenu de ces missions, on doit considérer comme bien avisée l'orientation prise en faveur d'un GRT " lourd ", c'est-à-dire intégrant l'ensemble des fonctions de gestion du réseau de transport et la fonction centrale d'un GRT, c'est-à-dire l'organisation des mouvements d'électricité. Il y a là, en effet, des synergies utiles à exploiter en termes de maîtrise technique du réseau et de bonne gestion. Il est par ailleurs essentiel que, dans le cadre de ses misions, le GRT soit totalement indépendant de tout acteur du marché et, singulièrement de l'opérateur historique dont il est issu. Il appartient au régulateur d'en donner la garantie. Certains membres du groupe ont, cependant, souligné avec insistance que, tant pour crédibiliser son indépendance que pour pouvoir contracter avec le producteur EDF, le GRT devrait, tôt ou tard, devenir une entité juridiquement indépendante d'EDF. Enfin, il est clair que l'action du GRT se place dans le cadre d'un système électrique interconnecté européen totalement solidaire et intégré. La parfaite concertation, voire la coordination entre GRT des différents pays, est un point clé pour l'avenir du marché électrique européen.


4.4. Mettre en place un régulateur dont l'indépendance fondera la légitimité 

La première mission de la Commission de régulation de l'électricité, telle que l'a définie le projet de loi, est de veiller à l'accès non discriminatoire aux réseaux. À ce titre, elle propose aux ministres compétents les tarifs de transport et précise les conditions d'accès aux réseaux. Elle contrôle la mise en œuvre qui en est faite par le gestionnaire de réseau de transport. La Commission est aussi garante de la bonne exécution des missions de service public et d'intérêt général prescrites par le législateur ou les pouvoirs publics. C'est à elle qu'incombe la charge de garantir que les clients non éligibles sont traités équitablement dans le contexte général de l'ouverture des marchés. Il lui revient également de proposer le montant des charges d'intérêt général à recouvrer au titre de la production ainsi que, le cas échéant, celui relatif aux coûts échoués. La Commission joue également le rôle de première instance de règlement des conflits entre le gestionnaire et les utilisateurs de réseaux. D'une manière générale, l'articulation entre la Commission et le Conseil de la concurrence ne semble pas poser de questions de principe graves. L'accès au réseau relève de la Commission, les pratiques litigieuses au regard du droit de la concurrence du Conseil. Dès lors, concertation et saisines réciproques devraient permettre un fonctionnement conjoint efficace de ces deux instances. 

L'exercice des missions de la Commission de régulation revêtira de plus en plus une dimension européenne. Qu'il s'agisse de l'action au quotidien, en particulier dans la gestion des différends liés à l'accès au réseau, de l'harmonisation des pratiques de régulation indispensable à un fonctionnement harmonieux du système électrique européen ou de la préparation de l'avenir à plus long terme du marché électrique européen, la concertation entre les régulateurs nationaux a un rôle déterminant à jouer pour la réussite de l'Europe électrique d'aujourd'hui et de demain. Il serait très regrettable que le régulateur français auquel on souhaiterait voir jouer un rôle de leader ne bénéficie pas, a minima, d'une autonomie et donc d'une légitimité à représenter valablement les intérêts de notre pays comparable à celle de ses principaux collègues européens. Ceci est d'autant plus nécessaire que l'État français est quelque peu " suspect " aux yeux de certains en raison de ses rôles multiples : régulateur, prescripteur des missions de service public, actionnaire. Pour résumer, les fonctions dévolues à la Commission de régulation de l'électricité sont bien cohérentes avec l'organisation et les principes de fonctionnement du secteur retenus dans le cadre du projet de loi. Il serait cependant souhaitable de renforcer son indépendance vis-à-vis de l'État et de ses services, afin de la rendre plus légitime dans ses rôles essentiels et tout particulièrement en ce qui concerne l'organisation, en concertation avec les autres régulateurs nationaux, d'un marché électrique européen concurrentiel et intégré.


  COMPLEMENTS:Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire Jean-Michel CHARPIN, Commissariat général du Plan Remis à Lionel Jospin en juillet 2000. Se procurer le rapport

 


  COMPLEMENTS

"Service public de l'électricité: faux débats et vrais enjeux"  par Jean Syrota , président de la Commission de régulation de l'électricité , résumé d'un article du " Monde"28/05/2002

L'objectif est de construire un marché européen plus sûr par la sécurité d'approvisionnement et plus efficace par la suppression des monopoles historiques. Le consommateur final bénéficiera d'un meilleur rapport qualité-prix

L'ère du monopole n'était pas celle de la réglementation mais celle du pouvoir discrétionnaire, de la confusion entre service public et monopole, entre intérêt général et intérêt du monopole, entre cout du service et prix à payer pour le monopole, vache à lait souvent complaisante des pouvoirs publics.

La loi du 10 février 2000, transposant la directive européenne de 1996, a défini les missions les grandes missions de service public, précisé les règles et moyens, organisé leur financement et le fonctionnement concurrentiel.

Aujourd'hui une cinquantaine de concurrents d'EDF ont conquis un sixième du marché ouvert. Mais en France comme ailleurs (ex. l'Allemagne où tous les opérateurs sont privés) les exigences de service public s'imposent à tous les opérateurs au profit de choix politiques  d'aménagement du territoire, de politique sociale;, de politique énergétique. EDF doit racheter l'électricité produite à partir de sources renouvelables mais peu rentables.

En outre la concurrence ne porte que sur la fourniture (production et commercialisation) et non sur le transport qui est une activité de réseau en "monopole naturel" . Il y a donc expropriation du droit exclusif d'usage des réseaux au profit d'un droit d'accès de tous à ces réseaux.

Faux débat donc que d'opposer concurrence et intérêt général, libérallsation et régulation, privatisation et service public.

Les vrais enjeux résident dans l'efficacité du service public, son financement équitable et son coût.

Au niveau de la production, deux missions: assurer l'égalité des prix aux clients non éligibles à la concurrence (consommateurs particuliers) et favoriser le développement des énergies renouvelables. L'argent nécessaire est géré par la Commission de régulation dont les ressources sont prélevées sur les fournisseurs français et sur les importateurs d'électricité . cela représente en 2002,1,3 millions € soit 3€/MWh.

Ceci délimite le débat réel: ce coût est-il élevé? efficace? équitable? Faut-il financer dans les DOM des coûts de production qui détruisent toute possibilité de substitution par les énergies renouvelables?faut-il garantir aux exploitants d'éoliennes une rentabilité à 30%?

Si on n'y prend garde, le service public imposera des coûts supérieurs aux gains potentiels résultant de la concurrence. El le consommateur pourra assimiler libéralisation et hausse des prix .

Google search
Google
Web http://www.geoscopies.net/GeoCMS/