Comparutions immédiates du 3 mars 2009, 23e chambre de Paris
Traits délicats, peaux mate, silhouette fine, Sabri, 31 ans, a l’air de celui qui ne comprend pas bien ce qu’il fait là. Ce jeune créateur d’entreprise comparaît pour « violences sans ITT » et « introduction dans une enceinte sportive d’un objet susceptible de constituer une arme » : un stylo pointeur laser acheté en Thaïlande pour l’équivalent de 50 centimes d’euros.
Ce dimanche 1er mars, un petit point vert se balade sur la pelouse du Parc des Princes lors d’une rencontre PSG/Nancy. La surveillance du stade croit remarquer qu’elle vient particulièrement titiller les joueurs de l’équipe de Nancy. La vidéo remonte à sa source et repère dans les tribunes du PSG un homme « cachant sous son maillot » l’objet du délit. « Ces stylos lasers peuvent être particulièrement dangereux, remarque le Président, vous risquez sérieusement d’éblouir vos victimes et l’enquête démontre que vous visiez en plus les visages de certains joueurs… Devant le procureur, vous minimisez en plus les faits puisque vous parlez d’une “simple bêtise et non d’une arme” ».
Sabri décroche son regard des moulures et corniches du haut plafond : « C’est un simple gadget, je ne savais pas que c’était interdit ! En plus, je ne me cachais absolument pas… » Le Président épluche le dossier : « Les policiers ont joint des articles, notamment de l’Equipe, relatant la dangerosité de ces fameux stylos pointeurs. Une exposition de deux secondes sur la rétine peut provoquer des lésions irrémédiables ». Sabri, toujours aussi calme : « Non, je visais le ballon. Et puis mon laser n’a pas du tout la puissance dont on parle dans ces articles de presse ».
Faute de temps et de spécialiste disponible, le tribunal n’a pu mesurer la puissance du laser incriminé. Ce que l’avocat de la défense regrette : « Le centre d’armement reconnaît que ce type de stylo peut devenir une arme par destination dès lors qu’il est très puissant. J’ai voulu demander au tribunal une analyse de l’objet, mais il a déjà été détruit par l’administration ». L’avocat demande la relaxe au motif que le match n’a pas été perturbé, qu’aucune plainte n’a été déposée et que le stylo de Sabri, vu son prix, était « très loin des 50 milliwatts nécessaires pour devenir dangereux ». L’enquête de personnalité réalisée sur Sabri est « plutôt bonne » de l’aveu même du Président : « Vous êtes livreur et avez créé votre propre société, vous vous en sortez visiblement plutôt bien. Vous avez une mention au casier qui remonte à 2000 pour des violences et depuis, plus rien ». Le procureur requiert soixante-dix jours amende à dix euros. À l’issue de ce réquisitoire, Sabri esquisse un sourire, l’air de ne toujours pas y croire.
L’arrêt : 300€ d’amende