Comparutions immédiates du 18 mai, 23e chambre de Paris
Eric, 34 ans, comparait pour violences en état d’ivresse sur personne particulièrement vulnérable. Fabienne, enceinte de quatre mois, souffre en plus de mucoviscidose et fait de fréquentes crises d’épilepsie. Frappée presque tous les jours, elle défend son compagnon.
Le 16 mai dernier à 15h20, des policiers sont requis dans le 10e arrondissement de Paris pour une agression sur la voie publique. En arrivant sur les lieux, ils découvrent une femme à terre, entourée de pompiers qui lui prodiguent les premiers soins. Trois témoins se manifestent et racontent. Un couple s’est disputé : « Salope ! Tu ne sers à rien ! T’es une crasseuse », aurait lancé l’homme avant de saisir la femme par la gorge et de lui asséner deux coups de poings au visage. La femme se serait écroulée au sol, l’homme lui aurait alors envoyé plusieurs coups de pieds dans le ventre. Elle aurait rampé jusqu’au caniveau pour se protéger, il aurait alors réitéré ses coups, toujours dans le ventre. Bilan : six jours d’ITT.
La Présidente se tourne vers le prévenu : « Qu’est-ce que cela vous fait de savoir que vous avez mis des coups de pieds dans le ventre d’une femme enceinte ? » La réponse fuse : « Alors là franchement, je m’étonne moi-même, c’est dégueulasse de faire ça ». Le visage sec, mince et sévère, le prévenu reconnaît les faits, mais dit avoir « des circonstances atténuantes » : « Elle ne m’a pas rendu l’argent de ma mère, explique-t-il. Et puis, j’avais bu et je ne me souviens ni des coups de pieds dans le ventre, ni de l’avoir frappé à terre ».
Métisse coiffée à l’Africaine, seule la moitié de sa tête est nattée, comme si Fabienne avait été interrompue dans sa tâche. Comme le prévenu, Fabienne est SDF : « On s’est rencontré dans la rue il y a neuf mois, raconte-t-elle. La veille, il m’avait donné des sous pour l’hôtel, c’est de cet argent dont il parle ». La Présidente : « Le pire, c’est qu’il vous avait déjà tapé deux jours avant, vous aviez déjà eu 8 jours d’ITT, cela fait beaucoup. Tout porte à croire que ces violences sont fréquentes ». Fabienne tente de relativiser : « Il ne me tape que quand il boit, mais il boit tous les jours ».
Grimace de la Présidente qui étudie le dossier médical : « Mucoviscidose, épilepsie : vous êtes particulièrement fragile. Vous souffrez en plus d’une double fracture au bras qui paraît ancienne, d’un traumatisme crânien, vous portez aussi de nombreuses traces de morsures… » Fabienne la coupe et souffle simplement : « Oui, mais là, c’est parce que je suis tombée ». Le prévenu se jette sur cette explication : « C’est vrai ! Elle est tellement fragile qu’elle tombe toute seule ! »
Pour ces violences conjugales aggravées par de multiples circonstances, le procureur requiert trois ans de prison : « Le prévenu est en récidive légale, il a treize condamnations au casier. Enceinte, cette jeune femme veut nécessairement couvrir et protéger son compagnon. Mais si elle ne parvient pas aujourd’hui à exprimer sa faiblesse et son désarroi, c’est au tribunal que revient la responsabilité de la protéger ». La Présidente conclue par cette question à la victime : « Comment envisagez-vous l’avenir ? » Sans l’ombre d’une hésitation, Fabienne tranche : « J’aimerais qu’on reste ensemble avec Eric. Mais j’aimerais surtout qu’il se soigne. Il prend de la méthadone, du Rivotril, du cannabis et beaucoup d’alcool. Je voudrais qu’on l’aide à s’en sortir ».
Le jugement. Trois ans de prison, dont un an avec sursis et mise à l’épreuve de deux ans. Mandat de dépôt pour la partie ferme. Le prévenu devra verser 1200 euros de dommages et intérêts à la victime.