Comparutions immédiates du 11 mai, 23e chambre de Paris
Kader, tout juste 20 ans, n’aime pas « voir les PD s’embrasser ». Ça l’énerve. Du coup, face à un couple d’homos qui s’enlace, Kader jure et Kader tape. L’homme comparaît pour propos homophobes, violence en état d’ivresse et violence avec arme par destination. Le problème, c’est que Kader ne voit pas « où est le problème » justement : « Je me suis simplement expliqué avec une bande d’homosexuels, c’est tout ! »
Dans la nuit du 9 au 10 mai à 3h35, les policiers sont appelés pour une rixe à l’arrêt d’un bus, le Noctilien 42. Deux hommes se sont fait agresser par un inconnu. L’un des deux, partie civile à l’audience, raconte : « Je rentrais avec mon compagnon d’une soirée d’anniversaire. On s’est assis côte à côte dans le bus et j’ai simplement passé mon bras autour de mon ami ». Ce geste tendre est rapidement repéré par le prévenu. Les propos homophobes commencent : « Sales pédés ! Des mecs comme vous, ça ne devrait pas exister ».
Le couple tente d’abord de l’ignorer : « C’était la seule chose à faire, raconte la victime. Mais comme il continuait, on a décidé de changer de bus. Malheureusement, il nous a suivi ». A bord d’un deuxième Noctilien, Kader reprend son petit manège. Inquiet, le couple descend à nouveau : « Il nous a encore suivi, reprend la victime en soupirant. C’est là qu’il s’est saisi d’une roue de vélo abandonnée par terre et qu’il nous l’a jeté dessus. Mon ami a réussi à l’éviter. Moi, je l’ai reçu sur les avant-bras en tentant de me protéger ». Bilan : deux jours d’ITT.
Kader ne « comprend pas » ce qu’on lui reproche. En tout cas, il n’est pas le « seul fautif » : « Je me suis peut-être fait remarquer quand je leur ai tapé dessus, mais eux n’ont pas eu besoin de moi pour se faire remarquer », dit-il, l’air mystérieux. Certes, la soirée a « un peu dégénéré ». Certes il n’aurait « pas dû taper ». Mais il est persuadé « qu’à la base », il était dans son bon droit : « Je leur ai gentiment demandé d’être plus discret, c’est tout. Ils font ce qu’ils veulent chez eux, mais pas dans un bus où il y a des enfants, ça ne se fait pas ! » La Présidente doute de l’argument : « Monsieur, il était plus de 3 heures du matin, on peut raisonnablement imaginer qu’il n’y avait aucun enfant à bord. Et vous les avez tout de même traités de gros pédés, vous le reconnaissez ». Kader : « Bah oui ! C’est logique ! C’est comme ça qu’on les appelle, des gros pédés ». Les trois magistrats étouffent un rire gêné. Le prévenu s’explique : « Gros pédés, c’est une expression, c’est de l’argot ! C’est comme moi quand on me traite de bougnoule, c’est pareil ».
Kader préfère endosser le rôle de la victime. Sans emploi depuis mai 2008, il touche le RMI et tient la justice pour responsable de sa chute sociale : « L’année dernière, j’ai pris trois mois ferme pour conduite sans permis, explique-t-il. À ce moment-là, j’avais un emploi, j’avais tout pour réussir, et l’on m’a refusé un aménagement de peine – vous trouvez ça normal ? » Avec six autres condamnations au casier pour violences, le prévenu concède qu’il devrait « apprendre à (se) calmer un peu ». Et finalement d’admettre : « Il faudrait peut-être que j’ouvre mon esprit aussi ».
Le jugement. Huit mois de prison dont 6 mois avec sursis et mise à l’épreuve de deux ans. Le tribunal ordonne le mandat de dépôt pour la partie ferme de la peine.