Comparutions immédiates du 18 mai, 23e chambre de Paris
Jeune étudiante de 24 ans, Elizabeth comparaît libre suite au renvoi, il y a un mois, de son dossier. Ce petit gabarit est accusé de violences sur un fonctionnaire de Police. Jean-Luc, CRS carré et costaud, demande réparation. Elle nie farouchement.
Le 20 avril dernier, Elizabeth attend tranquillement chez elle le retour de son compagnon « parti se promener dans Paris avec un ami touriste ». Dans cette partie du 18e arrondissement de Paris, une manifestation de soutien aux victimes tamoules du Sri-lanka prend fin : « Il y avait une ambiance très particulière en bas de chez moi ce jour-là, raconte la jeune femme. Les interpellations se multipliaient, ça dégénérait ». Son fiancé l’appelle pour lui dire qu’ils sont coincés par un important dispositif de sécurité : « Une cinquantaine de personnes ont été regroupées, nous sommes pris dans le lot », relate-t-il. Inquiète, Elizabeth descend de chez elle, aperçoit ses amis près d’un véhicule de police et questionne les forces de l’ordre : « Un CRS m’a répondu qu’ils seraient relâchés après avoir été interrogés, puis il m’a demandé de sortir du dispositif – inquiète, je n’ai pas tout de suite obtempéré, c’est vrai ».
La Présidente : « Mais pourquoi, quand on vous demande de partir, vous ne vous exécutez pas tout de suite ? » Lunettes cerclées et cheveux longs retenus par une pince, Elizabeth tente d’expliquer : « Le périmètre de sécurité n’était pas réellement délimité, je veux dire qu’il n’était pas clairement matérialisé – je ne savais pas jusqu’où je devais reculer. Et puis, j’étais focalisée sur mes amis que je voyais parqués juste derrière. J’avais peur qu’ils partent en garde-à-vue alors qu’ils n’étaient même pas manifestants. Je voulais tout simplement expliquer aux CRS qu’il s’agissait d’une erreur ».
À l’audience, le CRS raconte : « Je l’ai saisie par le bras pour l’éloigner, elle s’est débattue et m’a frappé ». Bilan : une griffure à l’œil et deux jours d’ITT. La Présidente lui demande si le geste de la prévenue était selon lui volontaire : « Je ne sais pas, répond-t-il, mais franchement, sa réaction m’a étonné. Elle a dû péter un câble, tout simplement ». Il parle de « coups au visage » et de « gifles ». Ce qu’Elizabeth nie très poliment : « Je m’excuse, mais c’était plutôt un geste réflexe provoqué par la surprise d’être ainsi saisie. Un collègue de monsieur m’avait attrapé par derrière et mon bras est malencontreusement parti vers l’avant, c’est tout ».
Pour sa rougeur à l’œil, le plaignant réclame au total 1210 euros de dommages et intérêts. Et même si l’enquête sociale dresse le portrait d’une jeune femme « humble, sensible, qui n’a jamais eu de problème avec la justice », le Procureur requiert trois mois de prison avec sursis. Il concède : « On est peut-être davantage dans la rébellion que dans la violence ». Curieusement, l’avocate de la défense omet de sauter sur l’occasion pour demander la requalification des faits. Elle insiste simplement sur l’idée que ces violences n’étaient pas volontaires : « Une jeune femme de son gabarit, qui s’attaque à un homme de cette carrure alors qu’il a tous ses collègues en renfort autour de lui… soyons sérieux ! »
Le jugement : deux mois de prison avec sursis et 300 euros de dommages et intérêts. Elizabeth a décidé d’interjeter appel – « au moins pour que ce triste épisode ne figure pas sur (son) casier – j’estime avoir suffisamment payé avec ma garde-à-vue et mes deux comparutions ».