parquet ciré
23e chambre du tribunal correctionnel de Paris, mardi 8 septembre 2009 C’est le neuvième dossier de l’après-midi et l’on réclame un interprète roumain. Aucun ne se présente. On fera sans lui. Alin et Claudiu, roumains tous les deux, comparaissent pour refus de prélèvement. Lors d’une garde-à-vue pour un vol dont ils sont aujourd’hui totalement blanchis, les deux hommes ont refusé qu’on leur prenne leurs empreintes digitales et génétiques. « La loi vous oblige à accepter, souligne la présidente, pourquoi ce refus ? »
Alin, 27 ans, se tortille sur son siège. Amputé de la jambe gauche suite à un grave accident de voiture, la Présidente l’a invité à se rasseoir. Cheveux blonds peroxydés et deux mentions au casier, il baragouine, mais se fait parfaitement comprendre : « Tous les jours, la police elle vient me voir, tous les jours c’est les problèmes. Moi c’est homme bon, moi c’est pas chien. Tous les jours les mêmes policiers demandent à moi pourquoi je viens la France, pourquoi moi pas dormir la maison, pourquoi moi la prothèse jambe ».
Handicapé, SDF, l’homme dort dans une tente installée sur le parvis de la Gare du Nord : « Ce monsieur est très connu et respecté dans le quartier », relate l’enquête de personnalité. On doute même qu’il vive dehors : « Trop propre », lit la Présidente. Alin lève les yeux au ciel : « Bah oui, moi propre ». Se tournant vers l’autre, la Présidente demande : « Et vous ? Pourquoi refuser ces prélèvements ? » Plombier, Claudiu travaille régulièrement en France pour subvenir aux besoins de sa famille restée au pays. Son casier est vierge et il explique : « Les policiers m’ont mis en garde-à-vue, je n’avais rien fait et ils ont commencé à me parler mal – de moi, de ma famille, de mon pays. Ils ne m’ont pas du tout expliqué les conséquences de mon refus, c’est faux ce qu’ils disent ! Je m’excuse de ne pas avoir su que ces prélèvements étaient obligatoires ».
Le procureur réclame deux mois de prison ferme. La défense s’étrangle : « Mes clients sont arrêtés pour un vol qu’ils n’ont pas commis, une vidéosurveillance leur donne raison, la garde-à-vue est pourtant prolongée et l’on exige d’eux ces prélèvements. Ils n’ont fait que réagir au comportement des policiers ». Jugement : deux mois fermes.