Comparutions immédiates du 28 avril, 23e chambre de Paris
19h30, neuvième et dernier dossier de la journée. Alex, 19 ans, élève au lycée technique Saint-Nicolas (Paris 6e), comparaît pour menaces de mort réitérées et violences à l’intérieur de l’établissement scolaire. Ce blondinet semble tout droit sorti d’une pub pour un gel X-trême : malgré 24 heures de garde-à-vue, son cheveu gominé et sculpté n’a pas bougé. Blouson et jean blancs impeccables, seuls ses cernes et son air triste témoignent de sa galère actuelle. Laetitia, 18 ans, minerve au cou et papa-maman à ses côtés, reste silencieuse sur le banc de la partie civile. La veille, Alex l’a croisé dans une cage d’escalier du lycée. Il s’est jeté sur elle et lui a enserré le cou. Des camarades sont intervenus et Alex a fini par lâcher prise. Dépôt de plainte, garde-à-vue et audition de la victime.
Entre Laetitia et Alex, tout commence par une histoire d’amour de quelques mois, puis une séparation qu’il n’accepte pas. Les menaces, verbales et écrites, débutent en avril 2008 et s’étaleront sur plus d’un an, jusqu’au jour des faits : « Tu es morte, sale pute, je te défigurerai et j’afficherai des photos de toi partout dans le lycée, je vais te baiser connasse », lit le Président en guise d’exemple. En s’adressant au prévenu : « Vos écrits sont injurieux, violents et inquiétants, vous vous en rendez compte ? Si quelqu’un envoyait ce type de message à votre mère, vous vous inquièteriez, non ? » Silence. Larmes. Le jeune prévenu tente une explication : « Elle est sortie avec quelqu’un d’autre, elle s’est foutue de moi. Elle m’a fait du mal, j’ai tenté de faire pareil ».
Pour ce jeune garçon sans casier, entouré par sa famille et négatif au cannabis, l’intention du Président est clairement de marquer le coup, de jouer la carte de l’avertissement solennel d’une audience en correctionnelle. Le magistrat prend le ton du bon père de famille : « À 18 ans, mademoiselle a tout de même le droit de changer de petit copain. Les amours à cet âge n’ont pas vocation à durer. Si on avait des menaces de cette nature à chaque fois qu’un couple se sépare, où irait-on ? Avez-vous l’intention d’aller voir un psy ? » Le prévenu estime qu’il n’est « pas fou », qu’il n’en a pas besoin. « C’est ça ou la prison, rétorque le Président. La prochaine fois en tout cas, ce sera la prison, c’est sûr ». Le magistrat regarde ses assesseurs, marque un silence, soupire et s’adresse de nouveau au prévenu : « Quel effet ça vous fait d’être ici, devant ce tribunal ? » Aucune réponse d’Alex, secoué par les sanglots. L’intimidation aura clairement fonctionné.
Le jugement. Le tribunal décide d’un ajournement de peine au 15 décembre, avec une obligation d’indemniser d’ici-là la victime et l’interdiction de l’approcher. Si Alex s’y tient, le tribunal décidera alors d’une dispense de peine et son casier restera vierge.