Les insultes, retranscrites sur PV et lues d’un air pincé par le Président du tribunal, sont salées : « Salope, sale pute, connasse, mal baisée. Si on se retrouve dans la rue, ça va se passer autrement ». Voilà ce qu’aurait lancé la frêle Sabia à la première policière, avant de lui asséner quelques jolis coups de pieds et de lui cracher à la figure. « Putain d’Arabe, je te nique, va te faire baiser par un gros re-noi, c’est ce qu’il te faut », seraient les propos tenus à la deuxième. La troisième et dernière n’est pas en reste : « Connasse, va te faire toucher par tes collègues », suivi, là aussi, de coups et crachats. Bilan : trois jours d’ITT pour deux policières ainsi qu’un test de dépistage sérologique, « avec tout le retentissement psychologique que cela suppose ».
« J’avais trop bu, explique Sabia au Président. Je n’étais pas consciente de ce que je disais. C’est vrai que j’ai mes tords », reconnaît-elle. Le Président du tribunal reprend ses intonations de bon père de famille : « Les faits sont particulièrement graves, dit-il. Ce n’est pas le rôle des policiers de se faire insulter. Vos outrages ont un caractère sexiste et raciste – en plus, il y a des violences et c’est la troisième fois que cela vous arrive ». En décembre 2004, Sabia avait effectivement écopé de huit mois, dont trois avec sursis, pour violences et menaces de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique. Et en février 2007, un autre mois avec sursis pour les mêmes faits. « C’est facile de tout mettre sur le dos de l’alcool, considère le Président. Facile et inquiétant. Si l’on vous libère ce soir et que vous buvez à nouveau, vous allez faire quoi ? Tuer quelqu’un ? » Seule réponse de Sabia qui n’en finit plus de regarder ses pieds : « Chépa. J’suis désolée. Je sais qu’au fond, je n’ai pas un caractère méchant. Mais quand j’ai bu, je deviens dingue ».
Le 27 novembre dernier, Sabia avait commencé à boire en début de soirée et passé la nuit à danser. À 5 heures du matin, près du métro Crimée à Paris, une brigade de nuit arrête la voiture de son amie pour un contrôle, Sabia est passagère. L’avocate de la partie civile souligne : « Son attitude est d’autant plus étrange qu’elles n’avaient rien à se reprocher puisque la conductrice était sobre et totalement en règle. La prévenue a commencé à déraper. A plusieurs reprises, les policiers lui ont demandé de se calmer et de ne pas intervenir. C’est alors qu’elle est sortie de la voiture ».
Issue d’une fratrie de sept enfants, Sabia serait pâtissière. Quand le Président lui demande si elle a des « projets dans la vie », Sabia dit simplement « aimer ce qu’(elle) fait ». Seul hic : son attestation de travail « apparue comme par magie », selon la Procureure, au cours de l’instruction : « Durant l’enquête sociale, elle disait ne pas avoir de profession. Ce matin face à moi, elle n’en avait toujours pas. Et cet après-midi, son avocate brandit fièrement cette attestation. C’est à se demander… Si effectivement mademoiselle travaille dans cette pâtisserie, je me demande quelle serait sa réaction si les clients venaient vers elle en lui disant : “Sale connasse, va baiser les re-noi” ».
Très en verve, la Procureure continue : « Par la loi, la prévenue est soumise à ces personnes dépositaires de l’autorité publique. Or une pulsion extraordinaire la pousse, dès qu’elle a bu, à les insulter – et avec quelle poésie, quelle violence. En plus, c’est un petit lama, ça crache, ça frappe. Sa seule explication ? “Je bois”. Mais cette boisson a-t-elle été introduite avec un entonnoir dans son corps ? Non. Il semblerait qu’elle n’a rien appris de ses écarts précédents. “J’ai bu, je ne suis pas responsable”, imite encore la Procureure d’une petite voix plaintive. Et bien si ! L’état d’ivresse est une circonstance aggravante de la violence. La peine plancher pour de tels faits est d’une année. Je requiers un an, avec mandat de dépôt. » Le tribunal suspend l’audience pour délibérer. Blême, Sabia tend ses deux bras au policier derrière elle pour être menottée.
Verdict. Un an dont dix mois avec sursis, mais sans mandat de dépôt et 300 euros d’amende à titre de dommages et intérêts. Pour adapter sa peine, Sabia sera suivie par un juge d’application des peines.