Injures, résistance à l’interpellation, provocation à la rébellion, menaces de crime sur personne dépositaire de l’autorité publique : les faits reprochés au petit bout de femme assis sur le banc des accusés de la 23e chambre de Paris sont importants. Aminata, congolaise de 46 ans, sans profession et mère de cinq enfants, perçoit en tout et pour tout 320 euros d’Assedic. Pour survivre, elle vole et revend à la sauvette. Avec quatorze condamnations à son actif, la nerveuse Aminata sortait tout juste de dix mois de prison. Ce jour-là, elle aurait « pété un plomb ».
Rue Poulet, près du métro Château Rouge, à Paris. Il est 9h45 ce 10 novembre. Aminata patiente sur le trottoir avec un gros sac en plastique rempli d’habits. Bien connue des services de police du quartier pour vendre à la sauvette, Aminata est contrôlée par deux agents en civiles, dont une jeune femme d’origine marocaine, présente à l’audience et partie civile. La policière témoigne : « Elle était énervée et virulente. Je lui ai demandé de se calmer, le temps de lui dresser un PV, mais elle est “partie”. Elle s’en est pris à moi en me disant : “Toi la Marocaine, t’es même pas française. Je te connais, t’es méchante, tu vas tout me prendre, il va t’arriver malheur”. Mon collègue a essayé de lui passer les menottes et nous sommes tous les trois tombés à terre. C’est là qu’elle a commencé à prendre les passants à témoin, en hurlant : “Regardez ce qu’ils me font, filmez, photographiez”. Une foule hostile a fini par nous encercler ».
Sur le banc des accusés, Aminata se défend – à sa façon : « Les policiers sont des menteurs ! Dieu vous voit ! Je ne vendais pas ce jour-là, qu’elle dise la vérité. Et puis, je ne l’ai jamais traité de “sale Arabe” ou je ne sais trop ce qu’elle a inventé. Je lui ai simplement dit : “T’es Marocaine, tu es donc Africaine, comme moi” ». Aminata monte d’un ton : « Quelle dise la vérité, elle sait ! Elle sait qu’une fois à l’intérieur de la voiture, elle a commencé à me frapper, j’ai pris des coups ».
La présidente plonge le regard dans le dossier : « Mais Madame, vous avez été examiné par un médecin, et vous n’avez aucune trace de coups ». Seuls des « petits bleus sur les avants bras » que la policière admet peut-être avoir provoqué « dans l’agitation ». La mère de famille se défend : « J’ai une vie dure, vous savez. J’ai des insomnies toutes les nuits et quand je dors, je pleure dans mon sommeil ».
Aminata nie la vente. Ce jour-là pour le coup, « elle ne vendait pas » - c’est justement « l’idée d’obtenir un P.V. de Police le jour où elle n’avait absolument rien à se reprocher » qui l’aurait mis hors d’elle, selon son avocate. Aminata venait tout juste de sortir de dix mois de prison pour contrefaçon. Après délibérés, quatre mois fermes tombent à nouveau, avec mandat de dépôt.