C’est une « banale » affaire de violences conjugales. Il tape. Elle pardonne. Il tape à nouveau. Elle lui trouve des circonstances atténuantes, ne dépose pas plainte, ne demande pas réparation. Il comparaît sur demande du Parquet. Elle témoigne pour le défendre. Il prend de la prison ferme. Elle pleure.
Jérôme M., né en 1979 à Kinshasa, est plutôt du genre « grosse baraque ». Agent de sécurité, l’homme se montre sous un jour poli et délicat : « Madame la Présidente, Mesdames les juges, Monsieur le Procureur, oui, j’ai déjà été condamné à six mois de sursis pour des faits similaires en 2005, mais je vous en conjure, ne me jugez pas sur des actes anciens, je suis d’habitude une personne réfléchie et calme ».
Il est 1h10 du matin ce 11 novembre. Samia rentre chez elle, dans le XIVe arrondissement de Paris, après une soirée passée chez des amis. Jérôme l’attend, ceinturon à la main. Elle tente de s’enfuir, tombe à terre, se heurte le genou. Il la frappe au sol, dans le dos, sur les jambes. Prévenue par le voisinage, la police débarque pour découvrir madame prostrée au sol et Jérôme, furax, son « arme » toujours en main. La ceinture ? « C’était simplement pour lui faire peur…, explique-t-il. Elle est rentrée très tard ce soir-là, or vous savez qu’un violeur rôde actuellement dans le Nord de Paris. Il aurait pu lui arriver quelque chose ». Une œuvre pédagogique, en somme, pour prendre soin de sa compagne.
Présente à l’audience, Samia souffle : « C’est de ma faute, je suis rentrée trop tard, je sais très bien qu’il ne le supporte pas ». La Présidente : « Vous considérez que vous êtes fautive d’avoir subi des violences ? » Samia : « Oui ».
Très en verve, le procureur souligne la « connotation particulière de la ceinture qui rappelle le martinet et la façon dont on corrige une bête ». Il regrette « la position ambivalente de la victime », dont ils ont « malheureusement l’habitude » dans cette 23e chambre. Il rappelle « qu’une femme décède tous les trois jours en France sous les coups de son conjoint » et assure de fait que c’est bien le rôle du parquet « de rappeler à Madame qu’elle est la victime, et non la coupable ». Et de conclure avec un certain panache, face à trois juges femmes et quatre avocates alors présentes dans la salle : « On n’a pas le droit de frapper une femme, même avec une rose ». Samia, elle, pleure. Son Jérôme, elle « l’aime ».
Verdict : deux ans, dont 18 mois avec sursis, avec mandat de dépôt.