Comparutions immédiates du 12 janvier 2009, 23e chambre de Paris.
Souma ne saurait dire exactement ce qui lui est passé par la tête. Tout juste âgé de 18 ans, jamais condamné par la justice, ni même signalisé par la Police, bon élève et plutôt calme, ce jeune homme originaire de Nouvelle-Guinée comparaît pour tentative d’extorsion sous la menace d’une arme blanche. Et quelle arme ! Un couteau dentelé et pointu de 21cm de long, posé par surprise sur la gorge de sa victime, un lycéen de 15 ans. Coup malheureux du hasard, Souma s’attaque deux fois au même écolier en moins d’une semaine. Mi-décembre, le dossier est renvoyé devant la 23e pour creuser le passé de Souma. Depuis, le jeune prévenu attend son procès en détention.
7 décembre 2008. Le petit Geoffroy, 15 ans, attend devant le lycée Molière, dans le 16e arrondissement parisien. Souma arrive derrière lui, l’attrape par le cou, lui plaque un couteau sur la gorge et lui vole son portable pour repartir en courant revendre son larcin 50 € dans le quartier de Châtelet - de quoi « s’acheter des baskets », dit-il. Le 13 décembre, rebelote. Sur le même mode, Souma s’en prend au même garçon, désormais « terrorisé » à la simple idée de retourner en cours.
« Votre façon d’opérer est extrêmement désagréable, lance la Présidente, vous vous rendez compte de l’épouvante suscitée chez ce jeune mineur ? Enserrer la tête avec votre bras, mettre un couteau sous la gorge… Ce sont des faits criminels, jeune homme, vous le savez ? » Penaud, tout petit dans son box, Souma tempère : « Le 7 décembre, le couteau était plus petit Madame ». La Présidente : « Vous aviez vu que vous vous en preniez à un mineur ? – Ben oui, quand même, répond Souma. Mais je n’avais pas l’intention de le blesser, je voulais simplement lui faire un peu peur. – Et vous avez fait exprès de vous attaquer deux fois au même garçon ? – Non, je vous assure que je ne l’avais pas reconnu, il avait changé de coupe de cheveux entre-temps ».
Lycéen à Montmorency, Souma habite près de Pontoise, chez sa tutrice qu’il appelle sa « tante ». Son père habite la Nouvelle-Guinée, sa mère les Etats-Unis, et il n’a plus vu ses parents depuis ses 12 ans. Remontée, la Procureure rappelle que le jeune prévenu a commis « un crime qui, juridiquement, relève de la cour d’assises » : « Ce sont des faits graves, violents, commis et réitérés sur un mineur – je requiers de fait trois ans de prison dont un an ferme ».
La défense assure de son côté que son client n’est « absolument pas violent » : « C’est un jeune garçon qui n’a plus revu ses parents depuis des années, qui habite chez une tutrice avec huit autres enfants et qui veut simplement attirer maladroitement l’attention à lui. Depuis la mi-décembre, mon client est maintenu sous mandat de dépôt à Fleury-Mérogis. Et croyez-moi, ces trois semaines de prison lui ont déjà donné un avant-goût de ce qui lui arriverait s’il réitérait. Monsieur X s’engage à réparer les dommages et intérêts demandés par la partie civile. Concernant la peine pénale, je demande un Travail d’Intérêt Général : l’incarcération est une chose, l’effort en est une autre. Je supplie en outre le tribunal de prendre en compte le très jeune âge de mon client, tout comme son très bon niveau scolaire et le fait qu’il n’avait jamais eu jusque-là de problèmes avec la justice ».
Résultats des délibérés. Dix-huit mois de prison dont douze avec sursis ; une mise à l’épreuve de deux ans avec obligation de travail ou d’études, obligation de domicile et interdiction d’entrer en contact avec la victime. Souma doit payer 259 euros à la victime au titre du préjudice matériel (le prix du portable) et 1500 euros pour le préjudice moral. « Le tribunal décerne mandat de dépôt, conclue la Présidente. Cela signifie, monsieur, que vous repartez dès ce soir en prison. Avec le temps que vous avez déjà fait, il vous reste donc cinq mois et quelques à purger ».