Le père tape la mère. Le fils tape le père. Le grand frère tape le petit – et inversement. La mère tape aussi son fils, le petit. Et le grand, sa mère. Une famille pas franchement peace, ni love. Ce 12 janvier, Nassim, le frère aîné, comparaît pour violences aggravées par deux circonstances : sur ascendant (sa mère) et avec arme (une boucle de ceinture). Or Nassim le crie haut et fort : « C’est elle qui a commencé ! »
La nuit du 10 au 11 janvier, il est environ 4 heures du matin quand Nassim entre dans la chambre de ses parents endormis pour les « taxer ». D’après eux, c’est une habitude chez Nassim : « Il dépense des sommes astronomiques pour sa cocaïne », déclare madame à la police. Entre la mère et le fils, le ton monte ce soir-là, tout comme les insultes : « Suce ma bite, t’es une pute, je vais te baiser », lit la Présidente d’un air pincé. Nassim saisit sa mère par le col, l’entraîne dans la salle de bain et s’y enferme avec elle. Affolé, le père appelle la police et entend, impuissant, les cris de sa femme provenant de la salle de bain. À l’intérieur, Nassim attache une ceinture autour du cou de sa victime. Celle-ci parvient à se dégager. Il ramasse la ceinture au sol et frappe madame avec la boucle. Bilan : de multiples ecchymoses sur la mâchoire, trois points de sutures à la tête et deux jours d’ITT. Les expertises concluent à un choc psychologique très important.
Nassim vit chez ses parents « depuis toujours ». Sans activité, il passe actuellement un permis cariste. Son père est au chômage et sa mère garde d’enfants. « Pourquoi avoir arrêté l’école en 2nde, alors que vous étiez bon élève ? », demande la Présidente. « Parce que je n’avais pas de parents pour m’aider à faire mes devoirs », répond Nassim, du tac au tac. « D’après les services de police, vous êtes signalisé sous plusieurs identités : pourquoi ces changements de nom ? » La réponse fuse aussi vite : « Parce que l’idée d’être un autre me plaît », répond ce gosse de 22 ans, en jetant un regard haineux à son père, présent dans la salle. D’après celui-ci, les violences de Nassim seraient de plus en plus fréquentes : « Nous vivons un enfer, déclare-t-il, tous les jours il y a des problèmes avec lui ». Maladroitement, Nassim raconte sa vérité : « C’est eux qui m’ont appris à frapper, à gueuler, à insulter, personne d’autre ! Je n’irai pas dans les détails, mais ils ont fait des trucs eux aussi ! »
Stups, vols, extorsion de fonds : Nassim a déjà six mentions sur son casier judicaire. Sur le chef de violence aggravée, le prévenu est en récidive légale pour avoir porté des coups à un agent de sécurité en 2008. La Procureure parle de « récidive de récidive » et assure qu’on ne peut « écarter la peine plancher », d’autant que le prévenu ne présente « aucune garantie de réinsertion ». Elle s’agace que celui-ci ait « l’outrance de se poser en victime » et rappelle l’existence d’une main-courante déposée par le père, il y a tout juste un an. À l’époque, l’homme avait été frappé dans la rue par son fils à coups de pieds et de poings. Les enquêtes de voisinage confirment les cris et les pleurs de madame : « Durant les fêtes de Noël, c’était l’enfer », aurait déclaré une voisine. La Procureure conclue : « Le prévenu était en plus sous le coup d’une mise à l’épreuve dont la première condition est de ne pas recommencer. Je requiers la peine plancher : deux ans d’emprisonnement ».
La défense se lève : « On ne connaîtra jamais la vérité dans cette affaire. Le dossier est à la charge de mon client, c’est clair. Mais vous conviendrez qu’il vit dans une famille apocalyptique. Le père est alcoolique : il boit, il joue, il frappe. Le petit frère sort tout juste d’une garde-à-vue pour des violences sur une personne handicapée. La mère passe son temps à porter plainte contre son fils et son mari. Dans cette famille, tout le monde tape tout le monde et porte plainte contre tout le monde. Personne, pas même une assistante sociale, ne leur a jamais tendu la main. Le plus grand préjudice de mon client, ce sont ses parents et je regrette que l’on n’ait pas creusé davantage le contexte familial ».
Résultats des délibérés. Deux années de prison dont un avec sursis et mandat de dépôt.