TGI de Bobigny, comparutions immédiates du mercredi 25 mars
Au mauvais endroit, au mauvais moment, mais certainement avec la bonne gueule de l’emploi. Benoît, David et Abdelhadi, 20 ans tous les trois, sont nés et ont grandi à Bondy, dans le 9-3. Ils comparaissaient ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour « vol en réunion avec dégradation ». Malgré le dossier à charge de la Police, ils nient les faits.
Le 22 mars à trois heures du matin, un véhicule de la BAC patrouille dans une cité de Villemomble (93). Garée dans un parking, une Fiat Punto vide au coffre ouvert et à la fenêtre brisée attire leur attention – le véhicule a visiblement été fracturé. À une vingtaine de mètres, trois jeunes sont garés sur le bas-côté. « Dans la pénombre » précise le PV, deux d’entre eux fouillent leur coffre à l’aide d’une lampe torche, un troisième attend à l’intérieur, assis sur la banquette arrière. Les policiers descendent et leur demandent « ce qu’ils font là ». « On est venu voir des amis dans le quartier », répond l’un. À l’intérieur du coffre encore ouvert, les policiers aperçoivent une paire de gants, une clef à molette et des outils divers. Le véhicule est alors entièrement fouillé par les agents. Par terre, à l’avant du véhicule, ils dénichent un gant en plastique renfermant une gourmette de pacotille et, sur la banquette arrière, une montre de marque Festina d’une valeur de 100€. Les trois jeunes sont aussitôt menottés et embarqués.
Le lendemain, la propriétaire de la Fiat Punto est interrogée. Oui, oui, on lui a bien brisé la vitre arrière de son véhicule et « dérobé un triangle de signalisation et un gilet fluo ». Lui a-t-on aussi volé des bijoux ? Oui, dit-elle aux policiers, il y avait effectivement « un sac en plastique dans la roue de secours contenant des objets de valeur ». Reconnaît-elle cette montre et cette gourmette comme étant les siens ? Oui, ce sont effectivement ceux de son mari – un cadeau offert par leur fille. Ils n’ont du coup aucune facture, mais ce sont bien les effets de son conjoint.
« La gourmette m’appartient », assure de son côté Abdelhadi au Président du Tribunal. Et d’expliquer : « Quelques jours plus tôt, j’avais fait des réparations sur ma voiture avec des gants en plastique. En l’ôtant, ma gourmette est partie avec. J’ai jeté le gant contenant la gourmette à l’avant de ma voiture en me disant que je la récupérerais plus tard ». Benoît prend la parole à son tour : « La montre, c’est la mienne – je la retire souvent parce qu’elle est lourde et qu’elle me gène. J’ai d’ailleurs demandé à ma sœur de vous ramener la facture ».
« Monsieur le Président, la prochaine fois que je me pencherai dans le coffre de ma voiture pour y chercher quelque chose, je vérifierai auparavant qu’aucun véhicule de la BAC ne patrouille dans les alentours, lance la défense. Parce que des outils, j’en ai moi-même à l’arrière de ma voiture et je ne vois pas en quoi cela constitue une infraction ».
Casiers vides, familles unies et sans problèmes particuliers, les trois jeunes présentent le même type de profil avec un CAP en poche et quelques difficultés pour dénicher un emploi stable. L’avocate regrette que l’on ait malgré tout passé leurs identités « sous tous les fichiers existants » pour un résultat nul, que l’on ai perquisitionné chez le conducteur et que l’on se soit même rendu chez son employeur – « qui maintenant, bravo, est au courant de l’affaire » : « On reproche à ces jeunes de ne pas avoir d’ambition professionnelle, mais le seul des trois à avoir une piste de CDI, on le plombe ! » A l’entendre, l’enquête de police a bel et bien été « forcée » : « Dans ce dossier pourtant si complet, pourquoi n’y a-t-il aucune photo des pièces à convictions ? Pourquoi la victime n’est-elle pas présente ? Allons-y ! Comparons les numéros de séries de la montre et de la facture. Ah non, excusez-moi, on joue de malchance, la montre a été “rendue” à la victime ».
Le jugement. Relaxe pour les trois prévenus.