Tribunal de Bobigny, comparutions immédiates du 11 mars 2009
« J’avoue avoir été extrêmement surprise quand le commissariat de Villepinte m’a téléphoné pour m’exposer les raisons de la garde-à-vue de mon client, s’insurge l’avocate de la défense. Mon client a reconnu avoir introduit ce portable au sein de la maison d’arrêt de Villepinte, il est déjà passé en commission disciplinaire au sein de la prison à l’époque des faits, on lui a déjà notifié trente jours de mitard avec sursis, les faits sont anciens, et aujourd’hui, on le défère à nouveau devant votre tribunal pour cette histoire de portable ? Mais, on marche sur la tête ! »
Pierre, 38 ans, a les épaules voûtées et le regard vide de celui qui n’est pas vraiment là. En détention provisoire depuis plusieurs mois pour des faits « de nature criminelle », il attend encore de connaître la date de son procès. Le tribunal n’abordera pas aujourd’hui les actes qui lui sont reprochés dans cette affaire, puisque Pierre a été extrait de sa cellule pour d’autres faits. Le 15 décembre dernier, ce détenu s’est frauduleusement fait remettre par une personne extérieure une puce de téléphone : « J’avais trouvé un portable caché dans le téléviseur de ma cellule, dit-il. Ma mère est gravement malade et ne peut se déplacer – cette puce, c’était juste un moyen d’avoir des nouvelles de sa santé ». On ne saura pas grand-chose d’autre sur lui. Si ce n’est que son casier est encore vide (vu qu’il n’a pas été jugé), qu’il a « longtemps été toxicomane », qu’il travaillait jusque-là dans le prêt-à-porter et qu’il touche une pension d’invalidité suite à « un grave accident de moto en 1990 ».
« Les audiences sont déjà suffisamment encombrées comme cela, on ne va pas en plus commencer à s’attarder sur des dossiers qui ont déjà été réglés en interne par les centres pénitentiaires », continue son avocate. Et d’ajouter que des portables, « on en trouve comme on veut en prison, tout le monde le sait, les gardiens le savent et ferment les yeux ». Elle s’emporte, dénonce la « situation de non-droit dans les prisons », revient sur les conditions « effroyables » de détention à Villepinte, comptant « 948 détenus pour 600 places ». Avant de se rasseoir, elle conclue : « Cette comparution, c’est le symbole de la faillite de l’Etat ! Je demande au tribunal toute sa clémence et je lui remets le dossier médical de la mère du prévenu, prouvant ses dires quant à la gravité de son état de santé ». Le procureur, quant à lui, s’esquive : « Je m’en remets au jugement du tribunal », dit-il simplement.
Le jugement. Trois mois de prison ferme avec mandat de dépôt. À l’extérieur du tribunal, l’avocate ne décolère pas : « C’est n’importe quoi ! Sanction de la prison et sanction du Tribunal : pourquoi cette double peine ? En plus, le procureur n’a rien requis ! Un de ses collègues avait pourtant jugé nécessaire de faire comparaître mon client… C’est complètement incohérent ».