Comparutions immédiates du 14 janvier, 23e chambre de Paris
« J’suis désolé, je n’étais pas dans mon état normal », lance le prévenu en guise d’excuse. Rachid, 21 ans, comparaît pour violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, refus d’obtempérer, risque de mort ou de blessure sur autrui et conduite sous l’emprise d’alcool et de cannabis. Pour sa fragile défense, le prévenu n’a « rien vu, rien entendu ».
Le 12 janvier à 4h30 du matin, Rachid se « promène », dit-il, dans une Polo avec un ami. Avenue de Clichy, le véhicule grille un feu rouge au nez et à la barbe d’un équipage de police qui se lance à sa poursuite. Rachid opère alors un demi-tour à vive allure, l’un des policiers en profite pour descendre et tenter d’arrêter le fuyard. Le prévenu continue d’accélérer et fonce sur le gardien de la Paix qui s’accroche à la portière, avant d’être projeté au sol. Rachid s’engage alors à contresens dans une bretelle d’accès du périphérique. Un camion arrive face à lui. Tête-à-queue. Il franchit le terre-plein central, avant d’être interpellé par la BAC, avec 0,56g d’alcool dans le sang. La Présidente termine la lecture des faits : « Votre passager a été entendu, il était tellement saoul lui aussi qu’il s’est endormi lors de son audition… »
« Je suis certain de ne pas avoir grillé ce feu rouge ! », lance le prévenu. « Monsieur, quoi qu’il arrive, vous ne comparaissez pas pour ce feu rouge, mais pour tout le reste », tranche la Présidente. « Je n’avais pas vu le policier accroché à ma portière, c’est vrai ! Et je ne m’étais même pas rendu compte qu’on était poursuivi… – C’est que vous avez de sérieux problèmes d’audition et de vue, Monsieur. Le gyrophare était enclenché depuis le début. Vous n’avez pas vu les roulades du policier peut-être ? Enfin, Monsieur ! Vous avez failli lui rouler dessus ! »
À 21 ans, Rachid habite encore chez ses parents et ne travaille plus : « Vous avez un CAP de plomberie et vous avez été licencié pour faute grave, quelle faute ? », demande la Présidente. « Une faute », répond simplement Rachid. « Laquelle ? », insiste le juge. « Je ne me suis pas présenté au travail. – À plusieurs reprises ? – Oui ».
« Je suis Tout Puissant ! Je suis le maître de la mort ! », imite la Procureure pour attaquer son réquisitoire. « Et moi, Monsieur, je suis le ministère public. En tant que tel, je suis là pour préserver la vie de la société. Si vous voulez vous tuer, c’est votre problème, mais les autres ? Votre conduite est celle d’un chauffard, d’un prédateur. Sur le refus d’obtempérer, vous êtes en plus en état de récidive et encourrez cinq ans de prison. Je requiers deux ans dont une année ferme ».
Résultats des délibérés. Deux années tombent dont 16 mois avec sursis et mandat de dépôt. Mise à l’épreuve de deux ans avec obligation de travail, de domicile et de soins. Annulation du permis de conduire : le tribunal fixe à un an le délai minimum avant de le repasser. Le prévenu devra enfin verser 600 euros de dommages et intérêts au policier et 150€ au titre de l’article 475-1 (frais d’avocat).