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Julien Courbet, juge d'instruction

29 janvier 2009 à 23h07

Audience du 27 janvier 2009, 12e chambre du Palais de Justice de Paris

Ce 14 janvier 2007, la BAC du 16e arrondissement de Paris reçoit « un curieux coup de fil », selon la Présidente. Un journaliste de l’émission Sans Aucun Doute révèle que l’équipe s’apprête à piéger plusieurs escrocs dans une affaire de « billets noircis » : le piège est prêt, la caméra cachée branchée, les écoutes téléphoniques des derniers jours dûment enregistrées et les malfrats prêts à passer à l’action. La brigade accourt, assiste à l’enregistrement et arrête deux individus en flagrant délit. Maintenus depuis sous contrôle judiciaire, l’un des prévenus n’a pas daigné se présenter à l’audience. Arthur B., Gabonais de 35 ans, comparaît seul : il est poursuivi pour escroquerie en bande organisée.

Un procédé chimique « révolutionnaire »

L’escroquerie aux billets noircis est devenue un classique. Les aigrefins se présentent à leur future victime avec une valise remplie de liasses de papiers noirs : il s’agirait d’argent déguisé. Les escrocs expliquent être détenteurs d’un procédé chimique révolutionnaire pouvant noircir temporairement des billets de banque pour passer les frontières au nez et à la barbe des douaniers. Il suffit d’appliquer le procédé inverse afin de nettoyer les coupures. Pour prouver leur « bonne foi », les arnaqueurs se saisissent d’un billet (un vrai) soigneusement placé au sommet d’une pile et le blanchissent devant la victime. En fait de « procédé chimique révolutionnaire », une simple solution décrite dans tout bon manuel pour magicien débutant. En échange du produit miracle qui « arrivera sous peu du Gabon », la victime doit débourser de fortes sommes – on lui laisse en garantie la valise de billets noircis. En fait, de simples coupures de journaux.

Sa valise, Martine l’aura gardé plus d’un an : « Ils me disaient que le produit était plus difficile que prévu à trouver, qu’ils devaient passer par d’autres intermédiaires, qu’il fallait plus d’argent… J’y ai investi toutes mes économies ». Au moment où elle commence à ne plus y croire, son ami, Philippe, s’inquiète : « Martine était tracassée, j’ai tenté de comprendre ce qui lui arrivait ». Philippe veut « se faire un avis » et assiste, lui aussi, à la fameuse scène du blanchiment de billet dans une chambre d’hôtel IBIS. Et lui aussi y croit. Les deux victimes avancent ainsi 200 000 euros en tout à eux deux, sur presque trois ans, de main à la main et principalement en cash : « A chaque fois, ils inventaient un nouveau truc, témoigne Philippe. Qu’avec le temps, les billets s’étaient collés les uns aux autres et qu’il fallait un nouveau produit pour les décoller. Ou bien, qu’il fallait arroser les sociétés de gardiennage travaillant pour les banques au Gabon où était entreposé le précieux produit chimique. Sur le coup, cela semblait crédible ».

Le « plan » de Sans Aucun Doute

« Pourquoi avoir fait appel aux journalistes et non à la Police ?, demande la Présidente. – Parce qu’il y avait eut une affaire similaire dans une précédente émission et que l’on se sentait trop coupable pour aller vers la police, répond Philippe. Le plan de Sans Aucun Doute, c’était de leur remettre une nouvelle somme et de les faire parler dans une chambre d’hôtel sur tout ce qui s’était passé depuis le début : les sommes versées, le fonctionnement de leur structure… » Vu les pièces à charges au « dossier de l’instruction », le plan a visiblement fonctionné : « Les seules preuves matérielles de l’échange d’argent sont trois mandats d’une valeur totale de 1615 euros, constate la Présidente. Pour le reste, il n’y a rien. Tout le dossier repose sur le compte-rendu écrit de l’émission, à croire que les journalistes se substituent ici au juge d’instruction », ironise-t-elle.

En excellent escroc, Arthur B. a réponse à tout et ne cède rien face à l’accusation. Selon lui, il n’était qu’un « intermédiaire » : « J’étais la bouche et l’oreille, le lien entre Xavier B. et les deux victimes. Moi aussi j’y croyais aux billets noircis, je suis victime au même titre que les deux plaignants ! D’ailleurs, j’étais parfaitement au courant de l’enregistrement de l’émission, Philippe m’avait prévenu trois semaines avant. Je faisais parti du coup pour piéger les escrocs ! » La Présidente s’agace : « Monsieur, les enregistrements prouvent que vous aviez une part active dans cette escroquerie. Les dialogues prouvent même que vous tentiez de leur faire peur, que vous étiez passés aux menaces. Il est peut-être temps d’arrêter de mentir ». La Procureure se lève et conclue, mot pour mot : « Le doute, grâce à l’émission Sans Aucun Doute, n’existe pas. La brigade anti-criminalité a été prévenue, le flagrant délit et les enregistrements ont fait le reste ».

L’arrêt. 24 mois de prison dont 16 avec sursis et mise à l’épreuve de trois ans. Les coupables devront rembourser l’intégralité des sommes escroquées et payer à chacune des victimes 2000 euros supplémentaires au titre du préjudice moral.

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6 Messages de forum

  • Julien Courbet, juge d’instruction

    29 janvier 2009 23:47, par jazzmatazz
    Il me semble que ce n’est plus Julien Courbet qui anime l’émission Sans Aucun Doute…
  • Julien Courbet, juge d’instruction

    30 janvier 2009 12:09
    Quelles sont les accusations exactement ? Vous nous dites que des ecoutes et des enregistrement illegaux ont ete produits en justice sans qu’il ait lieu dans le cadre d’une enquete policiere ? On passe le mur du son…de la violation des droits de la defense.
    • Julien Courbet, juge d’instruction 31 janvier 2009 23:12, par boutebba
      C’est tout à fait vrai ce que vous dites en ce qui concerne le principe mais faut il peut etre comprendre que les enregistrements en question ont été appreciés comme etant des debuts de preuve à charge pour la defense de procurer la preuve contraire via une expertise spectrale des voix enregistrées ;toujours est-il que cela entache de nullité absolue le jugement du fait de l’absence préalable de l’autorisation par le parquet ou le juge d’instruction nonobstant le grief porté à l’incompetence des journalistes en la matiere. Cela constituerait un precedent fort dangereux.
  • Julien Courbet, juge d’instruction

    30 janvier 2009 14:24
    vraiment il faut vraiment être complètement idiot pour croire à ces histoires de billets noircis que l’on peut récupérer.Je dirai donc aux soit disant victimes :C’est bien fait pour votre gueule.
  • Julien Courbet, juge d’instruction

    2 février 2009 14:36, par pahdoc
    je n’ai pas vraiment saisi où se trouvaient les victimes ? n’est-ce pas plutôt l’histoire de l’arroseur arroser ? Il s’agissait bien, au départ, de duper des douaniers ? et ces gens se sont joints ensuite à la manoeuvre ? n’ont-ils pas été inquiété à leur tour pour cette complicité ? je ne comprends pas très bien. Maintenant, que des journalistes mènent des enquêtes, ça fait partie de leur métier, non ?