La victoire nous avait échappé. Nous n’allions pas nous rencontrer aussi vite que je l’avais envisagé. Le Joueur faisait ses adieux. Il me répétait que j’étais le ballon et que jamais il ne me lâcherait. J’étais incapable de maîtriser un quelconque calendrier. J’étais lessivé et toujours affaibli par les médicaments. Je partis me reposer chez une sœur à Saint-Marc-sur-Mer près de Saint-Nazaire, content de voir les paquebots en construction briller de tous leurs feux dans la nuit au dessus du pont. Mon beau-frère quittait ma sœur et la dernière image de lui était une grimace à ma vue et un revers de main balayé avec dédain. Je réalisai que le coach avait eu le même geste pour le Joueur au moment de sa sortie.
J’écoutais des chansons à la radio, du rap sur Skyrock. Je regardais les cargos traverser la rade pour entrer dans le port. Je chantais. Les médicaments continuaient de m’affaiblir. J’emplâtrai la voiture de ma sœur contre un trottoir. J’allais boire des cafés sur la plage de Monsieur Tati (c’était ici que furent tournées ses « Vacances ») et observais pendant des heures les énormes rochers noirs qui s’avançaient et se jetaient dans la mer. Ils avaient les traits de têtes d’Africain et je les aimais, particulièrement celui qui avait une bouche hypertrophiée.
Le Joueur se montrait particulièrement dans la presse. J’achetai et conservai les journaux. Il était beau. Au fur et à mesure que je voyais des photos de lui, celles-ci s’imprimaient dans mon esprit et hantaient chacune de mes pensées, de mes moments d’inattention, de mes visions et m’enlaçaient dans l’obscurité quand je m’endormais. Le Joueur revenait sans cesse sans que je le veuille. Ce n’était pas désagréable, j’avais l’impression de le côtoyer mais me méfiais de régresser en teen-ager transi amoureux d’une icône du show-buisness. Je me révoltai contre cet état de fait mais un orage magnétique s’emparait de ma tête et la faisait tomber au sol où juchaient des images de lui, abordant sa bouche, son nez, ses yeux. Il était solaire. Je réfléchissais sur ses excuses publiques et sa déclaration d’absence de regrets. Dans ces cas-là, j’avais très mal à la tête.
Le Chanteur m’appela. Il était d’humeur goguenarde. Je luis disais que j’étais un peu désespéré d’être amoureux du Joueur, sans savoir ce qui allait se passer. Immédiatement, il me fit cette proposition :
Si tu veux, on prend un avion et on l’attend dans un café près de chez lui.
C’est sûr qu’on le verra. Je sais où il habite. C’est très facile de le voir. Je refusai. Je commençai à me méfier du Chanteur.