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La beauté algérienne

11 mai 2010 à 12h00

Mon Algérie existait déjà avant que les deux immeubles ne surgissent à l’intérieur de la cité. La parcelle de sable, mon Sahara, ce n’était pas rien. Je m’y transportais, voyais des mirages, j’imaginais les frères Dupont et Dupond de Tintin marcher sans eau, le visage ruisselant de sueur. J’imaginais les chameaux, les caravanes mais je ne savais pas grand-chose de ce monde-là. Les maçons algériens vinrent s’installer dans leurs Algeco près du stade de foot. Je les pris pour les rois mages, avais la même vénération. Naissais en moi une formidable envie de déguster leur beauté. J’avais onze ans, n’avais aucune sexualité affirmée. Je n’étais pas amoureux d’eux comme j’avais eu le béguin pour Youyou ou quand j’étais séduit par les garçons à l’école. Eux, ils étaient beaucoup trop vieux, ils avaient l’âge d’être mon père. Pourtant c’était en premier lieu leur beauté qui me parlait. Je les regardais et j’admirais l’étrangeté de leur nez, de leur bouche, de leur couleur de cheveux, des mots qu’ils prononçaient, des horizons familiers auxquels ils rêvaient.

J’avais envie de prendre quelque chose d’eux. J’avais déjà leur amitié. J’aurais voulu saisir des tranches de leur existence, voulu vivre quelques heures, quelques mois ici et dans leur pays. J’étais content qu’ils m’aient adopté. C’était bizarre, je me sentais amoureux d’eux. Je ne pouvais me le cacher, j’éprouvais du désir pour eux. Mais attention, c’était un désir sans forme particulière, sans envie d’acte sexuel, un désir qui savait que celui-ci serait à jamais traumatisant.

J’avais déjà vécu cela avec un moniteur turc pendant une colonie de vacances à Saint-Mandrier. C’était un homme séduisant et sensuel. La nuit, on jouait à touche pipi avec les garçons. Là j’avais été troublé que je désirais un homme pour le fait qu’il fût un vrai homme. Je me disais que c’était mon secret, ma folie douce. Il s’en aperçut, m’emmena assez loin nous perdre dans la forêt. Je vis son sexe bander sous son maillot. Je pris peur et m’enfuis en courant. Ce n’était qu’un simple fantasme qui, s’il se réalisait, virait au jeu de massacre. Avec les maçons algériens, c’était léger et joyeux. Ils me traitaient vraiment en père. Il n’en demeurait pas moins que je commençais à puiser chez eux les prémices d’un profond attachement à la beauté et à l’érotisme des hommes maghrébins, algériens en particulier.

A la maison, j’eus un jour une vision. J’étais persuadé que ma mère avait mis au monde un petit frère algérien dans le plus grand secret. Je pointais mon doigt sur la région à l’Est d’Alger et je disais : C’est là qu’il vit.

Cette région, c’était la Kabylie. Je ne cessais de penser à ce frère que je voulais retrouver. Je ne savais comment faire. C’était drôle, je sentais sa présence, ses mouvements, son énergie, sa joie de vivre. Je voulais le protéger et m’occuper de lui comme un grand frère prend soin de son benjamin.

C’était en 1972 l’année de naissance du Joueur, petit kabyle marseillais. Il commençait à communiquer avec moi et j’avais développé une connaissance supra-naturelle. Cette histoire d’avoir eu un petit frère algérien me poursuivit longtemps. Elle confirme bien que notre lien était réel dès le début, ne cessant jamais de gagner en puissance. Pendant longtemps, je me suis inventé l’amant idéal algérien, le cherchant au gré des rencontres, essayant toujours un lien amoureux avec ceux que je rencontrais. Je tombai aussi sur des malfrats rencontrés dans des lieux qui ne se prêtaient qu’à l’arnaque. Je n’avais qu’à m’en prendre qu’à moi-même mais c’était tellement tentant de craquer.

Tous ces hommes n’avaient fait qu’annoncer l’existence du Joueur, de son amour, de cette relation si forte et singulière. Je bénissais les maçons algériens : ils m’avaient donné pour la première fois le charme du bled. Avec le Joueur, je suis face à un mythe mondial. Il pourrait être président du monde ! Il m’assurait que non, qu’il se présenterait à moi de la façon la plus simple, oubliant ses palaces et ses jets privés, sachant d’ores et déjà qu’il n’aurait plus à signer des autographes, à se faire bousculer par une foule de fans. Le monde aurait compris son vœu de tranquillité. Je me remémorai des images où une caméra de télévision le filma sans qu’il s’en rende compte : il émanait de lui un rayonnement qui rendait encore plus de finesse à sa beauté. Plus le temps passait, plus je savais que le Joueur était un être extrêmement raffiné. Cela m’évoquait le rêve : c’était pourtant la réalité.

Ils ont gagné Youyou