Comparutions immédiates du 12 janvier 2009, 23e chambre de Paris
Yeux bouffis et injectés, Kadhafi, 26 ans, dort debout et vacille dans le box. La Présidente tente de le secouer : « Un peu d’énergie monsieur, s’il vous plaît ! » Ce Français d’origine comorienne est accusé de violence avec usage d’une arme de sixième catégorie, état d’ivresse manifeste et préméditation – trois circonstances aggravantes. En récidive légale, il est aussi accusé de menaces de mort réitérées, de dégradations, d’usage de cocaïne et de cannabis… Bref. Kadhafi a, comme il le dit, « merdé ».
Le 10 janvier dernier vers 18 heures, Kadhafi entre au Mc Donald du boulevard Davout, dans le XXe arrondissement de Paris. La veille au soir déjà, il était venu « importuner les clients sans rien commander ». Cette fois-ci, il se présente directement à la caisse et demande à ce qu’on lui serve « une frite ». Il est « excité, agressif, virulent », le vigile du fast-food l’approche et Kadhafi lui lance : « Je vais t’enlever ta montre, je vais la mettre sur mon bras et tu ne vas rien dire ». Là-dessus, le prévenu sort un sachet de poudre blanche, demande une paille à la caissière, prépare un rail sur une table occupée et le sniffe. Estomaqués, les clients prennent peur et détalent. Début d’altercation avec le vigile. Kadhafi brise un néon du magasin et menace le gardien : « Je vais revenir avec un flingue et je vais te buter, tu m’entends ? Je vais te trancher la gorge ».
Kadhafi s’en va. Et, une demi-heure plus tard, Kadhafi revient. Armé d’un sabre Katana de 40 centimètres de long, il se précipite vers le vigile en poussant un hurlement. De dos, le garde se retourne au moment où le prévenu lui porte un coup. Le vigile attrape in extremis un plateau-repas qu’il transforme en bouclier, Kadhafi le frappe à plusieurs reprises, le touche à la main. La victime parvient enfin à jeter le prévenu à terre et le désarme. L’homme se redresse, sort du restaurant, casse une vitre et disparaît en courant dans la rue. La police l’interpelle quelques minutes plus tard.
« Vous vous rendez compte de la scène de panique que vous avez créé ? Le vigile ne s’est pas porté partie civile, mais il a clairement eu le sentiment de frôler la mort ». Kadhafi le reconnaît, il a « merdé » et le redit, toujours hagard. D’autant qu’il a l’habitude d’aller dans ce restaurant où on lui donne parfois à manger gratuitement. Ce jour-là, il avait bu de la vodka et le vigile l’avait énervé : « Il m’a éjecté violemment la première fois, ça m’a fait mal à la gorge. J’ai voulu lui faire peur, c’est tout ». La présidente demande d’où vient ce sabre : « Je l’ai trouvé dans le placard d’un immeuble, pas très loin du McDo ». Calmement, elle demande s’il se souvient des menaces de mort réitérées. Kadhafi réfléchit, hésite : « Heu… oui ». Elle demande enfin comment il trouve les moyens de s’acheter de la cocaïne : « Avec mon RMI ». Sans activité depuis trois mois, Kadhafi est hébergé chez un ami, mais ne se « souvient plus de l’adresse ». Avec neuf condamnations au casier depuis 2002, son passif est lourd : consommation et trafics de stupéfiants, vols avec effraction, vols avec violence, entrave à la circulation des personnes…
À court d’argument, la défense confirme à demi-mot la dangerosité de son client et demande l’injonction thérapeutique pour un homme déjà hospitalisé au cours de l’année 2008. Aucune expertise psychiatrique n’a été demandée pour cette comparution. La Procureure requiert la peine plancher : trois ans.
Résultat des délibérés. Trois ans de prison dont 15 mois de sursis, avec mandat de dépôt.