Comparutions immédiates du 3 mars 2009, 23e chambre de Paris
Quand elle a vu ce petit gabarit rentrer dans le restaurant, sortir son pistolet et la mettre en joue, la gérante du bar à Sushi de la rue Legendre a « d’abord cru à une blague ». Bonnet rose, lunettes de plage et gants en cuir, Malika, 21 ans, lui tend un sac en plastique de supermarché : « Si vous ne voulez pas mourir, remplissez-moi ça d’argent ». Le cuisinier sort alors en trombe de l’arrière-boutique, projette très facilement la braqueuse au sol, la désarme et s’assied dessus jusqu’à l’arrivée de la police. Le hold-up est déjà terminé.
Deux jours plus tard, cette fragile jeune femme aux faux airs de Jane Birkin comparaît pour tentative de vol à main armée, acte normalement passible de la cour d’assises, même si l’arme était factice. « Qu’est-ce qui vous a pris ? », demande le juge, estomaqué. « Vous n’avez pas le profil d’une délinquante, vous n’avez qu’une seule petite mention au casier, vous semblez intelligente, calme… Les faits ont de quoi nous rendre perplexe, c’est grave ce que vous avez fait ». Long silence de la prévenue qui éclate en sanglots et cherche ses mots. Rien ne sort. Son avocat finit par se lever : « Monsieur le Président, si vous me permettez de l’aider… D’après ce qu’elle m’a raconté, elle était complètement seule et désemparée. Ma cliente… » Malika le coupe, comme si cette courte introduction lui avait permis de se ressaisir : « Voilà, c’est ça, dit-elle en essuyant ses larmes. Je ne savais plus quoi faire. Je voulais me trouver une caution pour un appartement, me loger d’abord, puis me sortir de la galère… Cela faisait un mois que je vivais dehors, à passer d’un squat à l’autre. Je n’en pouvais plus, physiquement et psychologiquement – je me suis dit que le seul moyen de m’en sortir, c’était d’obtenir une petite somme d’argent. Alors j’ai tenté le tout pour le tout. Braquer une caisse, c’est sûr que ça peut paraître énorme. Mais je ne voulais blesser personne. Je suis désolée si ça les a traumatisés ».
Malika raconte qu’à Nantes où elle habitait jusque-là, elle a toujours réussi à vivoter en enchaînant les petits boulots de serveuse, de cuisinière ou de crêpière. Et puis il y a un mois, elle décide de « monter sur Paris » pour changer de vie et peut-être forcer le destin. L’enquête de personnalité conclue au « coup de folie » d’une jeune femme esseulée et démunie. L’arme factice utilisée est un joli joujou : « Vous dites l’avoir acheté pour 200 €, c’est une somme importante », remarque le Président. « C’est vrai, confirme Malika, mais c’était le prix de ma protection. Seule dans la rue, j’étais terrorisée à l’idée de me faire agresser ». Le Président remarque qu’il faut « un certain courage » pour se faire remettre un tiroir-caisse sous la menace d’une arme : « Il n’aurait pas été plus simple d’appeler votre famille à l’aide pour vous en sortir ? » D’un geste négatif, Malika répond : « Mes parents sont pauvres, c’est moi qui leur envoie de l’argent la plupart du temps. Mais la vie est trop chère ici à Paris, je veux retourner dans le Nord chez ma mère, retrouver une vie stable, équilibrée ». Vu la gravité des faits, le procureur requiert la peine plancher : trois ans de prison.
Résultat des délibérés. Trois ans dont 30 mois de sursis et deux ans de mise à l’épreuve. Malika dormira le soir même en prison.