Sa peau est satinée et ses origines bretonnes. Maman d’un petit garçon de 11 ans, Laurence, 40 ans, est séparée de son conjoint, mais s’entend « très bien » avec le père. Une femme « parfaitement insérée », avec un boulot « prenant », une bonne paye, un soutien familial solide, un casier vierge et un bel appartement. Minorité statistique des comparutions immédiates, Laurence a « une seule petite faiblesse » comme elle dit : elle est héroïnomane.
C’est un anonyme qui l’a dénoncé à la Police. Après surveillance téléphonique, une perquisition est effectuée à son domicile le 13 novembre, à 8h15. Bilan des scellés : 70g d’héroïne, 12g de cannabis, six flacons de méthadone et 170€ en liquide. Gardée à vue, Laurence comparait dès le lendemain devant la 23e chambre.
« Votre consommation est inquiétante tout de même, héroïne et cannabis tous les jours, depuis deux ans… » Avec tact et douceur, le Président Augonnet tente de comprendre son parcours et les raisons du trafic auquel elle s’adonne. Un œil sur ses dossiers, il entame le dialogue du spécialiste : « Vous êtes… infographiste, c’est bien cela ? Et vous gagnez… 2200 euros par mois. Et donc effectivement, pour financer votre propre consommation, vous bidouillez un peu ». Laurence ramasse sur le côté sa longue chevelure brune et bouclée, et acquiesce : « Oui, on se dépanne mutuellement en faisant de l’achat groupé. Chacun met 500 euros sur la table, ce qui permet de faire baisser le prix au gramme ».
Malgré son état de manque, l’élocution de la jeune femme est parfaitement claire. Elle admet ainsi s’associer à cinq autres acheteurs dont elle refuse de donner les identités : « Ce sont des personnes complètement insérées, comme moi. Je me suis toujours tenue à l’écart des milieux toxicos ». Le président tempère : « Certes, mais votre petit jeu pose visiblement problème. Je ne sais pas qui vous a dénoncé, mais c’est certainement un voisin… »
À la demande du président, Laurence raconte ses premières prises d’héroïnes (« J’étais déprimée, cela me rendait la vie plus douce ») ; son envie de décrocher ; son parcours professionnel et sa récente percée dans l’édition ; sa peur de ne plus être « dans la course » alors que « des petits jeunes très talentueux arrivent sur le marché » ; son fils qui n’est « évidemment au courant de rien » et qui l’attend actuellement chez son père. Le rapport psy dresse le portrait d’une « mère qui assume ses charges » tout en soulignant la nécessité « absolue » pour Laurence de se soigner, notamment pour le bien-être de son enfant : « La prise d’héroïne, quand elle est seule avec son fils, pose problème car il est tout à fait en âge de comprendre ce qui se passe – bien plus qu’elle ne l’imagine ».
La Procureure ne semble pas non plus vouloir l’enfoncer : « On tiendra compte effectivement de son casier judiciaire vierge. Et l’on ne prétend pas bien sûr qu’elle soit à la tête d’un énorme trafic. En revanche, il existe bien un cercle de personnes qui se fournit chez elle et profite de son appartement pour y consommer ». Et de demander dix-huit mois avec sursis et mise à l’épreuve ainsi qu’une obligation de soin et de travail : « Cette comparution doit marquer un coup d’arrêt pour préserver sa santé, son enfant et son travail ».
Après délibérés, les magistrats suivront ces réquisitions à la lettre. À l’énoncé de la peine, le président de la cour aura ces quelques mots à l’intention de la coupable : « Nous avons voulu marquer le coup afin que ces réunions, ce trafic et cette consommation cessent. Vous êtes quelqu’un de très intéressant et nous avons décidé de vous faire confiance. Mais sachez que si vous vous faites reprendre, la peine plancher sera alors de quatre ans. Faites en sorte que cet épisode soit, au final, pour vous très positif ».