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Belle et parfaitement insérée. Sa « seule petite faiblesse » : l'héroïne

16 novembre 2008 à 23h24

Sa peau est satinée et ses origines bretonnes. Maman d’un petit garçon de 11 ans, Laurence, 40 ans, est séparée de son conjoint, mais s’entend « très bien » avec le père. Une femme « parfaitement insérée », avec un boulot « prenant », une bonne paye, un soutien familial solide, un casier vierge et un bel appartement. Minorité statistique des comparutions immédiates, Laurence a « une seule petite faiblesse » comme elle dit : elle est héroïnomane.

« Vous bidouillez un peu ? »

C’est un anonyme qui l’a dénoncé à la Police. Après surveillance téléphonique, une perquisition est effectuée à son domicile le 13 novembre, à 8h15. Bilan des scellés : 70g d’héroïne, 12g de cannabis, six flacons de méthadone et 170€ en liquide. Gardée à vue, Laurence comparait dès le lendemain devant la 23e chambre.

« Votre consommation est inquiétante tout de même, héroïne et cannabis tous les jours, depuis deux ans… » Avec tact et douceur, le Président Augonnet tente de comprendre son parcours et les raisons du trafic auquel elle s’adonne. Un œil sur ses dossiers, il entame le dialogue du spécialiste : « Vous êtes… infographiste, c’est bien cela ? Et vous gagnez… 2200 euros par mois. Et donc effectivement, pour financer votre propre consommation, vous bidouillez un peu ». Laurence ramasse sur le côté sa longue chevelure brune et bouclée, et acquiesce : « Oui, on se dépanne mutuellement en faisant de l’achat groupé. Chacun met 500 euros sur la table, ce qui permet de faire baisser le prix au gramme ».

Un « petit jeu qui pose problème »

Malgré son état de manque, l’élocution de la jeune femme est parfaitement claire. Elle admet ainsi s’associer à cinq autres acheteurs dont elle refuse de donner les identités : « Ce sont des personnes complètement insérées, comme moi. Je me suis toujours tenue à l’écart des milieux toxicos ». Le président tempère : « Certes, mais votre petit jeu pose visiblement problème. Je ne sais pas qui vous a dénoncé, mais c’est certainement un voisin… »

À la demande du président, Laurence raconte ses premières prises d’héroïnes (« J’étais déprimée, cela me rendait la vie plus douce ») ; son envie de décrocher ; son parcours professionnel et sa récente percée dans l’édition ; sa peur de ne plus être « dans la course » alors que « des petits jeunes très talentueux arrivent sur le marché » ; son fils qui n’est « évidemment au courant de rien » et qui l’attend actuellement chez son père. Le rapport psy dresse le portrait d’une « mère qui assume ses charges » tout en soulignant la nécessité « absolue » pour Laurence de se soigner, notamment pour le bien-être de son enfant : « La prise d’héroïne, quand elle est seule avec son fils, pose problème car il est tout à fait en âge de comprendre ce qui se passe – bien plus qu’elle ne l’imagine ».

Une peine plancher de 4 ans

La Procureure ne semble pas non plus vouloir l’enfoncer : « On tiendra compte effectivement de son casier judiciaire vierge. Et l’on ne prétend pas bien sûr qu’elle soit à la tête d’un énorme trafic. En revanche, il existe bien un cercle de personnes qui se fournit chez elle et profite de son appartement pour y consommer ». Et de demander dix-huit mois avec sursis et mise à l’épreuve ainsi qu’une obligation de soin et de travail : « Cette comparution doit marquer un coup d’arrêt pour préserver sa santé, son enfant et son travail ».

Après délibérés, les magistrats suivront ces réquisitions à la lettre. À l’énoncé de la peine, le président de la cour aura ces quelques mots à l’intention de la coupable : « Nous avons voulu marquer le coup afin que ces réunions, ce trafic et cette consommation cessent. Vous êtes quelqu’un de très intéressant et nous avons décidé de vous faire confiance. Mais sachez que si vous vous faites reprendre, la peine plancher sera alors de quatre ans. Faites en sorte que cet épisode soit, au final, pour vous très positif ».

Voleur, toxico et tête en l’air Il tape, elle prend sa défense : scène banale de la 23ème chambre

9 Messages de forum

  • Heureux de vous avoir rencontrée et lue. L’histoire de Laurence est très intéressante et touchante. Bravo. Bien à vous Matthieu OLLIVRY
    • C’est pas bien de faire de l’achat groupé ! C’est sur que cela n’a pas plu à quelques dealers locaux qui l’ont dénoncé…que diable c’est un marché ! la concurrence des clients c’est déloyal !

      On rappelle bien entendue que la perquisition dans une enquete preliminaire n’est possible qu’avant l’assentiment ECRIT de la personne, l’accord d’un juge des libertés et de la détention ou en flagrance…

      Il est plus que douteux que l’on soit dans le cadre de la flagrance ou qu’un JLD est donné son accord…ce qui rend cette perquisition à son domicile illégale et si la nullité avait été soulévée avant toute conclusion en defense, l’affaire aurait été annulée.

      C’est trop tard maintenant meme si elle fait appel.

      Pourriez vous pour chaque affaire avoir les faits reprochés (le heure date à tel endroit vous avez fait tel chose ce qui est une infraction dans tel article du code penal) ? Cela permettrait d’y voir plus clair. Et egalement nous renseigner si des conclusions "in limine litis" de nullité ont été plaidé avant toute defense au fond.

      Merci pour ce blog.

      • Il s’agit d’un flagrant délit (dont la définition est juridiquement très large) et donc la perquisition est parfaitement légale à mon avis, y compris sans accord de la perquisitionnée évidemment. Charles-Henri.
        • Article 53 du code de procedure pénale :

          Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.

          A la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.

          La flagrance est peu probable..je vous epargne la jurisprudence..

  • Le c as de cette femme est extrêmement émouvant. Le juge compris sa d é tr e sse et tant mieux. Il faut maintenant qu’elle fasse la démarche qui consiste à vouloir trouver les moyens ( qui existent bel et bien ) pour décrocher pour de bon. Pour son propre salut et pour que son fils puisse avoir en face de lui une mère cohérente.
  • Bonjour

    Je suis cette personne prénommée Laurence dans l’article.

    Tout d’abord je voulais m’adresser à Anne, l’auteur, pour lui dire qu’elle avait très bien cerné et raconté l’histoire. C’est une de mes connaissance qui, habituée du site a reconnu les faits et m’a informé de l’article

    Aujourd’hui, voici ce qu’il se passe : la Procureur a fait appel de ce jugement (le 29 mars, je ne pensais pas que c’était possible 4 mois après) j’en ai pri connaissance mi avril. C’est donc la Cour d’Appel qui va me juger, je n’y connais rien, j’aurai aimé avoir des témoignages.

    Est ce "mauvais signe" ?

    Je suis très angoissée par tout ça.

    Je n’ai pas encore, à cette heure, trouvé d’avocat. Je sais que j’ai droit à l’aide juridique pour le paiement mais j’aurai aimé trouver mon avocat d’une autre manière que par "hasard" : avis aux lecteurs !

    Mais je m’adresse encore à Anne Steiger qui, au moins par son assiduité à fréquenter les lieux a peut être quelqu’un à me conseiller ?

    Merci d’avance

  • …J’ai oublié de préciser que mon jugement, enfin l’appel, est pour le 15 mai, c’est donc très urgent
  • Rien dans cet article, ni dans les commentaires, sur le rôle très actif de son Avocat de ce jour qui a permis qu’en dehors de sa garde à vue, Laurence n’aura pas fait une minute de prison : il l’a faite libérer dès la fin de l’audience. Ah, l’ingratitude… !