Vol commandité ou simple main heureuse d’un voleur inexpérimenté ? Laurent, 24 ans, comparait devant la 23e chambre pour « vol par escalade » commis dans les beaux quartiers de Paris, l’après-midi du 7 avril 2007. À l’époque sans domicile fixe, Laurent repère une fenêtre ouverte à l’étage d’un appartement de la rue Saint Louis, grimpe aux échafaudages installés pour le ravalement de façade, et pénètre sans difficulté à l’intérieur. Il y déplace quelques objets et remarque un livre dont il se saisit. Il ne touche à rien d’autre et repart aussitôt.
Laurent reconnaît le vol, mais sur un simple coup de tête, « aucune préméditation » de sa part. « J’errais dans Paris, j’avais bu du rosé, de la vodka… Je ne me souviens de rien – ni de l’adresse, ni d’avoir grimpé ou d’être redescendu, simplement d’avoir été happé par ce livre en cuir posé sur un pupitre. J’aime les livres, mais je n’étais pas du tout conscient de sa valeur ».
Ce très beau relié aux armes Louis XV date effectivement de 1723. L’avocat de la partie civile n’a pas reçu le fax d’expertise qui permettrait d’évaluer son prix avec certitude, mais la défense avance une « valeur d’environ 40 000 euros », peut-être un brin exagérée. À l’entendre pourtant, Laurent n’aurait « même pas eu l’idée de le revendre ». « C’est quand il a fallu que je trouve une caution pour mon appartement que je me suis renseigné sur son prix ». Par « un ami d’enfance », il aurait obtenu l’adresse d’un marchand de biens situé sur les quais du 5e arrondissement : « Je lui ai dit qu’il s’agissait d’un bien de famille, explique Laurent. On s’est tout de suite mis OK sur 2000 €, ce qui m’a déjà paru exorbitant – 1500 en chèque et 500 en liquide ». Des mois plus tard, ce marchand tente de revendre le livre aux enchères. On s’aperçoit alors que l’objet est volé et l’on remonte jusqu’à Laurent facilement. Celui-ci n’avait pas hésité à tendre sa carte d’identité au marchand du 5e.
Un échafaudage, une fenêtre ouverte, un seul livre volé, un marchand de biens couvert par l’identité du voleur… Les hasards ou point d’ombres paraissent nombreux dans cette affaire, suffisamment en tout cas pour penser que l’objet a peut-être été ciblé. Le Président pousse le prévenu : « Vous avez pénétré cet appartement-là et volé ce livre-là, par hasard ? Des beaux livres, il y en avait d’autres… Vous saviez que vous pouviez le revendre à bon prix, on ne va pas se voiler la face ! » Silence du prévenu. Le Président le relance : « Vous connaissiez la victime ? » La réponse est non. « Et vous l’avez revendu combien de temps après le vol ? » Réponse : « Je ne sais pas… Cette période est très floue dans ma tête. Moi, j’aurais dit une semaine. Les policiers m’ont dit un mois ».
Son avocate insiste : « A l’époque des faits, mon client traversait une époque vraiment difficile de sa vie, il n’avait pas de logement, dormait dans des squares et buvait beaucoup. Il est sorti de cette situation aujourd’hui. Accordez-lui qu’il n’est pas coutumier des faits. Il était jusque-là inconnu des services de police, il revend un objet d’une grande valeur vingt fois moins cher que son prix estimé, il laisse une photocopie de sa carte d’identité… Il a simplement eu un besoin ponctuel d’argent, pour se loger ». Le Président concède : « La galère et la boisson peuvent expliquer le passage à l’acte ».
Verdict : quatre mois de sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans avec injonction de soins pour ses problèmes d’alcool. Cette peine ne sera pas inscrite sur son casier judiciaire et Laurent sera suivi par un juge d’application des peines.