Remis en liberté sous contrôle judiciaire pour « préparer sereinement sa défense », Robert, 58 ans, devait comparaître libre ce mardi devant la 23e chambre de Paris pour « agression sexuelle ». Or pour la deuxième fois consécutive, Robert ne s’est pas présenté. L’affaire avait déjà été renvoyée à la demande du Président pour creuser les expertises psychologiques. Vu la gravité des faits, la partie civile espérait que le prévenu « aurait le courage de venir s’expliquer sur ses actes ». Toujours pas de Robert. On le jugera sans lui.
Les faits sont déjà anciens. En début d’après-midi le 23 juillet 2008, Robert se rend à la piscine des Amiraux (Paris 18e) pour suivre son sixième cours de natation. Il « n’aime pas particulièrement nager », mais il a « décidé de s’y mettre ». L’homme a déjà été remarqué par divers employés de la piscine pour son faible envers « les petits jeunes et le maître-nageur » et pour faire « de réguliers allers-retours entre le bassin et les douches ». Or à 15h15 ce jour-là, le maître nageur justement, remarque « quatre pieds sous la porte des WC ». Il prévient la surveillante technique qui déboule aussitôt. La Police est rapidement appelée sur les lieux. On vient de découvrir Robert en érection dans une cabine avec un jeune attardé mental. Celui-ci aurait subi des attouchements.
Jamel, 22 ans, a rassemblé « tout son courage » pour venir avec ses deux parents. Son père cependant ne supporte pas de réentendre les faits et préfère quitter la salle. Attardé mental à plus de 80 %, Jamel souffre de psychose infantile déficitaire : il a aujourd’hui la maturité d’un enfant de six ans. D’où l’importance des expertises psychiatriques : dans le cadre de la loi effectivement, Jamel est une personne « particulièrement vulnérable ».
Le Président du tribunal relit le PV de Police où Jamel avait à l’époque donné sa version de l’histoire : « C’est sous la douche de la piscine que j’ai rencontré un monsieur qui m’a fait signe de venir vers lui. Je lui ai dit : “Non je ne viens pas, je ne te connais pas”, et je suis sorti de la douche pour aller faire mes besoins ». L’homme l’aurait suivi jusqu’aux toilettes et se serait glissé dans la cabine avant de refermer la porte à clef derrière eux. « Il m’a dit “déshabille-toi”. J’ai refusé. Il m’a caressé mon truc. Il s’est caressé son truc et puis il m’a demandé de lui caresser. Il m’a montré comment, son truc était tout dur. Il a mis mon truc dans sa bouche. Je l’ai repoussé. J’étais furieux. C’est un problème pour moi, parce que je suis musulman. Une dame nous a trouvé et la police est arrivée pour mettre les menottes au méchant. J’étais content ».
Entendu par la police, Robert conteste. S’il va régulièrement prendre des douches, « c’est pour (se) réchauffer, parce que l’eau de la piscine est froide ». Ce jour-là, c’est Jamel qui l’aurait dragué : « J’avais croisé son regard une première fois, puis une deuxième, il ne cessait de me regarder fixement ». C’est même Jamel qui, selon le prévenu, aurait entamé le jeu de caresses et proposé « d’aller aux waters pour être plus tranquille ». Pour Robert, cette relation était « librement consentie » et le plaisir « mutuel ». Il ne comprend d’ailleurs pas ce qu’il « fait chez la Police » et s’étonne qu’un attardé mental ait pu se trouver seul à la piscine, sans surveillance. « Bien évidemment », il n’avait « pas réalisé que le jeune homme était handicapé ».
L’avocate de la partie civile rejette catégoriquement cette ligne de défense : « Tous les témoins interrogés à la piscine indiquent clairement que le handicap de Jamel était flagrant. Vous-même, Monsieur le Président, quand vous l’avez vu à la barre, vous lui avez tout de suite proposé de se rasseoir. On remarque son handicap quand il est debout, assis, quand il marche, quand il parle. Il n’y a que Monsieur X. pour ne pas le constater au premier coup d’oeil ».
Le retentissement psychologique de cette agression est « sévère » pour Jamel. Depuis, le jeune homme fait des cauchemars et n’a plus d’appétit. Il dit être « triste » et avoir « peur ». Les faits auraient augmenté ses angoisses et son repli sur lui-même. Lui qui manquait d’autonomie en a dorénavant encore moins : « Il ne quitte plus son père d’une semelle ».
En l’absence du prévenu, le Président tente de retracer son parcours à partir de ses auditions. Son casier judiciaire est vide, on sait qu’il a été photographe, puis surveillant dans un internat privé avant de perdre son emploi. On sait qu’il a été expulsé fin avril de son appartement et qu’il vit du RMI dans un hôtel, près de la gare du Nord. Célibataire et sans enfant, l’homme recherche habituellement des relations sexuelles dans les saunas masculins – d’où sa « méprise », dit-il, car Jamel lui aurait envoyé les « mêmes codes homosexuels ». Selon les experts psychiatres, Robert ne serait ni psychopathe, ni pervers et l’injonction de soins serait de fait « non opportune ».
Après délibérations, le tribunal condamne Robert à 18 mois fermes et 7300 euros à titre de dommages et intérêts. Un mandat d’arrêt est demandé, tout comme l’inscription au Figes, le fichier national des délinquants sexuels.