Comparutions immédiates du 3 mars 2009, 23e chambre de Paris
Le 2 mars dernier, Emilie, 28 ans, se fraye un passage dans la circulation de la rue de Rivoli. Il est 9 heures du matin et la jeune femme se rend au travail en moto. Quasi à l’arrêt, une voiture au milieu de la voie l’empêche de se glisser entre les deux files. Appels de phares et coups de klaxons pour encourager le véhicule à se rabattre. Elle aperçoit le conducteur gesticuler et décide de forcer le passage : « Vu que je n’avais pas trop d’espace, j’ai voulu passer tout doucement en rabattant son rétroviseur, raconte-t-elle à la barre. C’est là qu’il est sorti en trombe de sa voiture pour m’insulter et qu’il a commencé à me frapper ». Déséquilibrée par un premier coup de poing porté à la tête, Emilie tombe sur le côté avec sa moto. À coups de pieds et de poings, le conducteur s’acharne sur la motarde au sol. Selon le rapport médical « le casque et la combinaison de la jeune femme ont évité que les blessures ne soient plus graves ». Bilan : deux jours d’ITT.
C’est un conducteur témoin de la scène qui appelle la police – le hasard veut qu’il soit huissier de justice : « Je n’ai pas assisté au début de l’altercation, j’ai simplement vu un homme plutôt costaud frapper une femme au sol. A sa silhouette, on voyait très bien, malgré son casque, qu’il s’agissait d’une femme ». À l’intention de la police, le témoin ajoute : « Visiblement, ce gars-là savait se battre ».
Costume et chemise noir, Fadel, 30 ans, comparaît pour conduite en état d’ivresse et violences – en état de récidive légale puisque déjà condamné à deux reprises pour les mêmes faits depuis octobre 2005. Footballeur professionnel au sein du RAEC de Mons, club de ligue 1 belge, Fadel a 0,48 mg d’alcool par litre d’air expiré au moment de son arrestation : « J’ai arrêté de boire la veille à 2 heures du matin, affirme-t-il. Avant de partir, j’ai pris un petit-déjeuner et une douche, j’étais loin de me douter que j’avais encore de l’alcool dans le sang ! »
Fadel n’assume en rien sa responsabilité et sa défense irrite le tribunal : « Je n’étais pas au milieu de la route pour le plaisir de gêner, mais parce qu’un véhicule devant moi m’empêchait de bouger. J’étais coincé et elle, elle me klaxonne et me fait des appels de phare ! Et puis, elle a cassé mon rétro !, s’insurge le milieu de terrain. Elle ne l’a pas rabattu comme elle dit, elle l’a carrément cassé ! »
Le Président le coupe : « Monsieur, le PV de police assure que votre rétroviseur n’était absolument pas cassé. Et puis, qu’il le soit ou non n’excuse en rien les violences sur cette jeune femme ». Fadel s’emporte : « Je n’avais pas vu que c’était une femme à cause de son casque ! Elle était couverte de la tête aux pieds, comment je pouvais le savoir, moi ? » L’avocate d’Emilie intervient : « Avant de frapper ma cliente, le prévenu l’a d’abord insulté en la traitant notamment de “salope”. Cela me paraît curieux d’insulter ainsi une personne que l’on pense être un homme ». À son tour, le procureur moque le prévenu : « Je ne roulais pas sur la file du milieu, je ne pouvais pas me rabattre, il y avait une voiture devant moi… Mais vos problèmes de circulation monsieur, on s’en moque ! Vous ne saviez pas qu’il s’agissait d’une femme ? Le témoin, lui, l’a remarqué d’emblée. Et puis d’ailleurs, que ce soit un homme ou une femme, peu importe ! »
L’arrêt. Un an dont dix mois avec sursis. Pas de mandat de dépôt pour Fadel qui sera suivi par un Juge d’Application des Peines pour aménager la partie ferme. Le coupable devra en outre payer 300 euros de dommages et intérêts à la victime qui en demandait 2000 pour le préjudice physique et moral et pour les dégâts matériels causés sur sa moto.