Quatre jeunes de 18 à 20 ans comparaissaient en fin de semaine dernière devant la 23e chambre pour violence aggravée dans un Noctilien, réseau de bus circulants sur Paris entre 0h30 et 5h30 du matin. Leur victime, agressée parce qu’« habillée fashion », a écopé de quatre jours d’ITT. Inconnus jusque-là des fichiers de police, les quatre étudiants d’origine française et franco-tunisienne ont été obligés de reconnaître leurs actes après avoir été confrontés au visionnage de la vidéo. Une affaire qui démontre le changement de donne face à des faits filmés.
Aux environs d’1h30 cette nuit d’octobre, quatre jeunes rentrent chez eux dans le quartier du Père-Lachaise après avoir fêté l’anniversaire de l’un d’entre eux chez une amie à Montparnasse. Ils n’ont pas bu, sont excités par leur soirée, et montent à bord du Noctilien sans avoir pris de tickets. Les jeunes s’assieds à l’arrière du bus quand un autre individu, de taille moyenne et plutôt maigre, grimpe à son tour. Sabri, meneur du groupe, admet : « Je l’ai insulté en premier en le traitant d’artaïl, homosexuel en langue arabe. Mais je ne m’adressais pas directement à lui. En le voyant rentrer dans le bus, j’ai simplement dis à un de mes potes : “Regarde ce artaïl” ».
« Et pourquoi l’avoir traité ainsi ?, interroge la présidente.
C’était par rapport à son style vestimentaire. Il était en jogging et un peu fashion ». La victime connaît quelques mots d’arabe et réagit à l’insulte : « Il m’a agressé direct, déclare Sadri. Il m’a dit : “Comment tu m’as appelé ? Sale arabe ! Fils de pute !” Là, j’ai vu rouge, c’est vrai ».
Sabri est fils unique – et face à cette offense envers sa mère qu’il « aime plus que tout », il se jette sur sa victime à coups de pieds et de poings. Le machiniste déclenche l’alarme insonore et la caméra s’enclenche.
La présidente : « Lors de votre assaut, on voit très bien sur cette photo la victime partir en arrière sous la force du premier coup et le principal suspect, vous Monsieur X., en train de rire. La vidéo prouve que vous rigoliez. Elle montre aussi, et on le voit sur ces images numériques, que vous vous êtes acharnés sur lui au sol. On lit notamment sur le rapport de police : “A 1h 49mn et 39sec, M. X marche sur la victime”. Savez-vous qu’en lui marchant dessus ainsi, vous auriez pu le tuer ? En plus, la victime n’est vraiment pas du genre costaud. Combien de coups lui avez-vous porté ?
Je ne sais pas, j’étais en train de le frapper… Je n’ai pas compté ».
Pour le procureur, aucun doute, il s’agit bien là d’une agression à orientation sexuelle : « On a clairement voulu “casser du pédé”. La vidéo montre clairement les faits. Nous avons une minute entière de violence pure, où l’on entend des rires, des ricanements et des individus qui tapent des mains en encouragement. On a ensuite dix secondes de calme, le temps que la victime reprenne ses esprits – on la voit même remettre sa chaussure. Et puis les accusés reviennent pour un deuxième round où, pendant 40 secondes, vous le frappez à terre ».
Maître le Boucher, avocat de la défense, réfute l’orientation sexuelle de l’agression, mais se doit de reconnaître la gravité des faits. Verdict : douze mois d’emprisonnement dont huit fermes pour le principal accusé et six fermes pour ses trois complices. Une peine lourde selon la défense, d’autant que le mandat de dépôt est exigé.
C’est dire l’efficacité de la vidéosurveillance dans la recherche de vérité, mais aussi dans la sanction. Dans un état policier où les faits ne sont plus contestables et donc plus du tout contestés, les droits de la défense à garder le silence, à ne pas dire toute la vérité, sont tout doucement rognés.