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LA PERSPECTIVE HISTORIQUE DANS LE MARKETING MANAGEMENT

Par Nico J. Vink

INTRODUCTION

Malgré l'intérêt croissant pour l'histoire en marketing qui commence à se développer dans les années 80, les analystes et les praticiens en marketing ont accordé peu d'attention aux approches historiques. Jusqu'ici, la littérature, relativement peu abondante dans ce domaine, présente trois champs d'intérêt, notamment:

1) l'industrie (en particulier, la distribution et la publicité) et les monographies d'entreprises qui décrivent les modes de fonctionnement sans les relier ni à leur environnement ni au contexte et qui examinent rarement les pratiques et processus de marketing (par exemple Williamson, 1963 Hollander et Savitt, 1983 Hollander et Nevett, 1985)

2) l'histoire de la pensée marketing (Bartels, 1976)

3) l'analyse historique en tant que méthode et ses applications au marketing (par exemple, Savitt, 1980, 1983, 1984 Fullerton, 1983 Kumcu, 1985, 1987)

L'objet de cet article est d'aborder un " mélange" , un nouveau centre d'intérêt de l'histoire concernant le marketing et notamment le marketing management, c'est-à-dire le management des politiques et des activités opérationnelles de marketing. Son but est d'utiliser la perspective historique dans l'étude, l'enseignement et la pratique du marketing dans les entreprises individuelles. Cette démarche intègre la pensée marketing (concepts, théories, écoles et leurs types d'approche) avec les activités et pratiques utilisées au niveau microéconomique de l'entreprise individuelle. La plupart des tentatives précédentes d'utilisation de la recherche historique en marketing (par exemple, Greyser, 1963 Smith, 1965 Shapiro et Doody, 1968 Jones et Monieson, 1990) se sont penchées sur les niveaux mésoéconomiques et macroéconomiques de l'agrégat et en ont étudié l'historique jusqu'au XVIIIème siècle.

Il n'est pas question, dans cet article, de rendre l'approche historique opérationnelle. Son but est de susciter, auprès des analystes et des praticiens, une prise de conscience et un intérêt (plus) positifs envers cette nouvelle approche et de les inciter à la développer et à l'incorporer dans les milieux académiques et des affaires. En fait, mon étude socio-historique des processus de prise de décision en marketing à la Corporation Philips, à la Royal Dutch/Shell, dans une importante banque commerciale néerlandaise et à l'Union des Consommateurs des Pays-Bas (1986) constituait déjà un exemple de mise en pratique des perspectives historiques et témoignait de l'émergence d'une nouvelle école de pensée et de pratique marketing. Une manière de confirmer la remarque de Lutz (1979): " Il est extrêmement regrettable (de constater) que la grande masse de recherche comportementale en marketing basée sur la théorie ait porté sur le comportement du consommateur... Nous avons quasiment laissé de côté le comportement de la vente" .

Le plan de cet article traite de l'ignorance de l'histoire dans le marketing, de l'importance de son utilisation en marketing ainsi que de la signification de la perspective historique. Il conclut en suggérant la façon d'exploiter et d'intégrer la perspective historique sans fournir de recettes de " savoir-faire" détaillées et complètes.


L'IGNORANCE DE L'HISTOIRE - UN " FLUX COMPLEXE" * * (terme emprunté à Fullerton, 1988)

Dans les programmes d'enseignement du marketing, ainsi que dans la pratique, la perspective historique en marketing management est traitée très succintement. Dans les manuels traditionnels d'enseignement, le concept des Eres de Production/Ventes/Marketing, emprunté à l'évolution du marketing de Keith (1960) est un exemple de la place minimale laissée à l'histoire du marketing telle qu'elle est enseignée aux étudiants du monde occidental. La recherche historique récente et approfondie démontre que ce concept est erroné et le remplace par le modèle du " flux complexe" de Fullerton (1988). Cette conceptualisation du développement historique du marketing moderne énonce l'évolution comme un processus fluide et compliqué qui implique simultanément changement radical, changemenr marginal et continuité.

Jusqu'au milieu des années 80 et pendant des décennies, Bartels et Hollander ont été les principales exceptions. Bartels (1976), en particulier, s'applique à retracer le développement de la pensée marketing et aboutit, entre autre, à la conclusion suivante: la pensée marketing s'est contentée de décrire et de classer les institutions et les pratiques prédominantes. Dans son chapitre " Marketing Management" , Bartels s'intéresse longuement à Kotler, qui, dès 1967, avait entrepris de synthétiser et de structurer la nouvelle pensée marketing, facilitant ainsi la tâche des cadres du marketing. Jusqu'à sa septième et plus récente édition de 1991, Kotler traite la substance du marketing management -analyse, planification, contrôle et mise en oeuvre- en mentionnant très marginalement la perspective historique: sur 732 pages, seulement 4 en comportent de courtes références isolées.

Depuis 1953, Hollander approfondit l'étude de l'histoire du marketing. Plus d'une fois, il démontre que le marketing possède une longue histoire. Il traite également longuement l'évolution des institutions de distribution. Il démontre que l'analyse historique amène souvent à des concepts qui peuvent éclairer les institutions et les pratiques marketing en cours dans une perspective macroéconomique. Une telle analyse peut même parfois suggérer quel sera l'avenir macroéconomique. En fait, Hollander ne se penche pas du tout sur le marketing management dans l'entreprise individuelle.

L'on néglige souvent l'approche historique comme outil de recherche à cause d'un parti pris vis à vis du progrès. Dans les cultures occidentales, le progrès est devenu une idée fixe et forcenée. Par conséquent, l'on tend à se tourner vers l'avenir plutôt que vers le passé (Nisbet, 1980). Pendant trop longtemps, les dirigeants d'entreprises européennes se sont pris pour les modificateurs du présent en avenir, considérant l'histoire des affaires comme un luxe inutile, voire un obstacle à leurs efforts continus et renouvelés. Comme tant d'autres, Nevett (1991) remarque que les praticiens en marketing sont sûrement conscients de la nature dynamique de la concurrence, du comportement changeant du consommateur, ect. Cependant, ils ne s'intéressent qu'aux quelques années antérieures tout ce qui est plus ancien relève de " l'histoire antique" , donc n'a aucune valeur.

Pendant trop longtemps, les historiens (européens) ont, en général, traité la " noblesse" de l'histoire pour l'histoire, se concentrant sur les problèmes du XVIIIème et XIXème siècles. Encore de nos jours, la plupart des historiens ignorent ou simplifient à l'extrême un élément central qui a, depuis 150 ans, contribué au succès de l'indusrialisation et à l'orientation de plus en plus marquée de la société occidentale vers la consommation et le consommateur. Ils continuent d'affirmer que l'industrialisation ne doit sa réussite qu'à l'accroissement de la production et aux économies d'offre, faisant fi de l'observation de Gilboy (1932) qui stipule qu'une croissance du marketing est également un impératif important. Les historiens oublient surtout qu'il faille considérer l'entreprise privée moderne comme " le laboratoire fondamental du changement de société" (Caron, 1987) et que, par conséquent, c'est un tort de traiter les problèmes (fonctionnels) de management des affaires uniquement comme de simples intérêts historiques marginaux.

En plus des praticiens et des historiens (des affaires), l'on constate que les analystes de marketing laissent amplement l'histoire de côté. En 1991, j'ai recensé 105 historiens des affaires ainsi que 116 analystes de marketing en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France. Près de la moitié d'entre eux ont répondu à mon questionnaire. Pratiquement tous les analystes de marketing ayant répondu faisaient (encore) preuve de peu ou pas de connaissances et/ou d'intérêt dans l'utilité des perspectives historiques en marketing. L'attitude allemande prédominante tendait à être: " cela n'aide pas à résoudre les problèmes actuels de marketing" et " l'on peut consacrer son temps à des choses plus stimulantes" . L'attitude négative des analystes de marketing britanniques démontra leur différence de culture: " il me semble que nous sommes sensibles à l'histoire dans de nombreuses choses" et " Je regrette de méconnaître autant le domaine de l'histoire du marketing" .*

* Il faut noter que la personne qui a prononcé cette phrase a utilisé avec succès des approches historiques dans l'un de ses récents ouvrages. Cet auteur a examiné la performance des industriels britanniques après 1945, comparé le commerce mercantile et la concurrence internationale des temps modernes et observé la transition d'une société industrielle vers une société basée sur la connaissance (Baker et Hart, 1989).

Le petit nombre d'analystes marketing peu nombreux qui est attentif à l'histoire du marketing traite de la demande du consommateur, de la distribution ou des analyses économétriques des séries chronologiques du marché. L'activité principale de la plupart des historiens des affaires ayant répondu au questionnaire concerne la rédaction des historiques personnels d'entrepreneurs et des monographies de firmes individuelles ou l'on trouve parfois quelques références au marketing. Les historiens des affaires britanniques, en particulier, semblent également avoir un rôle actif aux niveaux mésoéconomiques de l'ensemble des industries. Depuis quelques années, certains des plus importants historiens des affaires de Grande-Bretagne

(comme Leslie Hannah, à la London School of Economics et Geoffrey Jones, à l'université de Reading) étudient la stratégie du marketing ou les pratiques d'une industrie particulière ou bien traitent explicitement du marketing dans des cours interprêtant le commerce multinational moderne américain, européen et japonais.

L'importance d'un sujet est tout à fait une question de définition sociale qui ne fait pas l'objet de critères absolus mais simplement de standards créés par le consensus. L'importance d'un paradigme ou d'une méthode de marketing dépend de celui qui s'y intéresse. L'analyse normative qui prédomine actuellement en sciences sociales a beaucoup apporté au pouvoir analytique dont disposent les analystes (et les praticiens). Mais ses conseils ont été inappropriés pour faciliter la compréhension de l'inévitabilité et de la complexité du changement elle a même, par inadvertance, limité les perceptions en décourageant indirectement l'analyse historique (Fullerton, 1987).

Et le marketing, en tant que discipline, a toujours davantage porté sur les facteurs et les moyens que sur les résultats (Bonoma, 1985 Bonoma et Clark, 1988). La recherche marketing s'est principalement intéressée à la façon correcte de spécifier les variables indépendantes de la pratique marketing, de détailler les éléments dont dispose le responsable marketing dans le but de les manipuler (Borden, 1964) elle s" est également intéressée à la nature et à la composition d'une " bonne" stratégie (par exemple, Abell et Hammond, 1979) ou aux schémas proposés par les modèles de causalité (par exemple, Bagozzi, 1982). La nature et la signification des résultats en marketing ont été traitées soit comme des évidences ou comme matière à étude future sur la performance marketing, études qui n'ont pas vu le jour, pour la plupart. Bonoma et Clark (1988) sont l'exception, mais ils n'ont jamais vraiment traité la question du temps. A peine sont-ils allés jusqu'à la dernière année fiscale.

Les cas actuels que l'on trouve habituellement dans les manuels d'enseignement de marketing omettent souvent les dimensions historiques significatives et les répercussions à long terme des décisions en marketing management (Nevett, 1989). En tant que discipline appliquée, le marketing d'université s'adresse essentiellement à la clientèle de ceux qui prennent des décisions en affaires. Leur orientation principale est l'amélioration au présent de leurs décisions de marketing. Pour eux, regarder en arrière est un luxe. Ils s'appuient plutôt sur la connaissance implicite du marketing dans le passé, quels que soient les dangers que cela implique (Smith et Steadman, 1981).

Jusqu'à présent, le marketing a largement omis l'histoire parce que la discipline marketing devait absorber un ensemble sans cesse croissant de nouveaux concepts et méthodes et établir des manières appropriées de les appliquer aux problèmes quotidiens (Savitt, 1980). Cette démarche implique que l'on considère une approche historique comme n'ayant qu'une importance marginale. D'une certaine façon, l'histoire du marketing est l'injuste victime d'un flot interminable de nouveaux développements ainsi que de la spécialisation croissante des analystes de marketing (Shapiro, 1964). Puisque de nombreux historiens semblent décrire l'histoire pour l'histoire, l'on comprend aisément pourquoi les méthodes historiques soient perçues comme étant insignifiantes. Elles semblent n'avoir qu'une utilité minime pour les décideurs du monde des affaires et du marketing.

Aux Etats-Unis (et au Japon), un certain nombre d'historiens des affaires (par exemple, Chandler de Harvard, 1962 et 1979, et Tedlow, 1991) font preuve d'une tendance moderniste digne du XXème siècle en s'orientant vers des problématiques de politique économique depuis la période précédant la Seconde Guerre Mondiale. En Europe, toutefois, c'est seulement dans les années 80 (par exemple, Hannah en Grande-Bretagne, 1981, et, pour la France, Ramon et Torres, 1987, ainsi que Marmonier et Thietart, 1988), que nous assistons aux débuts d'une nouvelle prise de conscience parmi, d'une part, les historiens des affaires et les analystes en management (mais non pas les analystes de marketing management) et, d'autre part, les dirigeants d'entreprises. L'on prend conscience que pendant trop longtemps " l'histoire" et " le marketing" se sont mal compris et ont été des réalités en conflit. L'on se rend compte que la vie économique ne se renouvelle pas chaque jour et que la discontinuité, tout comme la continuité, en sont ses forces majeures. A partir de la fin des années 80, ces nouvelles attitudes chez les historiens des affaires amènent de nouveaux comportements. Les institutions universitaires commencent à prévoir des Chaires en Histoire du Management des Affaires (par exemple, le Rapport Annuel 1989-1990 de l'Unité d'Histoire des Affaires de la London School of Economics).

Dès le début des années 80, une vague d'analystes marketing critiques émerge aux Etats-Unis. Ceux-ci affirment, entre autre, que tenter de comprendre et d'interpréter les phénomènes historiques -dont le marketing fourmille- à partir d'une approche an-historique, c" est condamner la perception du marketing à " des résultats incomplets au mieux, et déformés, au pire" (Fullerton, 1987). La seule valeur des approches an-historiques appliquées aux phénomènes historiques, c'est d'illustrer leur état à un certain moment dans le temps. Comme l'explique Fullerton, " les théories imbues et désormais caduques supposant un changement lent et prévisible élaborées pendant les années 50 et 60 constituent encore en grande partie la base de ce que l'on enseigne de nos jours comme le b.a.ba du marketing. Et si l'on élabore des modèles basés sur les turbulences actuelles, il ne sera peut-être pas possible de les appliquer dans l'avenir. En marketing, l'on ne connaît catégoriquement à l'avance ni les structures ni le rythme du changement" .

Les nouveaux historiens du marketing aux Etats-Unis concluent également que les approches an-historiques généralisent et soustrayent le temps et le lieu sans aucun fondement au lieu de proposer une analyse concrète (Arndt, 1983 et 1985 Firat, 1985), qu'elles simplifient à l'extrême les réalités du marketing et laissent de côté le " flux" historique (Pascale, 1984 Fullerton, 1987). Ces approches supposent implicitement que l'on suive des structures régulières et connues et que les relations sous-jacentes parmi les variables soient constantes. Ces approches sous-estiment l'existence de contextes du comportement marketing tels que le temporel, le spatial ou autre (Savitt, 1982 Black, Ostlund et Westbrook, 1985). Une notion aussi faible du temps et du changement mène à des suppositions statiques et à des erreurs stratègiques (Wack, 1985). Les prévisions statistiques supposent que les structures du passé se reproduiront. Les cycles de vie d'une famille ou d'un produit ainsi que la diffusion des innovations supposent que le changement va, -assûrément, qu'il doit- suivre une certaine séquence. Les modèles dynamiques supposent que les phénomènes sociaux suivent une logique " ordonnée et prévisible" (Huckfeldt, Kohfeld et Likens, 1982). Il existe une tendance à une fausse idée du progrès en marketing dûe à l'oubli de la pensée et de la pratique marketing dans le passé (Hollander, 1986). Toutes ces études critiques ont un point commun: aucune des méthodes an-historiques ne peut venir à bout des réalités historiques et des altérations apparemment irrationnelles.

IL EST IMPORTANT D'UTILISER LES PERSPECTIVES HISTORIQUES DANS LE MARKETING MANAGEMENT

La vision du monde empiriste et logique qui domine en sciences sociales ainsi que la théorie dominante néo-classique de micro-économie ont donné le ton de l'approche en marketing depuis le début. Ces deux paradigmes prennent modèle sur les sciences naturelles et ambitionnent les pouvoirs prophétiques des sciences de l'univers prévisible -" le déterminisme naturaliste" (Scholtz, 1974). Des analystes de marketing comme Anderson (1983), Arndt (1981) et Firat (1985) ont établi avec précision que le marketing impliquait des relations socio-économiques complexes qui dépassent les modèles déterministes de type newtonien comme ceux de cauuse-effet ou stimulation-réponse. Par conséquent, les analystes de marketing généralisent les conclusions partielles à travers le temps et l'espace tout en privant les phénomènes de leur histoire (Firat, 1985).

Le marketing moderne occidenntal -développé dans les pays aux économies avancées comme l'Europe, les Etats-Unis et quelques pays du Pacifique, comme le Japon - ainsi que les systèmes marketing qui y sont pratiqués sont des phénomènes historiques. Ils comportent un début, évoluent et se transforment, puis s" achèvent. A cet égard, tout système marketing et le marketing de toute entreprise ont une identité unique. En 1988, Rassuli, un des disciples de Hollander, conclut, d'après les nombreuses observations de Hollander, que les analystes et les historiens négligent souvent la notion selon laquelle de nombreux phénomènes marketing ne sont pas des " produits culturels" récents, mais qu'ils existent, sous une forme ou une autre, depuis des siècles. Toutefois, Hollander rejette les hypothèses naïves sur la répétition et les théories à tendance simpliste (1984). Se limiter au présent, c'est perdre de vue de nombreuses et importantes idees en marketing et c'est oublier de poser de nombreuses et importantes questions. Selon Hollander, l'histoire apporte une perception plus équilibrée des phénomènes contemporains. Il démontre que la plupart des idees historiques exposées dans les manuels traditionnels de marketing sont " simplificatrices et plates" et déplore que " par définition, les platitudes sont généralement des croyances fermement établies" (1987). Si l'on peut retracer les dimenions sous-jacentes des phénomènes marketing, il sera possible d'établir une relation entre des concepts marketing qui ne semblent pas avoir de lien entre eux.

Alors qu'un grand nombre d'analystes et de praticiens marketing se désintéressent du passé, l'avenir, par contre, les intéresse. En évaluant l'évolution d'un système marketing dans le passé et de ses activités, il est bien plus aisé de comprendre la situation actuelle et le futur probable. En d'autres termes, le développement est un processus historique. Puisque le développement évolue avec le temps, il est nécessaire de se pencher sur l'explication historique (Savitt, 1980). Au-delà de la question: que faut-il mesurer?, se pose l'important problème de: mesurer jusqu'ou?. Il n'est pas facile de spécifier à l'avance la longueur de temps adéquate pour atteindre un jugement sûr. Toutefois, cette difficulté ne justifie pas que les études de marketing soient souvent trop courtes pour mesurer un changement vraiment valable dans sa totalité et en rendre compte.

Les solutions aux problèmes marketing du passé sont souvent intemporelles et méritent des interprétations renouvelées. Ainsi, les goûts de base des consommateurs restent essentiellement les mêmes. L'étude historique permet de distinguer les concepts qui durent de ceux qui ne font que reproduire les tendances actuelles et la sagesse conventionnelle. Etudier les processus historiques pertinents, c'est obtenir une compréhension plus profonde des principes marketing qu'il est possible d'appliquer.

Les approches historiques sont importantes parce qu'en marketing, de nombreux paradigmes, concepts, méthodes, activités et pratiques sont par nature, longitudinaux et respectivement historiques. Il en est de même pour la construction et le maintien des relations marketing. De même pour le cycle de vie d'un produit, pour les stratégies de segmentation et de positionnement, pour les stratégies de domination du marché, pour les processus de développement d'un nouveau produit, etc. Et encore plus en ce qui concerne la culture marketing d'une entreprise.

Enseigner à de jeunes aspirants Jésuites " Aime Dieu et fais ce qu'il te plaît" , ce n'est pas du tout agir à sa guise mais plutôt strictement en conformité avec les croyances de l'ordre (Jay, 1970). La culture marketing d'une entreprise se développe au fil du temps (Vink, 1986 Mintzberg, 1989). C'est une sous-culture qui, normalement, diffère des autres sous-cultures de l'entreprise. Il est également intéressant de connaître ces différences et de savoir de quelle manière et jusqu'à quel point elles diffèrent ou non de la culture prédominante de l'entreprise. Les racines d'une culture forte ont tendance à s'implanter lorsque se crée ou se renforce l'organisation marketing de l'entreprise. Le marketing d'une entreprise en fonctionnement -et la plupart des entreprises le sont- subit les contraintes de règles et traditions que l'histoire a fondées les croyances actuelles ont tendance à empêcher l'éclosion de nouvelles croyances. La plupart du temps, seul un responsable marketing nouveau, puissant et charismatique peut réussir à les persuader et à les transformer. Il est toujours utile d'avoir une perception adéquate de la culture prédominante et de connaître le coût du changement. En marketing, les comportements se renforcent au fil du temps et les actions marketing acquièrent de la valeur avec le temps, une culture commence à émerger et des mythes se développent autour d'évènements marketing importants qui ont marqué l'entreprise dans le passé. Au fil des années, le marketing d'une entreprise élaboree son propre sens de l'histoire. Tout cela -précédents, coutumes, mythes, histoire- constitue une base commune de tradition que partagent tous les membres socialisés de l'équipe marketing de l'entreprise. Petit à petit, année après année, le marketing d'une entreprise -de même que toutes les autres fonctions de l'entreprise- devient un système avec une existence propre, " acquérant une identité propre, caractéristique" (Selznick, 1957). Selon Clark (1970), des systèmes " caractéristiques" développent " une saga organisationnelle, une compréhension collective d'un accomplissement unique basé sur les exploits historiques" , ce qui lie le présent du marketing avec son passé. Le responsable marketing qui intègre le système marketing d'une entreprise ne rejoint pas un groupe d'individus réunis par hasard mais plutôt un système vivant qui possède sa propre culture. Par nature, par sélection, par évocation (socialisation et endoctrinement) et/ou par calcul, un responsable marketing nouveau s'identifiera avec et sera loyal envers le système marketing de son entreprise.

En planification marketing, une analyse de situation se concentre principalement sur les problèmes d'aujourd'hui et d'hier, afin d'apporter les solutions d'aujourd'hui et de demain. La plupart des responsables marketing rassemblent les documents de l'histoire au moment ou ils prennent conscience de leurs propres actions présentes. La plupart commencent à un point dans l'échelle du temps bien trop proche du moment actuel qui n'est, en fait, qu'un point " moyen" d'un processus significatif bien plus long. En ne voyant pas la pré-histoire, les responsables marketing risquent de ne pas comprendre la dynamique d'un processus déjà en mouvement ou bien ils risquent de reproduire le succès d'un autre (Kanter, 1984).

En citant Kantrow (1986), Chandler déclare: " la base du programme d'enseignement de la Harvard Business School est depuis toujours l'étude de cas, et l'étude de cas est précisément ce que l'historien pratique" . Toutefois, d'autres, comme Kirkpatrick (1987) sont en désaccord avec cette théorie et maintiennent que la méthode d'enseignement par le cas dans sa forme pure (simple discussion des cas et absence de manuels pédagogiques) ne constitue pas une bonne histoire. Les cas ne font pas l'histoire parce qu'ils sont déguisés de plusieurs façons et parce qu'ils ne fournissent ni les solutions ni les résultats. Les véritables historiques décrivent, entre autre, les valeurs sur lesquelles se sont appuyées les responsables marketing dans le passé significatif ainsi que les principes qui ont motivé leurs actions (Mises, 1969). L'étude de cas n'est que l'ensemble des données brutes de l'histoire, une masse de faits concernant une entreprise et un problème auquel peuvent être confrontés cette entreprise et son marketing. Une étude de cas est essentiellement la " matière première" à partir de laquelle débute la recherche historique. En identifiant les principes qui explicitent les évènements passés, cette recherche tente de donner un sens à une masse de données brutes, de réduire cette masse et de l'unifier en dégageant quelques variables conceptuelles maniables. L'étude des principes qui ont conduit au succès ou à l'échec dans le passé est un moyen inestimable de guider la décision en marketing aujourd'hui. La plupart des cas n'en tiennent pas compte. L'on traite les étudiants comme s'ils savaient déjà penser, comme s'ils savaient déjà réduire la masse de données brutes en des unités maniables selon des principes que l'on ne leur a pas enseignés. Le marketing management applique des principes universels à des situations concrètes. Par conséquent, il est nécessaire que les responsables marketing apprennent à distinguer les évènements concrets historiques des principes unuversels éternels. Les responsables marketing bien informés, habitués à appliquer les approches historiques, peuvent identifier les similitudes et les différences entre leur situation passée et présente. Ils sont en mesure d'identifier plus rapidement le principe qui fonctionne sur le marché aujourd'hui. Les étudiants ont besoin des études de cas -et non des cas du type méthode de cas- qui leur montrent ce qui a ou non fonctionné dans le passé, et pourquoi il en est ainsi (Hartley, 1985 et 1986). Les responsables marketing ont besoin de l'histoire pour leur enseigner comment et pourquoi ne pas faire confiance aux formules toutes faites, comment et pourquoi ne pas extrapoler aveuglément à partir du passé immédiat, et surtout, comment tolérer et manier l'incertitude et l'ambiguité (Kantrow, 1986). Les étudiants en marketing apprendront à penser quand ils rédigeront eux-mêmes des cas.

Comprendre l'histoire du marketing d'une entreprise est également nécessaire car une grande partie de cette histoire est " réécrite" tout au long du parcours. le responsable marketing individuel qui avait amorcé une stratégie nouvelle dans le passé a disparu dans le groupe collectif. Les évènements et les responsables marketing précédents ont disparu à l'arrière-plan pour laisser la place à des évènements et des responsables marketing plus récents. Les conflits ont disparu et il est dit que le consensus a toujours reigné. Dans une entreprise, la mémoire marketing ne semble guère apprécier les dissentions. Les politiques alternatives plausibles qui ont fait partie du processus historique de prise de décision se sont estompées entre temps. La décision retenue semble avoir été l'unique possibilité " évidente" . Et les politiques qui s'avèraient fragiles lors de leur conception ont disparu, se transformant en images solides. Bref, les responsables marketing doivent apprendre à comprendre ce qu'il se passe derrière et au-delà des rapports officiels. Ils doivent également apprendre à créer des modèles historiques plus proches des évènements-tels-qu'ils-se-sont-produits et non des évènements-tels-qu'ils-sont relatés-aujourd'hui.

La perception historique aide les responsables marketing à considérer les problèmes de marketing en termes de " courants temporels" , à " relier les sagesses conventionnelles du présent aux homologues du passé et aux possibilités à venir à relier les interprétations du passé à l'expérience de ceux qui les interprêtent, puis à ce qu'ils auront prescrit à relier les propositions du futur aux inhibitions du présent, elles-mêmes héritées du passé" (Neustadt, spécialiste en Administration Publique et May, historien, 1986). Cette notion de courant temporel est identique à la perspective de temps-espace émanant de l'Ecole Suédoise de Géographie Humaine de Hägerstrand (1970). Selon Hägerstrand, le temps représente la transition d'un évènement à un autre. Il décrit la transformation réelle d'une situation en une autre. Transformation (en partie) modelée par l'action humaine (Shackle, 1958). Les évènements et les activités suivent un parcours, une trajectoire à travers le temps (et l'espace). Un parcours comporte un point de départ (lieu de naissance) et un point d'arrivée (lieu d'extinction) que l'on perçoit objectivement (Thrift, 1977). Il est donc possible de retrouver les traces d'un parcours dans lçe passé et de l'intégrer dans la description des actions présentes. " Cela implique également quelque chose à propos des comportements à venir dans la mesure ou ceux qui poursuivent cette voie croient qu'elle maintiendra la même trajectoire dans l'avenir ou qu'elle changera si ceux qui l'affectent peuvent en modifier la direction " (Savitt, 1986).

Il est impératif que les responsables marketing considèrent l'avenir comme une émergence du passé et le présent comme une voie qui transporte parfois le flot, parfois le dévie mais ne peut l'arrêter. Cela peut aider à éviter de prendre des décisions marketing au jour le jour sans préoccpation pour les effets imaginables à long terme. Pour les responsables marketing, regarder en arrière, c'est regarder en avant afin d'identifier ce qu'il convient de préserver du passé et de le porter dans l'avenir. En observant autour de lui, un responsable marketing identifiera ce qui fait obstacle et ce qui est susceptible d'amener des changements de direction indésirables.

Penser en termes de courants temporels ne doit pas nécessairement entraîner un découragement vis-à-vis de l'avenir. La vision du futur d'un responsable marketing peut être réaliste si elle est basée sur une compréhension des sources de son passé. En étant réaliste et informé du point de vue historique, un responsable marketing améliorera sa façon de ressentir le degré d'effort nécessaire pour modeler l'avenir selon ses voeux ainsi que sa notion de l'importance décisive à appréhender à l'avance les obstacles réels et ce qu'il en coûtera de les supprimer. Apprendre à penser en termes de courants temporels évite également de se laisser emporter sans raison par le courant contemporain des turbulences et du changement. Cette démarche permet à un responsable marketing de se demander: " En quoi cela apporte-t-il vraiment une nouveauté?" . Penser le temps comme un courant constitue un défi important: celui de juger si le changement a eu lieu, a lieu ou aura lieu. L'on perçoit souvent un changement là ou il n'y en a pas et vice-versa. Les ordres du jour en marketing sont souvent le résultat d'une comparaison trop irréfléchie. Les médias y contribuent. Chaque jour, ils produisent des " nouvelles" , preuves du changement. Plus l'absence de changement se fait sentir, plus l'on suppose que le changement est sur le point de surgir. Même les avertis, ceux qui devraient se souvenir que le passé n'est pas bien différent du présent, tombent dans le piège.

Penser en incorporant la notion de temps semble se composer de trois éléments:

1) reconnaître que l'avenir prend son origine dans le passé, donc que le passé, à plusieurs égards, possède une valeur prophétique

2) reconnaître que, pour l'avenir, ce qui importe au présent sont les départs à partir du passé, les changements affectant cette valeur de prédiction

3) comparer sans cesse en se déplaçant du présent à l'avenir, au passé et recommencer, constamment sensibilisés vis à vis du changement éventuel et préparés à l'accepter et à y répondre.

En s'inspirant de Kumcu (1987), l'on peut dégager les bienfaits de l'analyse historique en (gestion) marketing:

1) prendre en compte les variables clés dans un contexte particulier (ceteris paribus), alors qu'autrement, l'on suppose qu'elles soient déjà données. Cela permet aux responsables marketing de comprendre quels sont effets à grande échelle que produisent les facteurs sociaux et historiques sur le comportement humain (Williamson, 1963).

2) acquérir une vision des processus de changement social qui permette de corriger les tendances an-historiques de la recherche contemporaine en marketing (Firat, 1985)

3) enraciner historiquement ces résultats afin d'en donner une perception plus claire (Lawrence, 1984)

4) permettre d'identifier et de compenser certaines des faibleses significatives des traditions analytiques actuellement utilisées (Fullerton, 1983)

5) permettre de remettre en cause la généralisation de ces résultats au fil du temps et selon les contextes culturels (Kumcu, 1985)

6) permettre de lier la pensée marketing (ainsi que celle du marketing management) à son propre passé ainsi qu'à d'autres disciplines (Savitt, 1980)

7) permettre de mieux observer la continuité et la discontinuité pour les responsables marketing qui auront appris à penser en courants temporels, à utiliser les perspectives historiques et à bien interprêter les développements historiques.

Il est temps, à présent, de définir le terme perspective historique.


QU'EST-CE-QUE LA PERSPECTIVE HISTORIQUE?

La perspective historique comprend la description, l'analyse et l'explication des évènements à travers le temps (Savitt, 1980). Elle fournit une description du changement et des moyens de compréhension du processus de changement (Savitt, 1984). Elle implique même une conscience profonde, systématique et sophistiquée du changement -ou de son absence- à travers le temps ainsi qu'une conscience des contextes de lieu, de situation et de temps dans lesquels agissent changement ou continuité (Fullerton, 1987). II serait possible d'utiliser le terme " recherche historique" pour indiquer l'étude d'un sujet au cours d'une période plus ancienne, lorsque l'on décrit et analyse le marketing à un moment de l'histoire et que l'on met en valeur la compréhension du passé (Kumcu, 1987). Par contraste, " la perspective historique" est l'étude d'un sujet à la lumière de ses phases précédentes et de son évolution postérieure (Lawrence, 1984).

C'est en s'inspirant en grande mesure de Rabb (1983), qu'en 1988, Savitt note quatre éléments dans une perspective historique:

1) la causalité doit être envisagée dans un vaste contexte qui dépasse les évènements ayant lieu plus ou moins à la même date. Cela ne signifie pas nécessairement que le temps soit la force motivante ou causale. Cela suggère plutôt que toute activité humaine est liée au temps dans un " ruban mouvant" que l'on doit prendre en compte. Cela ne signifie pas non plus qu'il faille prendre en compte tous les évènements et les effets, mais que l'on doive proposer une compréhension des circonstances qui se développent

2) hormis certains cas spécifiques, l'histoire ne doit pas uniquement traiter de la découverte et de la présentation des faits mais aussi des relations qui se tissent entre des ensembles particuliers de faits

3) le centre d'intérêt doit être la compréhension et l'explication des situations, développements, processus et effets

4) la perspective historique doit permettre de ne pas oublier de poser, reposer et reformuler des questions évidentes sur la manipulation longitudinale du marketing mix et de ses résultats ainsi que sur les processus complexes que cela implique. Tout simplement, le marketing management est un processus bien plus complexe que celui qui est expliqué dans grande partie de la littérature en marketing management (Little, 1982). Jusqu'à présent, seul un petit nombre d'études (par exemple, Savitt, 1982 Vink, 1986) a traité les questions clés ci-dessus concernant le marketing.

Il est possible d'affirmer que c'est jour après jour, routinièrement que le responsable marketing fait appel à son " expérience" , son " bon sens" et son " jugement" . En donnant explicitement une forme plus systématique à une composante importante comme " l'expérience" , les perspectives historiques en marketing management constitueront un plus pour le sens d'orientation du responsable marketing qui saura mieux ou il va et ce qu'il fait.

Quelle(s) méthode(s) peut-on utiliser?

LA PERSPECTIVE HISTORIQUE: APPROCHES METHODIQUES

Ce paragraphe introduit une gamme d'approches méthodiques possibles lorsque l'on désire utiliser la perspective historique en marketing management. Ce n'est cependant ni le moment ni le lieu de s'attendre à des conseils d'utilisation détaillés.

En ce qui concerne les méthodes historiques, la tradition s'étend des théories positivistes (par exemple, Hempel, 1959) aux théories herméneutiques (par exemple, Collingwood, 1974) à ce propos, consulter les résumés dans Firat, 1987 ainsi que Jones et Monieson, 1990). Dans le fond, " la méthode correcte pour la recherche historique" de Savitt est basée sur une méthode positiviste de recherche historique qui consiste à vérifier les hypothèses (1980, 1982 et 1984) et rechercher des relations de causalité (1988). Selon Savitt, un responsable marketing devrait procéder selon les étapes suivantes:

--> définir les expériences perceptuelles du problème --> définir ses visions du monde réel --> formuler des hypothèses et des procédures de vérification --> élaborer la recherche --> rassembler les données historiques --> vérifier les hypothèses (et isoler les similitudes et les différences, et évaluer les facteurs qui engendrent le changement (Boddewyn, 1966) ou prayiquer l'analyse statistique) --> développer la théorie explicative. A cause de la subjectivité, Savitt reconnaît qu'il est nécessaire d'expliquer les antécédents des responsables marketing impliqués.

Savitt est conscient qu'il n'existe probablement pas de domaine plus controversé en analyse historique que celui de la causalité. A cet égard, il considère qu'il est impératif d'avoir une certaine compréhension des relations de cause et effet afin d'être en mesure de prendre des décisions bénéfiques. La causalité historique est un moyen important de concevoir le marketing comme faisant partie d'un processus en marche plutôt que comme une série de points souvent sans connection il est certes plus difficile d'appréhender un processus dans sa totalité que de porter son intérêt sur une variable significative qui n'est ni située dans son contexte d'origine, ni considérée comme faisant partie d'un ou plusieurs processus en marche. En marketing, la question est la suivante: une innovation (ou, en général, une intervention) en marketing constitue-t-elle une cause ou un effet? L'étude de Smith (1976) propose aux historiens et aux responsables marketing une compréhension plus détaillée des éléments de la causalité historique.

La méthode de Kumcu, identique à celle de Savitt, s'intéresse aux causes probables, à la vérification des hypothèses et à la validité relative des lois (1987).

Toutefois Firat (1987) conclut que l'explication et la compréhension de l'histoire du marketing exigent l'interprétation et la réflexion d'une approche herméneutique. Et c'est exactement ce que fait Fullerton (1987). Son approche s'inspire de l'Ecole Historique (historicisme) introduite à l'origine en Allemagne, vers la fin du XIXème siècle, qui voit la réalité dominée par le changement. Mandelbaum (1967), définit l'historicisme comme " la croyance selon laquelle pour acquérir une compréhension de la nature de toute chose et une évaluation adéquate de sa valeur, il faille considérer cette chose selon la place qu'elle occupait et le rôle qu'elle jouait dans un processus de développement" . L'historicisme considère que " les phénomènes (Potenzen) sont sans cesse en flux" et que les consructions analytiques telles que l'équilibre sont " un non-sens bizarre et erroné" (Fullerton, 1987). Les phénomène marketing sont également toujours sujets à un changement imprévisible. De nombreux changements de marketing différents fonctionnant à des rythmes différents peuvent coexister simultanément (voir également Braudel, 1984). Selon la philosophie de l'apprroche historique,

2) les chercheurs en histoire ont tendance à voir et à rechercher la complexité, à confondre parcimonie et le simple traitement d'un petit nombre de variables (Stone, 1981) et à assimiler les résultats de l'approche historique à des résultats " riches" (Fullerton, 1987).

3) les historiens décrivent l'histoire telle qu'elle a vraiment eu lieu.

4) les chercheurs en histoire contemporains tentent non seulement de déterminer ce qui est arrivé et comment, mais aussi pourquoi.

Devant l'impossibilité de faire usage de l'expérimentation contrôlée, les méthodes se sont élaborées sur la base de comparaisons avec des situations analogues. De telles explications probabilistes sont préférables au fait d'écarter ou d'omettre les nombreux domaines du comportement que l'on ne peut interprêter par le biais de l'expérimentation contrôlée. Fullerton (1987) remarque que " les responsables marketing oscillent entre l'expérimentation ou le babillage de gourou sans fondement (" les gens veulent des trous, pas des pièces de foreuse" - les gens veulent des résultats, pas des outils) et ne proposent pas grand chose à mi chemin entre ces deux extrêmes."

L'approche historique de Fullerton, basée sur la philosophie précédement citée, est constituée de cinq ensembles d'idees:

1) doute systématique afin d'élaborer le compte-rendu le plus fidèle possible

2) usage flexible des outils d'analyse qui inclut l'herméneutique et l'analyse impressionniste

3) utilisation de sources multiples de données afin de révéler la richesse et l'unicité du panorama historique

4) synthèse créative et critique de ce qui s'est produit avec interprétation du pourquoi et de sa signification

5) description du changemznt au fil du temps sous forme narrative

La méthode historique proposée par Neustadt, spécialiste en adminstration publique et May, historien (1986) est une méthode pragmatique qui combine les éléments de Savitt et ceux de Fullerton. Les points essentiels de leur approche du type " courant temporel" sont les suivants:

1) accorder son attention à la situation et non à la question " Que faut-il faire?" (la plupart des praticiens procèdent souvent de cette manière)

2) identifier les analogies du passé justes (ou fausses)

imaginer des récits répondant aux questions " quand" et " quoi" en puisant aussi loin en arrière dans l'histoire que cela sera opportun (raccourcir l'histoire sans justification peut constituer un grave risque)

falsifier les lignes de conduite favorites qui seraient injustifiées

3) formuler l'avenir désiré (afin de remettre les choses en l'état ou elles se trouvaient auparavant ou d'amener, pour l'avenir, un nouvel état des choses plus satisfaisant)

Examiner les réalités passées indique les limitations des possibilités futures et permet de reconnaître ce qui peut être difficile à réaliser et ce qui l'est moins, et à quel coût. Cela rend également plus facile la compréhension de l'étape qui succède logiquement:

4) ce qui a eu lieu dans le passé peut avoir lieu dans l'avenir et ce qui a échoué naguère peut à nouveau échouer. " Que pouvons-nous faire à présent?" amène la question de la factibilité. " Les jugements de faisabilité jugent l'avenir en tant que produit du passé affecté par les suppositions concernant le présent" (Neustadt et May, 1986). Ce jeu entre l'avenir, le passé et le présent est un exercice important. Un fois que l'on a détecté la faisabilité des options, une nouvelle question surgit:

5) quelles prévisions vis à vis des causes et des effets rendent certaines options préférables à d'autres?

Les responsables marketing doivent établir les chances que les prévisions ont d'aboutir et inclure une explication des perceptions de tous les responsables marketing reconnus.

6) avant de se décider pour une option et durant sa mise en place, explorer les suppositions concernant les historiques personnels (cultures) des responsables marketing et de l'organisation marketing de leur entreprise dont la réussite dépend en grande partie de leur soutien.

Prendre en compte les évènements et les circonstances historiques qui ont modelé le caractère et la perspective de l'organisation marketing et de son personnel est ce que Neustadt et May appellent le " positionnement" .

Largement dans la lignée de Fullerton, Nevett (1991) fait un nombre d'observations supplémentaires utiles. Il remarque, entre autre, qu'une caractéristique importante de la méthode historique est la réconciliation des différentes preuves disponibles. Non seulement l'historien a besoin de comprendre et d'évaluer les témoignages mais il doit également les utiliser pour faire une reconstruction imaginative de ce qui a vraiment eu lieu " pas simplement établir les faits mais les relier entre eux" , Vietor, cité par Kantrow (1986). Et comme l'investigation historique doit souvent travailler avec des preuves et des concepts qui ne peuvent être mesurés, le langage historique est différent afin de pouvoir s'adapter à des entités non mesurables tout en permettant des nuances de signification subtiles et extrèmement précises (Handlin, 1979). De plus, l'historien n'est pas censé produire des affirmations que l'expérimentation peut falsifier l'historien doit juger. Quelqu'en soit leur subjectivité, la nature de ces faits n'est, en général, pas bien différente et certainement pas inférieure aux faits soit disant objectifs que l'on trouve en marketing management traditionnel. Ces faits supposés objectifs sont également pour la plupart des interprétations, des croyances et des suppositions. Appliquer les méthodes historiques, c'est prendre en quelque sorte conscience d'agir de manière interprétative. En outre, dans les approches historiques, il faudrait s'immerger dans les sujets étudiés (" einfühlen" , Marvick, 1971) afin d'approfondir la compréhension, de se protéger des anachronismes et des " gaffes" culturelles et, lorsque les preuves manifestes font défaut, de procéder avec intuition tout en étant capable de penser et de ressentir comme l'aurait fait les gens à l'époque. Et l'intuition, la perception, ne sont-elles pas des qualités " qui distinguent le cadre authentique des centaines de milliers de dirigeants?" (Harper, 1988). En m'inspirant de Nevett, je ferais une dernière remarque. Prévoir une connaissance du passé demeure essentiel, même si l'histoire ne se répête pas, même si les analogies significatives du passé n'existent pas toujours, même si le fait d'apprendre par l'histoire peut avoir des effets possibles sur l'action humaine. " Quand quelque chose a lieu la seconde fois, la réaction à ce fait peut différer de la première fois" (Katona, 1974). L'analyse impressionniste qui capte l'humeur et les sentiments aidera le responsable marketing à faire des prédictions raisonnables et fournira des conseils qui lui permettront de prendre des décisions (Nevett, 1991).

Enfin, il me paraît opportun d'emprunter un nouveau paradigme totalement différent qui applique une approche du type théorie-en-cours-d'utilisation pour élaborer des théories marketing (Zaltman, LeMasters et Heffring, 1982 Heffring, 1985). Il est surprenant que, jusqu'à présent, cette approche n'ait pas reçu l'attention que, d'après moi, elle mérite. Cela dit, leur approche contient, entre autre, un nombre d'éléments qui peuvent être intéressants pour rendre opérationnelles les perspectives historiques en marketing management, même si les auteurs ne recherchaient pas ce but.

Zaltman, LeMasters et Heffring identifient certaines des raisons principales qui empêchent la mise en pratique des théories marketing. Les raisons: de nombreuses théories en marketing management augmentent l'incertitude du dirigeant, fournissent des réponses complexes aux problèmes marketing, se concentrent sur la formulation du problème et non sur sa résolution et ne remettent jamais en cause la signification sociale qui sous-tend les concepts de théorie marketing. A ce sujet, Holzner et Marx (1979) préconisent l'usage des " tests de vérité" , c'est-à-dire le fait de vérifier jusqu'à quel point un concept marketing sera politiquement supportable aux yeux des patrons et des collègues, s'il valide une ligne de conduite marketing déjà pratiquée, s'il rehausse la position et l'estime de soi d'un dirigeant et lui permet d'atteindre ses buts bref, de quelle manière il concorde avec un certain nombre d'expériences. Zaltman, LeMasters et Heffring exposent une méthodologie permettant à un dirigeant qui réussit d'identifier sa théorie sous-jacente. Ils adaptent cette théorie et la transmettent à des dirigeants moins chanceux ou peu expérimentés afin de leur permettre d'élaborer leurs propres théories-en-cours-d'utilisation fructueuses.

Selon ces trois auteurs, une théorie-en-cours-d'utilisation est " le plan-carte personnel que les dirigeants élaborent d'après leur environnement marketing ce plan-carte les guide et leur sert de base pour les décisions de marketing" . Leur but principal est d'identifier les théories-en-cours-d'utilisation des dirigeants marketing qui réussissent et, grâce à une approche inductive et déductive, d'y puiser les principes significatifs qu'ils utilisent, d'élaborer leur plan-carte personnel et de le transmettre aux autres. Cependant, en ce qui concerne l'utilisation des perspectives historiques en marketing management, il n'y a pas que les dirigeants marketing doués qui m'intéressent en principe mais bien tous les dirigeants marketing dans leur ensemble. Les perspectives historiques peuvent être utiles pour évaluer les théories-en-cours-d'utilisation (et les pratiques) de tous les dirigeants marketing, ceux qui réussissent et ce qui réussissent moins.

Dans cet article, il n'est pas opportun de se plonger dans la méthodologie de Zaltman et de ses confrères qui démontre la manière de conceptualiser une théorie-en-cours-d'utilisation qui produit de bons résultats et la manière de la transmettre d'un " détenteur-de-théorie" qui a fait ses preuves à un " utilisateur-de-théorie" potentiel. Il suffit de dire que leur prémisse explicite de base est que les dirigeants pensent et agissent en termes de " si-alors" et accumulent des connaissances grâce à l'interaction de l'expérience, de la réflection et de l'expérimentation (une autre forme d'expérience). Le savoir est personnel, basé sur une expérience orientée vers l'action le savoir est influencé interactivement et s'organise (souvent inconsciemment) selon un " plan-carte" qui guide les décisions futures. Zaltman et ses confrères remarquent que les " détenteurs" de théories-en-cours-d'utilisation ont des difficultés à verbaliser leurs théories, à dépasser le stade de l'observation et de la réflection et que l'intuition et " les tripes" restent une partie intégrante de leurs " plans-cartes" . Cela concorde avec Kolb (1974) qui conclut que de nombreux dirigeants ont tendance à se fier essentiellement à l'expérience concrète et à l'expérimentation active pour apprendre comment fonctionne le marché (et l'environnement interne de l'entreprise, NJV). Comme des dirigeants différents adoptent souvent des styles différents dans le but d'élaborer leur " plan-carte" et peuvent se trouver à des niveaux différents de développement des connaissances en ce qui concerne leur " plan-carte" , un dirigeant peut examiner les pratiques marketing au niveau de l'information, d'autres peuvent y ajouter la compréhension, d'autres encore y ajouter l'expérience et développer jugement et bon sens commun, tandis que d'autres peuvent y ajouter des valeurs plus générales et y incorporer les contextes sociaux. Certains dirigeants peuvent avoir un " plan-carte" plus complet et plus approfondi que d'autres. Ils peuvent également se trouver à différentes stades du développement de la connaissance. L'on note souvent que la réussite est liée à des théories-en-cours-d'utilisation relativement simplistes et apparemment sous-développées, que le succès est moins dû à la capacité qu'au zèle. Ce qui signifie qu'outre les connaissances, l'on doive considérer la composante qui motive le comportement d'un dirigeant.

Tout au long de l'approche de Zaltman et de ses confrères, brille l'importante signification de " l'expérience" . Puisque le développement de l'expérience marketing d'un dirigeant et de son organisation est pratiquement un phénomène historique de courant temporel, il est tout à fait utile d'appliquer une perspective historique en marketing management. Cela permet d'expliciter et d'évaluer la culture marketing organisationnelle et l'expérience en vue d'améliorer la prise de décision en marketing management et aussi en vue de gérer le marketing (par exemple, Vink, 1986).

Après avoir expliqué que les perspectives et les techniques historiques possèdent de la validité pour le marketing management et peuvent utilement compléter la méthode scientifique, il s'agit de traiter brièvement une ultime question: Comment intégrer " les perspectives historiques" au Programme de Marketing Management?

COMMENT AJOUTER LA PERSPECTIVE HISTORIQUE AUX PROGRAMMES D'ENSEIGNEMENT DU MARKETING?

La diffusion chez autrui d'une nouvelle manière de penser et de procéder dépend principalement des " agents du changement" . Le sociologue français Cochoy travaille actuellement sur une thèse de doctorat dans laquelle le développement historique du marketing en général et de la nouvelle sous-discipline d'histoire du marketing émergeant aux Etats-Unis est supposé découler exclusivement des efforts des analystes qui créent les tendances. Cet article s'achèvera en proposant quelques suggestions sur la façon dont il est possible d'incorporer " la perspective historique" au Programme de marketing management.

En rédigeant de nouveaux manuels ou en révisant les anciens, les analystes de marketing devraient, entre autre, réviser d'un oeil critique l'attention qu'ils ont jusqu'à présent accordée à l'histoire et à la perspective historique (par exemple, en ce qui concerne le Mythe de l'Ere de Production/Ventes/Marketing). Ils devraient s'intéresser explicitement à la nature historique de nombreux concepts marketing et ajouter un chapitre sur les méthodes d'études historiques. Les écoles doivent mêler " les cas avec antécédents et évolution" à leurs programmes d'études de cas. Les étudiants doivent apprendre à rédiger des mini-cas avec antécédents et évolution par eux-mêmes.

Les cours de troisième cycle universitaire en marketing management et en management des ressources humaines en marketing devraient incorporer l'apprentissage de " la perspective historique" dans leur programme. Les approches de perspective historique doivent être plus amplement diffusées dans les publications professionnelles ainsi qu'au cours des séminaires et des conférences. A cette fin, les professeurs qui comprennent les principes dont il s'agit et qui possèdent l'expérience dans le moyen de les appliquer, mais dont la formation première reste le marketing pourraient enseigner les bases de l'analyse appliquée de perspective historique. Ce cours d'introduction doit faire partie du programme obligatoire, situé dans les tous premiers trimestres des études. Il peut être concentré, focalisé et succint (par exemple, des sessions de 7 cours). Les étudiants auront les moyens de la perspective historique à leur disposition pour aborder ensuite les problèmes professionnels de marketing management bien plus intéressants des cours suivants (facultatifs). Les programmes d'enseignement ne peuvent certes pas obliger les étudiants à incorporer la perspective historique dans les actions de leur future carrière. Cependant, ils peuvent amener les étudiants à comprendre pourquoi l'application de la perspective historique est souvent une bonne chose et comment y procéder. Et enfin, la recherche universitaire devrait ajouter des projets de nature perspective historique dans ses programmes d'enseignement, même au niveau du doctorat.

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