Le secret de l’instruction et de la présomption d’innocence. Les mots qui font de la relation police-justice-journalistes un jeu compliqué sont donc lâchés. Deux principes régulièrement contournés par des protagonistes qui trouvent leur compte dans cette partie d’échecs aux règles de séduction très explicites.
« Je ne suis pas dupe du fait que dans ma relation avec mes sources, il y a un rapport de séduction qui est essentiel. Il représente plus de 50% de la relation », explique Hervé Gattégno, journaliste à la cellule « Investigations » du Point. « On joue la comédie, on prend du plaisir. C’est une chose formidable que d’être face à face avec un type dont on sait qu’il détient une information qu’on voudrait avoir et d’essayer par tous les chemins possibles d’arriver à le convaincre de vous en donner un bout, puis un deuxième, puis tout. C’est jubilatoire, même lorsque l’on échoue. C’est le sel de ce métier, surtout lorsque l’on sait qu’on est nombreux à courir après cette information » [1].
Au plus près des dossiers sensibles depuis plus de quinze ans, Gérard Davet, journaliste au Monde, insiste sur l’importance du respect que doit le journaliste à son informateur. Surtout s’il veut se placer aux premières loges d’une enquête, et être le premier informé d’une exclusivité dont il pourra faire profiter son journal.
« Magistrats et policiers n’aiment pas lorsqu’une information qui devait rester secrète sort. Souvent, ils te la donnent mais ajoutent qu’il ne faut pas qu’elle soit rendue publique », explique-t-il. « C’est à nous de ne pas trahir cette confiance. Le problème, quand tu es trop ami avec un enquêteur, c’est qu’il te raconte tout. Le plus souvent, tu ne peux rien écrire et c’est frustrant. Dans les grandes affaires, on se débrouille toujours pour sortir quand même l’information. Mais dans la mesure du possible, nous respectons la parole de notre source » [2].
Pour le journaliste, la marge est étroite. Sans confiance, pas d’information, et sans information, pas de scoop. « Un journaliste ne peut pas se griller auprès d’un policier ou d’un magistrat, sinon il est mort », analyse Dominique Martin, ancien chef de groupe de la Brigade Financière de Grenoble [3].
Lire ou relire sur Bakchich.info l’épisode précédent du blog de Benoit Pavan :
Voir aussi le blog professionnel de Benoit Pavan : http://benoitpavan.wordpress.com/
[1] Propos recueillis le 16 mai 2008 par téléphone.
[2] Propos recueillis le 9 avril 2008 à Paris, dans les locaux du Monde.
[3] Propos recueillis le 28 mars 2008 à Grenoble.