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Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit

Pressions des annonceurs

3 février 2010 à 01h06
Rappel : simple outil du journalisme ou spécialité de quelques journalistes ? Le débat qui entoure la définition du journalisme d’investigation divise la profession. Important par son histoire, ses méthodes, et son impact sur la société, il reste peu pratiqué au sein des rédactions. Décryptage des aspects qui font de l’investigation un genre journalistique à part. Et une espèce en voie de disparition.

S’ils font peur aux patrons de titres, les menaces de procès rebutent également les annonceurs, surtout lorsqu’ils sont visés par le contenu de l’article. Pour le journal, la sanction est immédiate : soit l’information compromettante est étouffée, censurée, et le journal peut compter sur l’annonceur pour remplir les caisses en échange d’espaces publicitaires. Soit des poursuites judiciaires sont engagées à l’encontre du journal, qui doit prouver la bonne foi de son enquête pour s’en sortir sans dommages. « La crainte des procès est un véritable frein. Beaucoup de rédactions sont timorées parce qu’ils coûtent cher et créent des troubles autour des titres », détaille Vincent Nouzille [1], journaliste indépendant et ex-collaborateur du site d’informations satiriques Bakchich. « Au niveau de la formulation, de l’écriture des sujets, et de la vérification des informations, l’investigation exige des critères de travail qui sont extrêmement professionnels pour éviter le coût une condamnation. Dans le cas contraire, vous devez apporter la preuve de l’intérêt public du sujet, l’absence d’animosité personnelle contre la personne sur laquelle vous avez écrit et le caractère sérieux de l’enquête. Si ces éléments sont réunis, vous passez. C’est la question, au fond, des standards de qualité de l’enquête ».

Pour les journalistes, plier devant le pouvoir d’un annonceur révèle la santé médiocre d’une presse de moins en moins indépendante des entreprises qui ont les moyens financiers de la faire vivre. Selon notre sondage, le mot « indépendance » est d’ailleurs le premier cité par les journalistes pour définir le journalisme d’investigation (voir Figure 7). « Le problème, ce sont en effet les liaisons politiques et publicitaires qu’entretiennent les directions de journaux. Il leur sera difficile d’enquêter le jour où une affaire qui implique un annonceur éclate. Le fait que le Canard n’ait pas de publicité compte beaucoup. Nous n’avons aucune pression économique », explique Claude Angeli [2]. « Les pressions de nature commerciale ont un effet fortement dissuasif : le journalisme d’investigation exige du temps et des ressources humaines et financières substantielles, ce qui est difficile à concilier avec la réalisation des bénéfices prévus et la maîtrise des coûts de production », ajoute Silvio Waisborg [3].

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Contrairement aux idées reçues, les journalistes font peu remarquer que le nombre accru de médias détenus par un seul propriétaire « sape la vigueur nécessaire au journalisme d’enquête » (voir Figure 6) . Pourtant, placés à la tête des journaux les plus achetés du pays, ces magnats de la presse utilisent les pages de leurs publications pour porter leurs exploits commerciaux à la connaissance du public. Et font attention à ce que les informations diffusées ne soient pas compromettantes pour leurs partenaires. « Rares sont les patrons de presse qui prennent des risques », conclut Karl Laske [4]. « Les plans sociaux font qu’il y a moins de moyens humains et financiers. C’est à la fois conjoncturel, lié aux départs massifs des reporters ou enquêteurs qui, même s’ils restent dans les rédactions, font autre chose. Toute la partie institutionnelle est aujourd’hui traitée avec beaucoup moins de pertinence ».

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Épisode 6/8

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Le sondage :

L’outil permettant l’enquête d’opinion est un questionnaire qualitatif réalisé à l’aide du site en ligne Sharing-data, spécialisé dans la création de questionnaires ou d’enquêtes sur internet.

Il a été envoyé à 1100 adresses électroniques de journalistes recrutés dans des fichiers de contacts de journalistes en exercice, du Club de la Presse de Lyon, du fichier Rhône du Syndicat National des Journalistes (SNJ), et de divers annuaires consultables sur internet.

Pour obtenir un taux de réponses de 10% (soit 110 répondants), il a été nécessaire d’effectuer cinq relances. Les données ont été analysées par Nicolas Pinsault, Unité Mixte de Recherche CNRS Université Joseph Fourier UMR 5525, Grenoble.

Le genre et le statut des journalistes ayant répondu ont été comparés avec les données datant du 2 janvier 2008, présentées par la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP).

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Lire ou relire sur Bakchich.info l’épisode précédent du blog de Benoit Pavan :

Rappel : simple outil du journalisme ou spécialité de quelques journalistes ? Le débat qui entoure la définition du journalisme d’investigation divise la profession. Important par son histoire, ses méthodes, et son impact sur la société, il reste peu (…)

Voir aussi le blog professionnel de Benoit Pavan : http://benoitpavan.wordpress.com/

« Spin doctors » Prétexte économique

Notes

[1] Propos recueillis le 21 avril 2008 à Paris.

[2] Propos recueillis le 16 avril 2008 à Paris, dans les locaux du Canard Enchaîné.

[3] Waisbord, Silvio, Le journalisme d’investigation est nécessaire aux démocraties, Les médias et la déontologie, Dossiers mondiaux – Revue électronique, Département d’État des États-Unis – Bureau des programmes d’information internationale, Avril 2001.

[4] Propos recueillis le 29 avril 2008 à Paris, dans les locaux de Libération.