Krach 40
Ma gorge est depuis quelques jours pilonnée par une angine, qui en plus de donner à mes amygdales un petit air de maison du Grand Schtroumpf, me fatigue à la moindre contrariété.
C’est donc doux que sera ce billet, léger comme un cœur amoureux, vaporeux comme l’écrin d’un secret parfum offert à une gente dame. Dame Lagarde, née Lallouette, me voilà !
Souvenez-vous, c’était en 2007 : le CAC 40 défouraillait à plus de 6000 points et au ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi se pointait, la fleur du petit fusil : Christine.
J’ai tout de suite compris que c’était la femme de la situation. Ancienne avocate, comme le boss, j’ai surveillé ses apparitions, écouté ses interventions — j’ai même appris par cœur les plus beaux passages — que je vous livre maintenant…
le 17 août 2007 — CAC 40 à 5363 pts : "L’économie française repose sur des fondamentaux qui sont solides […] Je ne conçois pas aujourd’hui de contamination à l’économie mondiale" — et perfectionniste, elle dira le même jour : "Ce n’est pas un krach".
le 5 novembre 2007 — CAC 40 à 5684 pts : "La crise de l’immobilier et la crise financière ne semblent pas avoir d’effet sur l’économie réelle américaine. Il n’y a pas de raisons de penser qu’on aura un effet sur l’économie réelle française" — le nuage de Tchernobyl, tout pareil…
le 18 décembre 2007 — CAC 40 à 5509 pts : "Nous aurons certainement des effets collatéraux, à mon sens mesurés. [Il est] largement excessif de conclure que nous sommes à la veille d’une grande crise économique". Et du nez avec ça ! Quelle femme…
le 22 janvier 2008, CAC 40 à 4842 pts à propos du krach : "Il faut éviter les mots spectres, les mots angoisse comme ça" — C’est vrai ! Dorénavant, on n’a qu’à dire choubidou au lieu de krach, c’est plus facile, moins anxiogène.
le 10 février 2008, CAC 40 à 4709 pts : "Nous ne prévoyons pas de récession dans le cas de l’Europe" — rien, que dalle. Si c’était prévu, on en aurait parlé au ministère, on aurait préparé un agenda avec un plan d’attaque et tout le tintouin, vous pensez bien !
le 11 février 2008, CAC 40 à 4682 : "Si les États-Unis devaient éviter la récession, leur croissance sera toutefois très faible. L’Europe sera elle aussi touchée". Notez le changement de discours — dans la nuit… quelqu’un lui aura dit que ça sentait le roussi.
le 26 mars 2008, CAC 40 à 4676 : "L’environnement international est difficile […] La volatilité actuelle des taux de change et le niveau du dollar sont un risque pour notre croissance". Ah oui, parce qu’à ce moment-là, on ne parlait encore de croissance ! C’est ensuite qu’on a commencé à différencier la positive et la négative…
le 15 septembre 2008, CAC 40 à 4168 : "L’ensemble des autorités bancaires, le Trésor, les banques centrales se sont concertées pendant plusieurs jours, les mécanismes sont en place, il n’y a pas panique à bord". Ne cédons pas à la panique, sinon il pourrait bien y avoir un choubidou…
le 16 septembre 2008, CAC 40 à 4087 : "[La crise aura] des effets sur l’emploi et sur le chômage [pour l’heure] ni avérés ni chiffrables". Pourtant quand on observe les chiffres, on voit que ça augmente justement au T3 et T4 — pas vu, pas pris !
Vous me direz, rétrospectivement, c’est facile. Mais à l’époque, ce n’était pas difficile du tout d’anticiper une augmentation du chômage, compte tenu de l’ambiance économique.
Ce n’était pas difficile non plus de prévoir — pour les gens du milieu — qu’une méga crise se préparait au Etats-Unis qui allait nous mettre une grosse raclée, qui ferait mal longtemps.
Cette année-là, le CAC 40 perdait de mémoire 42,8%… mais toujours rien madame la marquise, et au 9 mars 2009 : le CAC 40 cotait à 2500 et quelques points !
Alors de deux choses l’une : ou bien Madame Lagarde porte la poisse au CAC 40… après tout c’est depuis qu’elle est ministre que tout va mal — ou bien je n’ai rien compris à ses fonctions.
Comment peut-on accumuler autant de mensonges et venir s’afficher devant les médias, le peuple, pour y déverser la même soupe, sans rougir ?
J’ai l’impression que la classe politique compte sur le fait que le peuple a la mémoire courte… ou bien qu’il est bête… et qu’on peut lui dire n’importe quoi tant qu’on garde le sourire.
Ou bien… oui, ça y est ! J’ai compris ce qu’il faut entendre dans tout cela : "retenez l’inverse de ce que je viens de dire" ! Il s’agit en fait d’un code — pour berner… les actionnaires ?
Si c’est cela, je suis rassuré…
Mais de grâce Dame Lagarde… faite un signe dans ces cas-là ! Un petit clin d’œil… un gratte-gratte sur le lobe de l’oreille… un bâillement… pour que l’on comprenne que :
OUI vous mentez… mais que c’est pour berner les autres… les méchants spéculateurs… ET NON, vous ne nous prenez pas pour des truffes, parce que, au fond, vous avez une dignité.
Comme ça, nous autres petits actifs — ou pas, ou plus — qui vous regardons à la télé ou qui vous lisons dans la presse, on évite de se casser les cotes de rire — ou de pleur.
Et encore, je ne parle même pas de tous ceux qui éteignent leur journal et ferment leur télé — tous ces Français que vous avez transformés en zazous de la citoyenneté ! Pourquoi iraient-ils voter ?
En tout cas, la crise — aussi persistante que Christine dans la contre-vérité — tient bon le cap !
Depuis, nous avons eu le plan de relance mondial de 2 000 milliards de dollars… pour sauver les banques, puis le plan de stabilisation à 750 milliards d’euros… pour sauver les États.
Injecter des liquidités dans le système n’a eu qu’un seul effet : mettre la main dans un engrenage : celui du marché… et les États n’ont rien à faire là-dedans !
Ils sont même contre-productifs pour le marché. Ils court-circuitent les cycles "naturels" de la Finance — tout en enfonçant le peuple.
Mais quand on a une posture, on la tient jusqu’au bout. On ne lâche rien. Même si depuis 30 ans le marché dicte ses lois, que la classe politique n’a plus qu’un pouvoir d’apparat…
Droit dans ses bottes, on ne fait pas dans son propre navire, c’est comme ça — et tant pis pour les millions de personnes qui rament derrière.
le 20 mai 2010 — CAC 40 à 3432 — EUR/USD à 1,2383 :
"Je ne crois absolument pas que l’euro soit en danger. L’euro est une devise solide, crédible qui a assuré la stabilité de la zone pendant plus de dix ans".
Sauve qui peut !