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L'investigation, une "alliance de circonstance"

6 avril 2010 à 11h06
Témoin privilégié de la période faste du journalisme d’investigation en France, Jean-Marie Pontaut, chef du service Investigation de l’hebdomadaire L’Express, analyse l’émergence du genre.

« Pendant très longtemps, il y a eu en France une grande tradition de journalisme de fait-divers. L’investigation a débuté sous le gaullisme. Il régnait à cette époque un poids politique énorme où la liberté de la presse était plus faible. Il y avait une presse d’opposition politique très violente, sur la guerre d’Algérie par exemple, mais qui n’était pas une presse des « affaires ». L’Express était censuré, interdit. Il y a avait un journalisme de combat qui était un journalisme idéologique.

Le journalisme d’investigation basé sur les dérapages du pouvoir a commencé avec Jacques Derogy et l’affaire Ben Barka . Puis les affaires se sont enchaînées sous Pompidou et Giscard : les écoutes du Canard, l’affaire des diamants. A ce moment là, le journalisme de gauche, et en particulier Le Canard Enchaîné , est devenu une arme politique. Mais c’est sous Mitterrand qu’est apparu un véritable journalisme d’opposition, notamment via Le Monde , qui a fait une partie de sa réputation sur l’affaire Greenpeace . La pratique du pouvoir de Mitterrand avait ses zones d’ombre très importantes, avec une conception particulière de certaines affaires policières. Il a mis en place des systèmes para-démocratiques comme la "Cellule de l’Elysée".

Je pense qu’une évolution du journalisme français aurait eu lieu de toute façon. L’affaire du Watergate , qui a vu le journalisme faire démissionner le président des états-Unis, ne nous a pas échappée, mais nous n’avons jamais emboîté le pas pour suivre cet effet de mode. Cette évolution de la presse française a fait changer pas mal de choses. Le pouvoir de la presse a rejoint le pouvoir des juges. Les juges étaient un peu dans la situation des journalistes : ils étaient marginalisés, et se sont appuyés sur la presse pour avancer, car il n’y avait pas de loi sur le financement politique en France. Il y a eu les juges Bruyère, Van Ruymbeke, Eva Joly. Tous ont aidé, avec l’aide des journalistes, à régulariser et épurer le système démocratique. C’est une évolution interne à la France. » [1]

(Photo : Benoit Pavan).

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Lire ou relire sur Bakchich.info l’épisode précédent du blog de Benoit Pavan :

Mai 68 a-t-il été l’événement fondateur d’un journalisme de combat, plus agressif, moins conciliant avec une classe politique corrompue et la cause d’une période de turbulence pour la classe politique dans les années 80 et 90 ? Les sociologues qui se (…)

Voir aussi le blog professionnel de Benoit Pavan : http://benoitpavan.wordpress.com/

En quête d’émotions Sous les pavés, un journalisme de combat

Notes

[1] Propos recueillis le 29 avril 2008 à Paris, dans les locaux du journal.