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Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit

En quête d'émotions

14 avril 2010 à 11h55
Plus que tout autre genre journalistique, l’investigation procure son lot de sensations fortes. Quatre enquêteurs racontent leurs plus grands moments au contact de l’enquête.

- Claude Angeli, rédacteur en chef du Canard Enchaîné.

« Ma plus belle joie a été l’affaire des micros au Canard. On les découvre par hasard en passant devant. Huit jours après, on sort les noms. Ce fut un coup de pot extraordinaire. Je connaissais une relation d’un membre de la DST, qui m’a informé une nuit, à trois heures du matin. J’ai pu vérifier. Cela a été un événement formidable de pouvoir dire que c’était la DST qui, pour découvrir nos informateurs, avait placé des micros. Vingt ans après, j’ai rencontré les « plombiers » qui avaient placé les micros. Ce qui me plaît dans l’investigation, c’est la chasse. On ne chasse pas pour tuer, mais on chasse pour savoir. Savoir : voilà ce qui est plaisant. Nous sommes des chasseurs d’information. » [1]

- Gérard Davet, journaliste au quotidien Le Monde.

« Clearstream fut un scoop comme on en sort tous les dix ans. Nous avons passé des nuits à retranscrire des documents que nous avions obtenus le jour même. C’était très excitant parce que nous avions eu du mal à nous les procurer. Nous faisions vaciller le pouvoir en place, qui nous rendait coup pour coup. C’était passionnant. » [2]

- Jean-Marie Pontaut, chef du service « Investigation » de l’hebdomadaire L’Express.

« Ce qui est formidable dans l’investigation, c’est la variété et la chaleur de l’événement. Vous êtes constamment au pic de l’actualité et vous passez au cour de choses complètement différentes. C’est un journalisme fatigant car vous êtes sur la brèche, au fait des affaires. La concurrence est considérable aujourd’hui, avec des équipes très au point. Le jeu est donc devenu moins excitant qu’avant. Il y a des journalistes qui aiment l’enquête, la chasse, le terrain, le contact avec les gens, C’est un domaine qui nécessite des qualités particulières et qui suscite un plaisir particulier. Avant, il y avait les grands reporters, des journalistes qui faisaient tout, et qui avaient une image de marque. C’était des vedettes. Aujourd’hui, la presse s’est beaucoup spécialisée. » [3]

- Vincent Nouzille, journaliste indépendant, auteur de plusieurs ouvrages d’investigation, et ex-collaborateur du site d’information Bakchich.

« Quand vous êtes sur la piste, que vous sentez une info, c’est excitant. Avec l’expérience, vous développez un flair qui vous permet de sentir les grosses affaires. Ce flair est parfois trompeur. L’énorme information n’est parfois qu’une information mineure. L’excitation vous vient plus de cette adrénaline que vous commencez à sentir. Lorsque les éléments que vous avez amassés bâtissent une histoire qui n’est pas exactement l’officielle, alors vous ressentez l’excitation d’avoir déniché un lièvre, dévoilé une partie de la vérité. Lever le voile, c’est toujours plaisant. » [4]

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Lire ou relire sur Bakchich.info l’épisode précédent du blog de Benoit Pavan :

Témoin privilégié de la période faste du journalisme d’investigation en France, Jean-Marie Pontaut, chef du service Investigation de l’hebdomadaire L’Express, analyse l’émergence du genre.

Voir aussi le blog professionnel de Benoit Pavan : http://benoitpavan.wordpress.com/

Police, justice, Presse… un jeu de dupes au coeur des « affaires » L’investigation, une

Notes

[1] Propos recueillis le 16 avril 2008 à Paris, dans les locaux du journal.

[2] Propos recueillis le 9 avril 2008 à Paris.

[3] Propos recueillis le 29 avril 2008 à Paris, dans les locaux du journal.

[4] Propos recueillis le 21 avril 2008 à Paris.