Traiter publiquement de menteur l’auteur d’une enquête accablante est un argument un peu court mais qui peut avoir de l’effet sur l’opinion. Il peut introduire un doute le temps que le livre soit relégué aux oubliettes… Mais il vaut mieux disposer d’éléments plus convaincants qu’une simple injure, surtout quand l’auteur visé n’est pas vraiment du genre à plier devant les dirigeants d’une organisation, aussi impressionnantes soient leurs rodomontades. C’est l’expérience que va faire Michel Doneddu, trésorier de la CGT, devant les magistrats de la célèbre 17ème chambre correctionnelle du Palais de justice de Paris, face à Jean-Luc Touly et son avocat Me William Bourdon qui l’attaquent en diffamation…
Coauteur avec Chistophe Mongermont et moi-même du livre L’argent noir des syndicats [1], le militant Jean-Luc Touly demandera au trésorier national de la CGT d’apporter la preuve du propos diffamatoire qu’il a tenu, lors de l’émission Pièce à conviction, présentée par Elise Lucet, sur France 3, le 23 mai 2008. le trésorier s’était en effet défendu contre le livre en accusant Jean-Luc Touly d’être "un menteur" et même "un falsificateur", notamment en niant que ce dernier fût à la CGT. Le propos était particulièrement inadapté puisqu’à la même époque, Jean-Luc Touly représentait la CGT au conseil de Prud’hommes de Créteil, et que les apports de notre enquête, en plein scandale de l’UIMM, appellent des réponses un peu plus éclairantes…
De nombreux journalistes et observateurs ont déjà fait savoir qu’ils assisteront à ce procès dont l’audience est prévue à 13 heures, ce mardi 6 janvier 2009. On y croisera sans doute aussi quelques émissaires des grandes entreprises et de fins limiers de l’investigation financière car ce procès pourrait se révéler très instructif dans le cadre d’autres procédures en cours. Surtout à la veille du procès qui opposera, le 19 janvier, Laurence Parisot aux anciens patrons du Medef l’ayant publiquement accusée d’avoir été au courant des "fluidifications des rapports sociaux" par le patronat avant l’explosion du scandale…
Le procès du 6 janvier concerne tous ceux qui refusent que l’injure remplace les vrais débats et la transparence. Il intéressera aussi ceux qui veulent encore croire aujourd’hui au syndicalisme, et restent prêts à se battre pour défendre les acquis sociaux face aux maîtres de l’argent.
[1] paru en 2008 chez Fayard