Affaire UIMM
"L’enquête n’avance pas vite" entend-on ici et là. Les observateurs qui reprennent ce leitmotiv craignent que le temps joue, au final, pour un classement du dossier.
On peut les comprendre, mais il est encore vraiment trop tôt pour désespérer de la justice dans cette affaire. D’ailleurs, on a vu cent fois des investigations conduites à la hâte, dont le gouvernement se félicite aussitôt, suivies quelques mois plus tard de révisions et de mea culpa préparant plus sûrement une neutralisation des dossiers.
Pour l’heure, le juge Roger Le Loire ne donne pas l’impression de s’être endormi et franchement l’air de vouloir se faire oublier…
Le faisceau de présomptions sur les fluidités visant des syndicats s’est encore enrichi avec la découverte de versements à la CFTC et les dépositions de Jacques Gagliardi, ex responsable de l’organisation patronale, indiquant comment l’UIMM fournissait des "munitions" à un représentant du patronat afin qu’il calme des syndicalistes et des politiques. De même, une nouvelle piste à ce sujet vient de s’ouvrir avec les éléments apportés par l’ancien délégué général de l’UIMM Dominique de Calan, confirmant des enveloppes versées à des syndicalistes universitaires.
Sur le parachute doré de Denis Gautier-Sauvagnac (DGS), pactole soupçonné d’avoir été négocié en échange de son silence (notamment 1,5 millions d’euros et 300.000 euros d’indemnité « pour mise à la retraite obligatoire »), le juge n’a pas non plus montré qu’il travaillait avec des moufles. Le 16 octobre 2008, il a mis en examen l’UIMM en tant que personne morale, pour "subornation de témoin", après l’audition de son représentant, le nouveau président de la fédération de la métallurgie, Frédéric Saint-Geours (ancien directeur général de Peugeot). Rappelons que les conditions de départ de DGS avaient été négociées par Michel de Virville (secrétaire général de Renault) et Philippe Darmayan (vice-président exécutif d’ArcelorMittal), lesquels ont été mis en examen à la même date. De surcroît, un avenant à ce contrat avait été signé au lendemain de l’élection de Saint-Geours, par lequel l’UIMM prendrait en charge les sanctions fiscales (8 millions d’euros) liées à une possible condamnation de DGS.
Je ne reviens pas sur les nombreuses personnalités mises en examen avant le mois d’octobre (voir les articles précédents sur le blog), ni sur toutes celles qui ont été entendues comme témoins depuis le début de l’affaire (le plus récent est Ernest-Antoine Seillière, auditionné le 11 novembre 2008, qui a affirmé tout ignorer des pratiques de l’UIMM).
Autre aspect du dossier : Laurence Parisot poursuivant en diffamation l’ancien président de l’UIMM, Daniel Dewavrin, qui a soutenu qu’elle était au courant des pratiques de DGS avant que le scandale explose dans la presse à la rentrée 2007. Le procès, qui doit se dérouler le 19 janvier 2009, verra DGS et Arnaud Leenhardt (ancien dirigeant de l’UIMM) venir apporter leur témoignage. Il serait étonnant que Daniel Dewavrin leur ait demandé de venir témoigner s’ils ne sont pas prêts à apporter des éléments favorables à sa version. Reste à savoir jusqu’où ils laisseront emporter face à la présidente du Medef qui semble peu résignée à laisser dire qu’elle savait…
Mais tout ça ne doit nous décourager. Bien au contraire. Cette affaire est l’occasion de retrouver le chemin du syndicalisme de lutte et de coordination, à l’heure où tout le monde devrait être dans la rue.
Roger Lenglet