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L'investigation et le "super fait-divers"

3 septembre 2010 à 14h56
Qu’est-ce que l’investigation journalistique ? Comment a-t-elle évolué, comment s’exerce-t-elle à l’heure actuelle et quel est son avenir ? Neuf journalistes qui ont mis les pieds dans le grand bain de l’enquête nous éclairent sur ce genre à part du journalisme (Épisode 2/7).

HERVE GATTEGNO – Journaliste à l’hebdomadaire Le Point. Ancien chef du service politique du Monde, il a publié de nombreuses enquêtes sur les pouvoirs.

« Je fais une distinction claire entre le journalisme d’investigation répondant à la définition générale de l’investigation, qui est un anglicisme, et ce qu’on appelle les journalistes d’investigation en France. Sont abusivement appelés ainsi les journalistes qui traitent depuis une vingtaine d’années une rubrique qui est celle de la couverture des affaires, des scandales, et des « super » faits-divers. Ce sont des journalistes qui essaient d’avoir des exclusivités sur les enquêtes en cours, qu’elles soient de police, de justice, ou de gendarmerie, et parfois, par extension, des services de renseignements. C’est une spécificité française.

Dans les autres pays, on n’appelle pas « investigative journalism » les gens qui suivent les enquêtes du procureur sur l’implication de tel homme politique. L’investigation, ce n’est pas loin d’être le contraire du suivi de l’actualité judiciaire. Faire de l’investigation, c’est être en amont ou en parallèle de ce que fait la justice. C’est retrouver un protagoniste que la justice n’a pas réussi à retrouver, c’est retrouver des éléments qui démontrent quelque chose qui est hors procédure judiciaire. Ce sont des exemples qui vont à rebrousse-poil du stéréotype du journaliste d’investigation qui voit des sources mystérieuses dans des parkings pour faire chuter le gouvernement. L’investigation, ce n’est pas forcément le Watergate.

En 20 ans, je ne n’ai pu réellement m’investir sur un sujet que quatre ou cinq fois. Faire plusieurs déplacements au même endroit, pour un même sujet, c’est un luxe inouï que l’on ne peut que très rarement se permettre dans les journaux. C’est déjà le signe que l’on fait une enquête, que l’on est dans une démarche d’investigation. Je fais donc une différence essentielle entre une rubrique qu’en France on a appelée, par convenance, « Investigation » et la méthode journalistique qui consiste à pratiquer réellement le journalisme d’investigation. Les deux choses sont très différentes. » [1]

(Photo : D.R.).

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Lire ou relire sur Bakchich.info l’épisode précédent du blog de Benoit Pavan :

Qu’est-ce que l’investigation journalistique ? Comment a-t-elle évolué, comment s’exerce-t-elle à l’heure actuelle et quel est son avenir ? Neuf journalistes qui ont mis les pieds dans le grand bain de l’enquête nous éclairent sur ce genre à part du (…)

Voir aussi le blog professionnel de Benoit Pavan : http://benoitpavan.wordpress.com/

Auxiliaires de justice L’enquête, « un genre qui s’enseigne »

Notes

[1] Propos recueillis le 16 mai 2008 par téléphone.