Je n’ai rien d’un adolescent ou d’une adolescente ayant jeté son dévolu sur une star car « il était beau comme Mike Brandt ». Bien sûr, il y avait ses exploits sportifs, leur esthétique, cette forme de bonté qui se dégageait de lui, son sourire irradiant, sa manière de parler, son accent marseillais. Mais est-ce suffisant pour réaliser qu’on connaît une personne, qu’on en est vraiment amoureux au point de vouloir lier son destin avec elle ?
Je ne déteste pas que le ballon de football soit animé et que ce soit une projection de ma personne, un double non pas réifié de moi-même mais un objet vivant ayant une âme et ses états (traductibles par des pulsions magnétiques), une sorte d’ovni, moitié chose-moitié esprit qui corresponde à ma personne.
Ce qui nous amène à un sujet sensible, un peu sulfureux, où dans le fil de nos conversations et aux réactions d’émerveillement devant la beauté et l’aura de certains joueurs – essentiellement Africains –, nous envisagions d’avoir des ébats à plusieurs. Il m’assura que ça ne lui déplairait pas de me voir entouré(e) de plusieurs partenaires. Je lui demandais si ça l’excitait, il me confirma que oui et mon sexe se mit en érection alors que moi-même, je n’étais pas vraiment chaud. Du haut de ma vie plutôt dissolue, je sentais un rapport à la libido qui n’était plus volcanique. Il m’assura une fois encore que c’était lui qui m’envoyait du flux sanguin dans mon sexe, ce que je trouvais drôle et pas très rassurant car je réalisais qu’il pouvait avoir un certain pouvoir de vie et de mort sur ma personne.
J’étais très insatisfait d’être dans cette impossibilité provisoire de se rencontrer, faire connaissance, prendre du temps, rigoler, discuter, se raconter, boire et pourquoi par fumer un pétard pour faire les idiots. Je trouvais ça dégradant qu’on impose un lent travail de rapprochement, une séparation, une communication réduite à un jeu fastidieux de lettres d’alphabet, de certains objets-symboles, de validations d’hypothèses par les lettres a et o, ce jeu de devinettes, la question devant se transformer en affirmation qui devait se confirmer ensuite par cette procédure magnétique. C’était assez déshumanisant dans la perte de logos naturel ou surhumain comme deux tétraplégiques cherchant à se parler.
Je sais que le Joueur, étant dans les hautes sphères sportives, médiatiques, économiques et donc politiques, avait sa carte à jouer. Il fallait rendre marrons tous ceux qui ont essayé de contrarier notre rencontre pour des raisons de cupidité ou de pouvoir (politique, culturel, sportif et tutti quanti). Il fallait être judoka, utiliser leurs forces et leurs mouvements pour les mettre à terre, les pousser à l’erreur, les décourager, leur faire réaliser que notre lien de langage cosmique était béton et que nous entrions aussi dans une zone de plaisir sensuels, d’érotisme illimité et d’extase qui nous faisaient voyager très loin. Ce serait une guerre d’usure.
Ils savent que nous avons le pouvoir de créer des richesses naturelles et des nouvelles technologies, de nourrir et de dépolluer la planète, de faire couler de l’or, comme par miracle, aux pieds de tous ceux qui vivent avec moins d’un dollar par jour – ce qui donne de l’urticaire à plus d’un –, d’installer une économie harmonieuse où l’abondance sera pour chacun et une civilisation nouvelle changera sans doute notre rapport au besoin, où la frustration n’existera plus, substituée par le plaisir de la sensualité, de goûter aux plaisirs des cuisines du monde tout comme à l’infini de la création.
Et que se passe-t-il aujourd’hui ? Personne n’est capable de trouver 46 milliards de dollars pour régler le problème de la faim dans le monde alors que les Etats-Unis ont dépensé plus de mille milliards pour sauver des banques qui agissent aujourd’hui selon les mêmes règles, avec le même cynisme qui a conduit à la crise financière mondiale.
Le sommet des chefs d’Etats de Copenhague a démontré une irresponsabilité pathologique à refuser d’instituer une gouvernance mondiale capable de faire baisser le réchauffement de la planète. Dans dix ans, le méthane de la Sibérie va se libérer des glaces et déclencher une machine infernale propre à défigurer le visage de la terre. Personne ne réfléchit encore sur le phénomène des dizaines, voire de centaines de millions de réfugiés climatiques qui vont apparaître.
Les dirigeants n’ont jamais poussé aussi loin l’ingénierie de la communication au risque de n’être que des annonceurs d’action plutôt que de véritables acteurs politiques, ce qui éteint tout espoir sur l’efficacité politique et laisse le champ totalement libre au nouvel ordre marchand.
On notera d’ailleurs qu’ils en sont des complices actifs, des suppôts voire les bénéficiaires de prises illégales d’intérêts. Les multinationales qui pillent l’Afrique laissent filer leurs bénéfices dans des paradis fiscaux au lieu de payer des impôts dans les pays où elles sont installées, ce qui condamnent à mort le développement de ces derniers. Comme par hasard, le G20 ne s’est attaqué qu’aux paradis fiscaux pour les particuliers, pas pour les multinationales…
Les économistes les plus rigoureux voient une seconde crise financière venir puisque ni les banques, ni les gouvernements n’ont voulu corriger les mécanismes immoraux qui ont conduit à la première. Surveillons de près la situation de la Grèce ou de l’Espagne et l’on verra si la banqueroute va être une partie de plaisir pour l’économie mondiale…
Ceux qui sont aux affaires ont refusé notre rapprochement entre le Joueur et moi. Nous serions le début et l’incarnation du cosmos. Nous pourrions corriger les erreurs, soigner les stigmates, apaiser, soulager, guérir, sans aimer le pouvoir, en étant des vecteurs de l’énergie et de la richesse cosmique à toute l’humanité simplement… en jouant au football, débarrassé de ses miasmes mercantiles. Le jeu ne serait pas l’opium du peuple mais un faiseur de miracles. Je sais que c’est fou, je hais le messianisme mais quand je sens le pouvoir magnétique s’emparer de tout mon corps et conditionner ma vie et mon regard sur les couleurs blanches et les brillances de la lumière pour m’asséner que ce sera bientôt la paix, je commence à croire qu’un jour, il se commettra des choses extraordinaires sans que quiconque en tire une gloire, une puissance, un pouvoir qui rappellerait trop notre misère.