Sciences
Je suis toujours émerveillé par ces gens qui réussissent à faire quelque chose de leur passage sur Terre. Ces gens qui parviennent, le temps que la vie dure, à mobiliser leur énergie – malgré les hauts et les bas – et deviennent spécialistes d’un objet qui leur sera à jamais associé…
Evidemment, dit comme cela, ça peut porter à confusion.
Je veux parler de quelque chose qui ne coule pas de source… qui ne soit pas le résultat d’une addition comptable : je ne parle pas de la réforme des retraites par exemple.
Entre parenthèses, j’en fais le pari : OUI on se souviendra que Mitterrand a porté la retraite à 60 ans et NON on ne se souviendra pas qu’Eric Woerth l’a prolongée.
Tout simplement parce que la première décision est politique, la seconde économique. Mitterrand faisait partie de cette génération d’hommes d’Etat qui pouvait encore faire plier la réalité sous une idée. Quelques décennies plus tard, sarkozy-woerth-lagarde-borloo, pilotent en comptables.
Bref, je voulais vous parler aujourd’hui de la mort d’un vrai monsieur, un beau, un digne — j’ai nommé Benoit Mandelbrot, inventeur des fractales, décédé le 14 octobre dernier.
Vous savez, les fractales, ce sont ces objets en forme de spirales aux couleurs psychédéliques ! Bon… eh bien c’est Mandelbrot, qui a passé sa vie à les étudier et à en tirer diverses applications.
Je voudrais vraiment profiter de l’occasion, puisque je parle de Mandelbrot pour mettre en lumière le décalage violent qu’il y a entre « l’être » et « le faire » dans les cercles opérants, tels que le politique, l’économique, le scientifique, l’artistique, le religieux, etc. — je m’explique.
D’un côté, vous avez une classe de pantins qui ont au mieux un diplôme de haut fonctionnaire, au pire une équivalence en droit, et qui passent leur journée à travailler les palabres de la désinformation, à cacher les manipulations, à farder leur impuissance politique par des dogmes viriles.
D’un autre côté vous avez des scientifiques, comme Mandelbrot. D’une humilité saisissante, d’une pugnacité qui n’a d’équivalent que la persévérance de Woerth dans le mensonge. Lui aussi, Mandelbrot, a eu sa traversée du désert. Pensez donc, le milieu universitaire n’est pas de tout repos.
Alors voilà, j’ai envie de tirer mon chapeau à cet homme.
Parce que c’est un de ces génies qui travaillent dans l’ombre, pour améliorer notre compréhension des phénomènes naturels. Les fractales s’inspirent des phénomènes de répétition de structure, comme dans le choux-fleur, fougères, certains coquillages, nos poumons, les flocons de neige, etc.
Un objet est fractal quand le tout a une structure identique à chacune de ses parties : c’est le concept d’autosimilarité. Mais de cette définition, Mandelbrot le dit lui-même avec beaucoup d’humour : ce concept ne sert pas à grand-chose.
Ce qui est intéressant, c’est de modéliser le phénomène, d’y insérer des données telles que le hasard, et de voir ce qu’il se passe. L’arborisation des champs d’application qui découlent de sa découverte est hallucinante…
On les utilise en astronomie…biologie… géologie… paléontologie… morphologie… médecine… météorologie… vulcanologie… et j’en passe !
Ce qui est assez fantastique avec ce concept, c’est qu’il ne permet pas de modéliser la réalité. Mais il permet tout de même de modéliser un cas particulier de la nature.
Prenez un nuage modélisé par un ordinateur en fonction de données mathématiques fractales, vous ne pourrez pas faire la différence avec un vrai nuage. Pourtant, la nature intègre dans sa matrice infiniment plus de hasard… et nous ne sommes pas encore près de la modéliser dans son ensemble.
Cela pousse à l’humilité, à nouveau. Je vous recommande chaleureusement de découvrir les vidéos et articles qui traitent des fractales. Vous découvrirez l’une des plus belles découvertes de ces dernières décennies – et qui plus est, qui est pour une large part accessible au non initiés !
Voilà mon bien modeste hommage aux travaux de Benoît Mandelbrot. Espérons que nos jeunes cerveaux aient encore des bureaux… des labos… et des équipes de recherches pour poursuivre son œuvre. Souhaitons que les coupes franches dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la recherche ne nous privent pas de ces précieux enseignements. Souhaitons qu’un sursaut de lucidité rappelle à la classe dirigeante que la France peut briller, à défaut de sa politique, par son intelligentsia.