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Lavis Noir : les épisodes 49 et 50 de notre feuilleton de l’été

Roman / dimanche 10 août 2008 par Briscard, SP. Truptin
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Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau des auteurs à « Bakchich », et de « Bakchich » à ses lecteurs. Aujourd’hui les épisodes 49 et 50.

49. Le crocodile

Episode 49, Le crocodile - JPG - 44.3 ko
Episode 49, Le crocodile
© SP Truptin

Miche la Gratouille gisait dans une mare de sang derrière Notre Dame de Clignancourt, au moment même où Loïc Lekervelec, l’infâme, envisageait sans scrupule sa liquidation. Mais alors qu’il sortait du métro Barbes Toussaint l’Haïtien l’aborda : - Alors Barbouille, comme ça on cause des Antilles et des antillais à la police de la métropole ?… On raconte les couteaux à Toussaint ?…

- Hé, mais merde, Toussaint, qu’est-ce que tu déconnes !… Qu’est-ce qui s’passe ?…

Le guadeloupéen avait saisi Lekervelec par le bras et l’entraînait fermement sur le Rochechouart, en direction de Pigalle.

- Il se passe, Barbouille, que j’aime pas trop qu’on aille raconter ma vie sous les cocotiers à des uniformes. Voilà ce qui s’passe… Alors, comme je sais peut-être pas tout ce que tu as raconté, tu vas me faire une petite retournette, juste pour moi, pour que je me rende compte si je dois te couper la langue ou juste un bout de sein, comme à mes putes…

- Mais ça va pas, Toussaint ! Arrête tes conneries ! Qu’est-ce que tu veux que j’aie dit d’autre que j’voulais juste acheter ta navaja… Merde, arrête, tu fais mal !…

Toussaint, visiblement enschnouffé jusqu’à la moelle, avait les yeux injectés de sang et il accentuait sa pression sur le bras de Loïc, qui se voyait beaucoup mal barré. Ils continuèrent un bout sur le boulevard, au milieu de la foule picarée et bigarresque, vieilles algériennes de la Goutte d’Or en quête de slips Tati pour leurs harkis décatis, petits marlous décavés en quête de poches gonflées, putes perchées talons-nylon en quête de bites thunées bonbon, doudous embouboutées et cul saillant en quête de wax hollandais et chatoyant, blondes minijupées et bottes lamées en quête de Travolta patte d’éph’ et veste cintrée, autonomes ex-GARI tendance NAPAP fusion AGPA en quête d’un squat ML tendance nanar, concierges permanentées orange et blouse à fleurs en quête de fausses claquettes du Docteur Scholl, joueurs de bonneteau et barons aux aguets en quête de gogos en goguette, touristes allemands rouges hébétés en quête de leur car égaré…

Loïc essayait de se fondre dans cette humanité grouillante et vibrionnante, mais il la sentait s’éloigner, peu à peu, inexorablement… Le bruit de la vie autour de lui devenait de moins en moins audible, le brouhaha se fit murmure puis le murmure soupir. La mort le tenait par le bras, serré fort, et l’emmenait loin de la foule qui s’agitait dans un incompréhensible silence. Il voulut hurler, mais son cri resta au fond de sa gorge… et d’ailleurs, ouvrit-il seulement la bouche ?…

- Alors là, Patron, il te cherche la querelle, le Nègre Fou ?… Dis Nègre Fou, pourquoi tu tiens Massé Loïc, comme ça, par le bras, collé serré ?…

C’était Omar, de service devant le Pigall’s Folies, qui interpellait Toussaint… L’antillais lâcha aussitôt Loïc, et éclata de son putain de rire plein de dents :

- Tu rigoles, Omar ! Barbouille c’est mon copain… Je voulais juste lui montrer un truc, là…

Toussaint montra vaguement une direction qui pouvait aussi bien être le métro Anvers ou la ligne bleue des Vosges, et décida qu’il allait voir le truc en question tout seul. A nouveau, le géant congolais était intervenu, tel un génie bienfaisant, dans le destin lekervelien. Loïc, d’une voix blanche, balbutia :

- Omar, m’a sauver… encore… tu es la chance, Omar, tu es Ma Chance…

- Je sais pas Patron, je sais pas… Peut-être tu as eu un bon maraboutage… Mais fais attention à Nègre Fou… Ce type, là, il est plus mauvais qu’un mamba noir et plus rancunier qu’un phaco. Alors fais attention. Parce que tu sais, l’homme qui se baigne dans le fleuve fait sourire le crocodile….

50. Les anémones

Episode 50, Les anémones - JPG - 35.1 ko
Episode 50, Les anémones
© SP Truptin

Loïc appuya sur le bouton de la sonnette qui ne sonna pas. Il entreprit alors de frapper à la porte, quelques coups discrets, d’abord, puis, devant l’inefficacité de la manœuvre, il tapa plus franchement, en s’aidant de la jolie chevalière tête de mort, qu’il avait chaussée pour l’occasion. Parce que, l’occasion, elle méritait un peu la frime et l’apparat… Il s’était dit comme ça que, vu la tournure que prenaient les évènements, avec Toussaint au cul, valait mieux qu’il se mette au frais un moment. Comme il voulait pas quitter Paris sans essayer de récupérer de la thune à Lulu, il lui fallait une planque à peu près sûre, si possible dans l’coin, mais pas trop près d’la place Clichy, pour cause de Nègre Fou ! Alors, après avoir bien fait le tour de ses relations de confiance, il n’avait trouvé qu’une soluce à son problème : Josy. Ce gros saligaud de Lekervelec repartait à la reconquête de Josy, sans souci de la redondance ni de l’inconvenance.

Et voilà pourquoi Loïc Lekervelec, immonde ignoble et infâme, se tenait debout, toute honte bue, devant la porte du petit deux pièces à Josy, rue du Roi d’Alger, un bouquet d’anémones à la main. Josy - pauvre agnelle - lui avait dit un jour que ses fleurs préférées, c’étaient les anémones. En réalité les fleurs préférées de Josy, c’étaient les lys odoriférants, mais elle savait que c’était beaucoup trop cher pour Loïc, alors elle avait dit les anémones, parce que les anémones c’est quand même joli et c’est plus abordable. Pour autant, tout le temps qu’avait duré leur liaison, jamais Loïc ne lui avait offert de fleurs, ni anémones, ni lys, ni quoi que ce fût qui eut pu ressembler, de près ou de loin, à une fleur ! Le seul cadeau qu’elle se rappelait avoir reçu, de celui qu’elle n’appelait plus désormais que Lekervémerde, c’était une bague qu’il avait gagné au Big Bingo, la loterie pourrie qui s’installait l’hiver, boulevard Rochechouart, entre le Texas Tir et le Choc Car, et qu’il lui avait offert, un jour au Nord Sud, comme venant du comptoir Joffrin, rue Hermel. Josy - pauvre agnelle - l’avait cru et avait été se cacher dans les caczingues du bistro, pour pleurer de bonheur.

Loïc l’Antipathique frappa à nouveau, impatient, sur la porte écaillée du modeste logis à Josy ; à l’intérieur il entendait l’eau couler dans l’évier et des bruits étouffés : Josy ne l’avait peut-être pas entendu ou alors elle ne voulait peut-être pas répondre… Ou peut-être était-elle en train de se laver, nue, comme il l’avait souvent vue faire, dans la misérable bassine en tôle, qui lui tenait lieu de salle de bain et de lave linge. Mais il ne s’attendrit pourtant pas, à l’évocation de la scène, car, décidemment, il se trouvait vraiment l’air con, sur ce palier de merde, avec son p’tit bouquet à la main, et il commençait déjà à regretter cet achat somptuaire dont, en plus, il n’était même pas sûr qu’il puisse lui permettre de retrouver les faveurs de Josy.

Alors qu’il commençait à s’énerver et s’apprêtait à filer de coups de latte dans la porte, un vacarme infernal se fit entendre à travers la porte, puis des geignements et des ahanements : à tous les coups Josy s’envoyait en l’air avec un happy suppléant ! Loïc, sans vergogne, pensa « putain, la salope ». Et c’est d’ailleurs exactement ce que gueula le mec qui était à l’intérieur quand il s’extirpa à l’extérieur, en fracassant la lourde, avec un schlass de bonnes dimensions planté dans le bras. Quant à Josy elle n’était pas tout à fait nue puisqu’elle avait une culotte Dim et les seins couverts de sang. Elle tituba en direction de Loïc qui put juste ralentir sa chute sur le lino gris. Il put ainsi constater que sa gorge n’était pas complètement ouverte, puisque sa tête ne se décolla pas. Allongée, Josy regardait Loïc :

- C’est gentil d’être venu… Oh elles sont belles, tes fleurs… J’adore les anémones… (à suivre…)

Pour lire ou relire les derniers épisodes du roman :

Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau (…)
« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour (…)
« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour (…)
Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau (…)

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1 MESSAGES

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  • Lavis Noir : les épisodes 49 et 50 de notre feuilleton de l’été
    le lundi 11 août 2008 à 20:02
    Je sais, c’était prévisible et il y avait même un indice dès les premiers épisodes…Mais Noooooooonnnnnnnnn pas Josy-pauvre agnelle- !!!
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