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Lavis Noir : les épisodes 43 et 44 de notre feuilleton de l’été

Roman / jeudi 7 août 2008 par Briscard, SP. Truptin
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« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour un feuilleton. Et c’est aussi une galerie de personnages - Miche la Gratouille, Toussaint l’Haïtien, Fabio le Calabrais…- qui vous feront vibrer tout au long de l’été. Aujourd’hui, les épisodes 43 et 44 .

43. Loin

Episode 43, Loin - JPG - 27.9 ko
Episode 43, Loin
© SP Truptin

L’homme, sur la photo, c’était Lulu.

Loïc fit mine d’hésiter, sembla se crisper et devint tout rouge. Le petit laps de temps qu’il s’était ainsi donné lui permit de formuler la réponse la moins idiote, sinon la plus intelligente :

- Ça m’dit quelque chose, effectivement… Et l’bistro, là oui, j’reconnais vu qu’c’est là que bosse ma copine, à mi-temps… le P’tit Bat’, rue des Haies dans l’vingtième… J’ai du l’croiser en allant la chercher, p’têt bien… Mais quand à dire qui c’est, alors…

- Ben j’vais t’le dire qui c’est… C’est Lulu Hortec, un manouche malfaisant, qui a une filière afghane exclusive sur Paris. Et d’après les stups, la daube à ton pote Vladimir Sobanski, ben elle vient tout droit de cette filière. Alors, forcément, comme il y a eu crime, et qu’Héloïse Grandchemin était aussi cliente de Sobanski, on va un peu s’intéresser à Monsieur Hortec.

Vladimir Sobanski et Héloïse Grandchemin… au moins Loïc Lekervelec aurait appris quelque chose sur ses contemporains ! Dommage qu’il n’aurait probablement plus souvent l’occasion de causer à Vladimir Sobanski, et plus jamais celle de niquer Héloïse Grandchemin !

- Mais Lulu Hortec, Lekervelec, c’est du gros gibier, pas du faisan d’élevage ! Alors si jamais tu devais avoir affaire à lui, pour une raison ou une autre, tâche de trouver moyen à l’éviter…

- Vous pensez, inspecteur, ça risque pas ! Vous savez, en dehors du milieu artistique, je fréquente pas…

- Ah ouais ?… Parce que Toussaint, c’est un artiste peut-être ?… Avec une douzaine de putes qui tapinent entre Barbes et La Chapelle, un réseau de revente de ganja, où sont mouillés tous les antillais d’Clichy… Tiens, à propos, jamais tu lui as acheté son herbe, à Toussaint ?

- Mais non, j’vous jure… Moi Toussaint j’l’ai vu juste pour sa navaja de collection qu’il m’avait montré, un jour, au P’tit Poucet, vous savez, le bar qui fait l’angle, Place Clichy….

- Oui, c’est bon, ça va, je connais la chanson et je connais aussi le Petit Poucet… Remarque je te dis ça, mais j’m’en fous de chez qui t’achète tes pétards… Simplement fais quand même gaffe : Toussaint il est peut-être encore plus dangereux qu’Hortec… Tu sais comment ils l’appellent ses potes Guadeloupéens ?… Nègre Fou, ils l’ont baptisé. C’est gentil, non ?…

Loïc connaissait la réputation de déglingue de Toussaint, mais ce qualificatif le fit rétrospectivement frissonner… Se souvenir de ne plus voir Toussaint. Jamais. Garrin reprit :

- Tiens, au fait, pendant qu’on évoque les relayeurs de navaja, on a reçu Micheline Ditard, ce matin… Elle a confirmé l’histoire que tu nous a balancée… Elle nous a même parlé du lavis que la môme Grandchemin lui avait confié, avant de se faire repasser… Tu nous avais pas dit qu’elle l’avait récupéré, hein ?…

- Ben vous m’avez interrogé sur le couteau, alors forcément, j’ai pas pensé à vous parler de Miche et du lavis …

- Ouais… enfin de toutes manières, c’est pas ça qui est important… Non, c’qui est drôle, c’est qu’on a encore découvert un truc rigolo tout plein… Tu sais à qui elle l’a refourgué, le Van Dongen, ta copine Miche ?…

- Ben, non, pourquoi ?…

- Oh pour rien ! Juste qu’elle a demandé conseil au plus grand pilleur de tronc de France : Fabio Néra, un putain de calabrais, mauvais comme un scorpion psychopathe et sournois comme chacal anglican, et qui s’est mis dans la tête de piquer tous les trésors de toutes les églises de France et du Brabant. Elle a des amis de choix, la Gratouille, non ?…

Loïc songeait, non sans fierté, que, bientôt, grâce à lui, tous ses amis, Toussaint, Lulu, Miche, Fabio… seraient invités au Grand Bal de la Police. Il était temps de partir. Loin.

44. Zé lé toue

Episode 44, Zé lé toue - JPG - 18.9 ko
Episode 44, Zé lé toue
© SP Truptin

A sa sortie de la Maison Poulaga, Lekervelec prit plein de bonnes résolutions. Petit un, il allait jouer franc jeu avec Lulu et Fabio. Mieux valait leur manger le morceau complet, quitte à perdre le vrai Van Dongen, plutôt que la vie, en continuant à jouer au con avec de vrais malfrats dangereux. Petit deux, il allait envisager de mettre du mou dans la corde à nœuds de ses relations avec Josy. La gamine ne le faisait plus bander depuis un petit moment, depuis très précisément ce moment où il avait sauvagement convoité Elo. Du coup il la trouvait boulet grave, souvent et beaucoup. En plus elle n’avait plus une thune dispo, alors… Petit trois, enfin, il allait voir à se retirer un moment au vert, dans sa Bretagne natale, histoire de se faire oublier, de se requinquer et de se mettre à peindre sérieux. Loïc avait raison de vouloir prendre sa destinée en mains. Sauf que sa destinée, elle était déjà en mains. Mais pas les siennes.

Pour Fabio, par exemple, et bien sa destinée, à Loïc, elle était déjà toute tracée : le rital voulait lui causer, et il lui causa. Fabio lui fit passer un message sans ambiguïté, via Josy : « Tou lui dit que zé veux lé voir chez moi, domani… Capito ?… ». Josy - pauvre agnelle - s’acquitta de sa mission d’autant plus volontiers que ce gros pourri de Loïc, venait de lui faire part de son largage d’amarres ; il lui fut plaisant de penser que Fabio, vu le côté comminatoire de sa requête, allait être désagréable avec celui que désormais, au fond de son cœur, elle ne désignait plus que par Lekervémerde ; car Josy, qui avait mal pris le plaquage sournois de Loïc, avait mal à l’amour. Pauvre agnelle.

Comme Josy lui avait très soigneusement rapporté les propos, et le ton, de Fabio, Loïc Lekervelec décida que son libre arbitre lui imposait de se rendre à la convoc’ du calabrais. Aussi, le lendemain de la demande en question, il sonnait ding dong à une porte sur laquelle une plaque dorée, de bonnes dimensions, indiquait : « FabioNéra - Art & Religion - Achat, Vente & Expertise ». La personne qui ouvrit la porte n’était peut-être pas experte en religion, mais par contre elle avait dû obtenir son diplôme de poufiasse avec mention très très vulgos et main au cul du jury.

C’était une vraie brune toute blonde, la racine faisant foi, sobrement vêtue d’un chemisier fuchsia, malheureusement trop petit de deux tailles, puisqu’ aussi bien ses seins jouaient « coucou c’est nous »sous l’œil mouillé de Loïc, d’une jupe noire Ralatouf, beaucoup moins large que son ceinturon de cuir, et de Stilettos Mirna Gold de douze centimètres, dont la bride dorée qui tenait son pied laissait apparaître des ongles peints dans un rouge Ferrari, qui signait la citoyenneté de la dame. Bref, de la poule de luxe ! Elle fit entrer Lekervelec dans un salon un peu plus grand que la place de la Concorde, et Loïc, tout ému du slip, balbutia :

- Euh… J’ai rendez-vous avec Monsieur Néra…

- Fabio ! C’è qualcuno per te ! hurla la dame, en tirant sur sa jupe histoire de cacher pudiquement sa culotte noire dentelée de rouge. Fabio se pointa, enveloppé dans une veste d’intérieur en satin rouge, bordée de noir, probablement pour s’assortir à la culotte de Madame, portée avec assurance sur un pantalon de lin blanc qui tombait impeccablement sur des mules en cuir blanc. Loïc, qui était facilement impressionnable, ne put s’empêcher de penser que « merde, quand même, ces ritals, putain, ils ont la classe, merde ». Fabio s’adressa à la radasse :

- Vai alla cucina, Gina ! Zé à causer avec mon ami Loïc… Tou vas bene, Loïc ?…

Gina sortit de la pièce en roulant du cul ; Fabio arborait un sourire franc comme celui d’un vendeur de bagnoles d’occasion :

- Elle est bella, hein, ma Gina ? Tou la régardes comme oune moine concoupiscent, hein ?… Ma, zé té préviens : célui qui la touche, zé lé toue. (à suivre)

Pour lire ou relire les derniers épisodes du roman :

Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau (…)
Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau (…)
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