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Lavis Noir : les épisodes 35 et 36 de notre feuilleton de l’été

Roman / lundi 4 août 2008 par Briscard, SP. Truptin
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« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour un feuilleton. Et c’est aussi une galerie de personnages - Miche la Gratouille, Toussaint l’Haïtien, Fabio le Calabrais…- qui vous feront vibrer tout au long de l’été. Aujourd’hui, les épisodes 35 et 36.

35. Tourmenté

Episode 35, Tourmenté - JPG - 32.1 ko
Episode 35, Tourmenté
© SP Truptin

En arrivant à Barbes, Loïc passa un coup d’bigo à Vlad, histoire d’envisager avec lui l’écoulement discret mais efficace des barrettes fournies par Lulu Hortec. Généralement le manouche lui faisait guère plus de dix jours de crédit, et son fond d’roulement ne permettait pas à Loïc de financer la came sur ses fonds propres. D’où l’appel à la petite distribution pour assurer la revente du chichon à Lulu : le commerce de proximité reste le vecteur cardinal du produit de qualité, et les schnouffés à Vlad appréciait sa disponibilité et ses prestations haut de gamme !

Après avoir dressé, avec le punk, un inventaire des chalands potentiels, il lui indiqua de passer le soir même prendre livraison de la marchandise, et entreprit de contacter Miche, histoire de mettre à l’épreuve son hypothèse d’une éventuelle complicité de meurtre aggravé avec sang partout et décollage têtal ! Miche, passablement irritée par la convocation de Loïc, accepta finalement de le voir à nouveau au Nord Sud, mais juste un quart d’heure, et encore »un quart d’heure de pipeuse, pas plus », tint-elle à préciser, manière de lui signifier qu’le quart d’heure ferait à peine douze minutes.

N’ayant pas trop le choix, Lekervelec accepta, et vu qu’il était bien en avance, il se rendit tranquillement à son rencard par la rue Simard. La rue Simard, à l’époque, à la fin des 70’s, c’était pas encore la rue tamoul comme maintenant… Le couscous était roi, et le tieboudienne commençait juste à montrer l’bout d’son nététou. Les parties de dominos enflammaient les arrières salles des bistrots, et les touristes d’la place du Tertre pointaient pas trop leur museau dans ces endroits bien famés, mais mal cotés… Rue Simard, à l’époque, on restait entre soi, et même Loïc, dont la silhouette efflanquée était pourtant familière aux autochtones, pouvait encore parfois passer pour un intrus. C’est pour ça que lorsqu’il aperçut, de loin, l’étranger qui s’approchait de lui à grand pas, Loïc ne put s’empêcher de penser qu’il n’était pas là par hasard. Avant même que l’homme ne l’aperçoive, Lekervelec changea de trottoir. Pour tout dire, il n’avait pas trop envie que Fabio le reconnaisse…

Fabio… putain d’merde, ça faisait deux fois en vingt quatre heures que le rital envahissait le champ cognitif à Loïc, et c’était deux fois de trop ! Mais qu’est-ce que ce foutu macaroni venait lui baver sur les glaouis jusque sur son terrain de jeu ? Par quel hasard se trouvait-il dans l’coin, où il n’avait en principe rien à foutre ?… Et c’est bien emmerdé que Loïc s’assit face à Miche, et commanda un picon bière à Gégé, qui assurait l’service sur la terrasse couverte. Bien emmerdé et tourmenté, aussi, un peu.

36. Féroce

Episode 36, Féroce - JPG - 15.9 ko
Episode 36, Féroce
© SP Truptin

- Alors, Leker’, qu’est-ce qui t’amène encore ?… T’as un retour d’affection pour ta vieille Miche ou c’est qu’tu viens à nouveau réclamer ta caution d’mes loches ?… s’enquit aimablement la Gratouille.

- Non, c’est pas ça… voilà, figure-toi que par hasard l’autre jour, comme ça, j’causais avec Toussaint l’Haïtien… tu sais l’antillais de Clichy ?…

- Oui, je vois, j’connais l’lascard, j’fais des p’tites affaires avec lui, des fois…

- Ah bon ?… T’es cliente ?

- Raconte pas d’conneries, tu veux ?… Non, juste j’lui recèle des marchandises qu’il sait pas fourguer, genre artistique tu vois…

- Ben justement, c’est à ce sujet qu’j’voulais t’causer… Comme j’lui parlais de son poignard madrilène…

Miche le coupa :

- Navaja… Une Navaja Malagueña, très probablement début 19ème… Une magnifique pièce d’acier forgé, qui t’saignerait un taureau comme tu t’enfiles ta petite : fort et profond !

Miche, loin de jouer les faux fuyants ou les ignorantes, affichait sans émoi sa parfaite connaissance de l’engin. Loïc sentait bien, à nouveau, qu’il allait se ramasser comme une bouse à la foire de Quimperlé, mais il insista, plus par acquis de conscience que par conviction :

- Oui, c’est ça, une navaja… Et il me disait, justement qu’il te l’avait vendu… parce que j’avais une relation qui aurait été intéressé…

- Tu m’étonnes Baronne, qu’elle pouvait être intéressée, ta relation ! Vu qu’un coutelas comak, ça s’trouve pas sous la jupe d’une pensionnaire du Couvent des Oiseaux ! C’est d’ailleurs bien pour ça qu’j’lui ai marchandé, au bronzé, son canif… C’était Elo qui la convoitait, sa lame… Un machin comme ça, qu’elle me disait, ça fait joli au mur, et c’est une présence rassurante pour une jeune fille seule ! Comme elle avait eu une petite rentrée inattendue, un arriéré de la SACEM y paraît, elle m’avait demandé de voir si j’pouvais pas lui arranger l’deal avec Toussaint.

Un arriéré d’la SACEM ! Tu parles ! Loïc, il voyait bien d’où il venait l’arriéré en question ! La salope avait tapé dans la caution hardi petit pour s’payer c’qui allait être l’instrument de sa propre mort ! Comme quoi bien mal acquis… Mais en attendant, ça f’sait pas trop ses affaires à Lekervelec. Non seulement il était maintenant définitivement exclu que Miche ait pu trucider la chanteuse, mais en plus il était presque certain qu’Elo avait claqué le fonds d’garantie, confondant allègrement arrhes et acompte ! Miche continua :

- Alors maintenant, si t’es pas couché sur son testament, à Elo, j’crois qu’tu peux dire à ta relation d’aller s’brosser, pour la navaja ! Remarque, t’as qu’à te brancher avec les flics pour qu’ils te donnent le pedigree des héritiers. Comme ça dès qu’ils lèvent les scellés, hop, tu leur mets l’grappin d’ssus et tu négocies le coupe-papier ! Mais dis-donc, j’pense à un truc ?…

- Oui, à quoi ?…

- On sait avec quoi elle a été décalottée, Elo ?…

- Euh, non… pas à ma connaissance…

- Parce que, si ça s’trouve, la gamine, c’est avec son coutelas, qu’elle s’est fait repasseman… ça s’rait marrant, non ?

Et Miche éclata d’un grand rire féroce. (à suivre…)

Pour lire ou relire les derniers épisodes du roman :

Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau (…)
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