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Art contemporain, Pom-pom-pi-dou !

Situation / jeudi 20 janvier par Jacques Gaillard
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Musée haut (les cœurs), musée bas (de laine). Quand Beaubourg s’offre "This Situation", une œuvre "immatérielle" contre du fric bien réel, c’est d’abord notre tête qu’il se paie.

On sait que l’art contemporain est un de ces sujets dont il vaut mieux ne pas parler, parce qu’il bénéficie d’un couvercle d’ « artistiquement correct » blindé comme la porte d’une banque (ce peut être, justement, la porte d’une banque). Le bleu de l’un, les pots de jardin de l’autre, les petits Mickey du Japonais, le chien gonflable de Jeff, Versailles défigurée par le kitsch, Venise plombée par les bricoles d’Arnault, autant de patinoires sur lesquelles le gadin est assuré si vous n’avez pas trois éléments indispensables pour estimer les œuvres de cet art : du fric, du fric et du fric. Et même s’il est vachement sale, l’art contemporain le blanchit mieux que Persil. Achetez du contemporain, vous économiserez une lessiveuse.

« This Situation »

Quand il s’agit du pognon de mes impôts, je m’estime tout de même fondé à tiquer lorsque je lis, dans un quotidien sérieux qui paraît l’après-midi avec la date du lendemain, ce qui montre son souci d’être en avance sur tout, un article de quart de page, libre de tout humour, certes, mais très bien informé, où l’on apprend dans quelles conditions Beaubourg a acheté une « œuvre immatérielle » de Tino Sehgal, intitulée This Situation (Le Monde du 17 janvier).

Déjà, la notion d’œuvre immatérielle dans le champ des arts plastiques peut dérouter les imbéciles, dont je suis. Mais là, plus immatériel, tu meurs : l’artiste ne refile pas même un crobard ou une notice pour décrire son « installation » (c’est le mot à la mode, qui convient aussi bien aux « performances » qu’aux travaux de plomberie sanitaire et d’électricité). Tout se fait oralement, nous dit l’article. D’accord, c’est une idée qu’on achète, comme pour le concept de la moulinette, sauf que sans le brevet qui définit par écrit la moulinette sous toutes ses coutures, l’idée est invendable. Eh bien là, c’est l’homme qui chuchote à l’oreille du musée. Devant notaire, lequel fait de la figuration, puisqu’il ne consigne rien. Puis de l’argent circule – en parfaite continuité avec son amour pour l’immatériel, l’artiste, dit-on, n’accepte, en principe, que du liquide. Et (on le suppose) dans une monnaie forte, gardez vos zlotys et vos roupies. Pourtant, bien que né à Londres, Tino Sehgal est indien d’origine : cela ne veut pas dire qu’il crée pour pas un Sioux !

Gag pénible

Résumons : puisqu’on n’achète rien, au sens matériel du terme, quelle est la nécessité de donner quelque chose ? Ce n’est plus de l’art pour l’art, c’est un gag pénible. On connaît les penchants de l’art contemporain à fabriquer des mochetés encombrantes pour gens riches spécialement intelligents, mais il faut bien que tout le monde vive, et tout le monde ne sait pas dessiner. Tout de même, on s’étonne de voir le directeur du Musée national d’art moderne acquérir ainsi une « œuvre » pas donnée – la cote de l’artiste est « entre 50 000 et 100 000 dollars », dit-on, ce qui, pour un beau rien immatériel, n’est pas rien. Mais l’« installation », en plus, devra, pour être présentée à un public qui n’attend que ça et l’arrivée de la 3e à Longchamp, être interprétée par six comédiens, lesquels ne sauront pas quoi faire, puisqu’ils n’étaient pas là quand le non-contrat oral a été non-signé.

Bref, Beaubourg fait chauffer la carte, il y en aura au moins pour un demi-million d’euros, comédiens compris, sans compter le buffet du vernissage – mais vernir quoi ? combien de couches ? Il paraît que quand This Situation a été présentée en galerie, les acteurs lisaient un pot-pourri de citations « de penseurs importants », vaste programme qui peut aller de Schopenhauer à Van Damme en passant par sœur Emmanuelle. Pour une pincée d’euros, vous en avez 10 000 dans un dictionnaire. Je parle des citations, pas des penseurs. Avec moi, on sait où l’on va !

Foire aux truffes

Il paraît enfin que le directeur du musée, formé aux rigueurs de l’administration, a néanmoins obtenu une facture par mail, ruinant de la sorte radicalement le concept de pure immatérialité transactionnelle qui était la seule originalité de l’opération : ce n’est pas rien qu’on achète, c’est un rien néantisé, car sa raison d’être l’ « œuvre d’art » qu’il prétend être n’existe plus. Difficile à revendre, mais il semble qu’on ait un spécialiste des soldes à Chantilly. Mais on ne saura jamais combien on a banqué, cela ne se dit pas, le marché de l’art contemporain, c’est discret comme la foire aux truffes, sauf que les truffes, c’est nous, dans cette affaire. Faudrait toute de même connaître le montant du chèque, pour savoir le prix du rien au mètre carré, par exemple. Ah, mais ça se vend peut-être au litre ? ou à la minute ? C’est quoi, l’étalon-art dans ce domaine ? et combien empoche la galerie au passage ? et comment elle le déclare aux impôts ?

Si seulement on se contentait d’acheter du vent, on pourrait s’en servir pour faire tourner les éoliennes. Là, le contribuable a financé trois fois moins qu’un courant d’air. Désormais, les œuvres immatérielles seront payées en argent conceptuel. La rigueur, mon poteau, c’est pas une partie de plaisir…

Performance de Pakman - JPG - 103 ko
Performance de Pakman

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Musicien de jazz, journaliste au Nouvel Obs et invité du "Masque et la Plume" sur France-Inter, Alain Riou fait son cinéma.
Après le Palazzo Grassi, la Dogana del mare : à Venise, François Pinault tient les deux rives du Grand Canal. Deux flaques de sueur prolétarienne française dans la ville des Doges.

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  • Art contemporain, Pom-pom-pi-dou !
    le lundi 24 janvier à 14:21, Valdo a dit :
    Déjà, mieux vaut savoir de quoi on parle avant de se lâcher : celui qui envahit Venise n’est pas Arnaut, mais Pinault. L’ensemble de l’article est à l’image de cette approximation . Bourrés d’amalgames et de raccourcis qui montre que l’auteur ne connait rien au sujet. Eh bien oui, l’oeuvre immatérielle existe dans les arts plastiques qui ne sont plus uniquement des arts visuels. Une performance, par exemple. Quant à l’argument "mes impôts", c’est l’inénarrable "ma cassette "d’harpagon. Pour les gaspillages d’argent public, qu’on se préoccupe plutôt du bouclier fiscal et des cadeaux à l’école privée ! Il y a pourtant toutes sortes de bonnes raisons de critiquer l’art contemporain : suivisme du marché, conflit d’intérêt qui voit un Aillagon directeur de Versailes favoriser la holding de Pinault et la même galerie, artistes se comportant comme des traders (Hirst), effets de modes sans intérêt… mais pour le faire, il faut s’y intéresser, ne pas tout jeter avec des arguments poujadistes dignes du café du commerce et rebattus mille fois. En effet, ça ressemble à s’y méprendre aux critiques du FN.
  • Art contemporain, Pom-pom-pi-dou !
    le samedi 22 janvier à 23:38, Céline a dit :
    Et "puisque les relations art/argent ne date pas d’hier" n’est pas un argument. Ce n’est pas parce que les choses ont été faites par le passé que tout est acceptable. En art, ne dit-on pas que le "beau" est subjectif ??? A chacun son avis. La liberté de la presse est encore possible de nos jours. Protégeons-la et acceptons les avis de chacun. Même s’ils n’apprécient pas… A bon entendeur… Les amateurs d’art ne sont-ils pas ouverts et tolérants ? Allons, acceptez les différences, M’sieur, Dame…
  • Art contemporain, Pom-pom-pi-dou !
    le vendredi 21 janvier à 18:00, b, râleur a dit :

    …et après ce genre d’article qui fleure le désir du bon goût matériel à poser sur la cheminée parce qu’il en faut pour son argent, mon bon monsieur, on s’étonne que certains puisse avoir des réactions pour défendre la création contemporaine ?

    Pas que tout soit acceptable, ou rien discutable, mais pas comme ça. Les rares fois où on parle de l’art d’aujourd’hui méritent mieux que ces dithyrambes pleurnichardes à la Jean-Pierre Pernaud !

  • Art contemporain, Pom-pom-pi-dou !
    le vendredi 21 janvier à 17:34, radronge a dit :
    Je plussoie pour la poubellation de seghal. lol. Rhétorique élimée de la disparition de présence de l’oeuvre, transgression des interdits avec projection dans le futur ??, moi aussi je prends mon flutiot pour faire marcher les glands……lol
  • Art contemporain, Pom-pom-pi-dou !
    le vendredi 21 janvier à 14:18, Muriel a dit :

    L’art dit "contemporain" se moque de son propre système et tourne consciemment en dérision ce monde replié sur lui même des collectionneurs "financiers", galéristes et artistes eux-mêmes. Néanmoins, il n’existe pas de définition de l’Art. Ou alors celle que chacun s’en fait, c’est tout comme…

    Pourquoi, alors, l’Art ne serait-il pas aussi immatériel ? Les installations, les performances mettent en évidence des interrogations sans donner de réponses. Ou alors celles que chacun apporte, c’est tout comme…

    L’aspect spéculatif touche toutes les périodes artistiques et Jeff Koons ou Murakami, par exemple, en jouent avec une insolence encouragée et récupérée par le circuit artistique.

    Et puis, qui regarderait encore Versailles si Jeff Koons n’était pas allé le réveiller ?

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