In the mood for anger
Les magazines féminins sont aujourd’hui au féminisme ce que Masterchef est à l’art culinaire. Un magnifique doigt d’honneur.
« Mincir autrement », « Pourquoi il mate les fesses des (autres) filles », « Naturelle et glamour à la plage », des titres de unes qui nous vendent une femme libérée mais toujours à la recherche de son point G, affranchie des contraintes mais encore esclave des tendances, qui se soucie surtout de son corps, ses fringues, son mec et son porte-monnaie. Des magazines comme Elle et Marie-Claire, fers de lance d’un féminisme qui fut militant dans les années 70, réservent aujourd’hui la part congrue aux sujets de société susceptibles de parler aux femmes. En recrachant les clichés d’un post-féminisme digéré, cette presse, qui n’en a plus que le nom, fait son beurre sur une cause qu’elle galvaude à longueur de pages.
Avec 1,4 % de hausse en un an, la presse féminine est une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Un commerce qui ne s’adresse plus à des lectrices mais à des consommatrices, une activité qui se pare du label de presse mais en viole intrinsèquement la déontologie par les maints petits arrangements passés avec le grand capital. Non contentes d’être devenues des décharges pour les publicités de marques de luxe, de produits effaceurs d’âge et de régimes miraculeux, ces publications continuent à prendre leurs lectrices pour des quiches en ouvrant directement leurs colonnes aux annonceurs pourvoyeurs de fonds et en remplaçant leurs journalistes par des ressuceuses de dossiers de presse. Il y a une différence entre revendiquer son droit à la futilité et cultiver un univers consensuel, dont les frontières étriquées ne dépassent jamais celles du consumérisme. Reste à savoir si les femmes adhèrent. Financée à près de 50 % par la publicité pour chaque numéro, la presse féminine pourrait presque se passer de ses lectrices.
L’alternative à la fashionita qui aurait son clitoris à la place du cerveau pourrait nous venir de magazines féminins aussi décapants que sulfureux. Le bimestriel Causette ose mettre en couverture de vraies femmes et privilégier un contenu axé sur des sujets de société. Quant au magazine Nunuche, il se prend pour un vrai féminin et va au fond du concept en s’adressant aux femmes qui adorent les opinions et qui votent contre les poils corporels. Un pastiche tellement réussi qu’il se lit comme on regardait les émissions des Nuls.