In the mood for anger
« Je participe à des actions de BDS parce que je pense que la communauté internationale ne fera rien à courte ou moyenne échéance pour faire appliquer le droit qu’elle a elle-même élaboré. C’est à la société civile de prendre les choses en main » m’explique un jeune homme au T-shirt zébré du mot "boycott". Le BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions), mouvement qui se dit citoyen et non violent, est né d’un appel lancé en 2005 par la société civile palestinienne. Il incite notamment les populations internationales à ne plus consommer de produits issus des territoires palestiniens, illégalement occupés, ou manufacturés en Israël. Il appelle également les citoyens et les politiques au boycott culturel, universitaire et sportif d’Israël. Une action dans un supermarché peut consister à interpeler la clientèle pour l’informer sur le BDS, mais aussi sur le mauvais étiquetage des produits, notamment en ce qui concerne les fruits et légumes en provenance d’Israël, ou bien à se coucher sur le sol après s’être aspergé de ketchup pour dénoncer la violence sanglante de l’occupation.
A l’image de ce qu’a vécu l’Afrique du Sud, les défenseurs de la cause palestinienne rêvent d’instiguer un véritable boycott économique et mondial de l’Etat d’Israël. Mais jusqu’ici, en France, le mouvement peine à trouver un relais dans les médias. Les militants n’en sont que plus vulnérables face aux grandes enseignes, qu’ils visent pour leur collaboration économique directe avec l’Etat israélien, mais aussi face à l’Etat français. En janvier 2010, une militante, Sakina Arnaud, a été condamnée à une amende de 1 000 € pour avoir collé un autocollant "Boycott Israël" dans un Carrefour. La plainte, déposée par le supermarché, pour dégradation légère a été requalifiée en incitation à la discrimination raciale, nationale et religieuse par le procureur. Repassée en appel le 24 septembre dernier, Sakina attend le verdict le 22 octobre. Le 29 novembre prochain, cinq membres de l’association Boycott 68 devront se défendre à Mulhouse (68) de la même accusation pour avoir distribué des tracts appelant au boycott des produits exportés par Israël devant la même enseigne. En s’attaquant à une poignée d’empêcheurs de consommer en rond, le gouvernement actuel continue d’apporter, quoi qu’il en dise, un soutien inconditionnel à Israël.
L’argument de l’antisémitisme est souvent avancé pour se discréditer le BDS. Le boycott est aussi dénoncé comme une arme injuste. Tout en affirmant soutenir « la création d’un état Palestinien aux cotés de l’Etat d’Israël », la CGT n’a-t-elle pas, dans un communiqué du 25 mai 2010, considéré que le boycott constituait une punition collective pour la population israélienne ?
Cependant, le Comité National palestinien du BDS a toujours voulu voir dans les interventions de l’Etat français la force de son mouvement, si ce n’est la menace qu’il représente. Rappelons que notre Premier Ministre lui-même s’est indigné des actions de boycott en France lors du dîner du CRIF en février dernier.
Cet après-midi, c’est une Sénatrice, Madame Alima Boumedienne-Thiery, qui devra répondre devant le tribunal de Pontoise de « discrimination et provocation à la haine raciale » pour avoir appelé au boycott des produits des colonies israéliennes. Et bientôt, Stéphane Hessel, le co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Des procès qui mettent, finalement, le BDS sous les feux de la rampe de l’actualité.