Angelina’s festivalistic envy of Cannes (2)
Ce sont leurs lunettes noires qui renvoient la lumière de Cannes. Ce sont leurs sourires ultrabrightés qui exportent l’inexplicable aura du festival. Tous les ans, le monde sait qu’ils seront là. Sans eux, pas de tapis rouge, pas de photographes aux objectifs turgescents. Chaque année, ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait différents.
Boussoles envacancées pour étoiles filantes, applaudimètres enbobés, toises de notoriété abruties de soleil, instruments de mesure cheap du glamour, du in et du it. Pour eux, les stars se mettent sur leur 31. Passent le corps tendu, aux aguets, s’arrêtent, hésitent, prennent la pose, espérant que quelqu’une ou quelqu’un dans cet euphorisant parterre criera leur nom. S’approcher de la barrière, frontière explicite et infranchissable entre deux plèbes. Tendre la main dans l’inconnu jusqu’à ce que des doigts capturent, qu’une paume se referme sur la main indifférente, tout en plongeant les yeux dans l’ailleurs, dans d’autres yeux, pour faire fructifier ce temps si court.
Si à Hollywood on achève bien les chevaux, à Cannes le marathon des marches se fait dans la bonne humeur et le consentement. Tapies dans la nuit la veille ou l’avant-veille, ils guettent la mise en place des marches. Silencieusement, ils enchaînent chaises et escabeaux à la barrière et élisent domicile pour une douzaine de jours sur un coin de tapis rouge, un bout de rêve, un semblant d’éternité, une pause dans le cours du quotidien et de l’ordinaire. Sans ce public patient, convaincu, déterminé, silencieux le jour, braillard à 19h00 chaque soir, certainement conscient de la gratuité de l’attente, ce festival onaniste aurait du mal à exister. Ils soulignent en rouge criard de tapis le règne du jeu, de la fatuité et de l’éphémère.