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In the mood for anger

La révolte qui gronde

11 mars 2010 à 11h02
"Les pieds dedans" traite de "l’affaire de Tarnac", de l’antiterrorisme et des violences policières. Un spectacle qui décrit les désarrois et la prise de conscience de la génération Sarkozie.
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les pieds dedans
affiche du spectacle

Devant et derrière un drap blanc, trois jeunes gens d’aujourd’hui racontent le monde d’aujourd’hui : la violence du quotidien subie sans broncher, les dérives d’une société de plus en plus liberticide qui génère la peur de l’autre. "Il y a comme un dérangement formidable de vivre aujourd’hui." Un gars et deux filles mettent leur vie en situation pour dénoncer la politique du profit, mettent leurs rêves en scène pour démasquer le kidnapping permanent de nos rêves, incarnent leurs peurs pour dire la peur de l’avenir, en appellent à Rimbaud et Antigone pour appeler à la révolte.

Nous avons "tous les choix, sauf celui d’éteindre la télé". Oppressés par la société dans laquelle on ne vit que par écran interposé, écran de télé, d’ordinateur, fenêtre du train de banlieue ou du métro derrière laquelle défilent les noms des stations, ils partent. Ils partent se mettre au vert, à la montagne, à la ferme, recréer une société humaine où il sera permis de lire, d’écrire, de réfléchir. "Je ne savais pas que lire, ça pouvait faire de nous des terroristes." Arrêtés, menottés, ramenés à Paris, accusés et emprisonnés, ils se mettent à réfléchir sur leur histoire, avec l’idée que l’histoire en marche, c’est tout de suite et qu’il vaut mieux prendre conscience qu’on a tous les pieds dedans avant d’en sortir les pieds devant.

Cette mise en abyme du théâtre dans le théâtre, mouvement de création et de réflexion, offre une vertigineuse impression d’écriture automatique. Les pieds dedans nous convoque à un cabaret de l’intime, de l’instant. Un spectacle qui brasse le vivant avec le numérique, la chair avec les ombres, qui utilise toutes les ressources technologiques et invoque la polyphonie au risque de provoquer la dissonance. Le metteur en scène Stéphane Arnoux, qui est aussi comédien, joue avec les transparences et les projections cinématographiques, chante Léo Ferré, multiplie les pistes de lecture. Poésie, vidéo et rock’n’roll pour dire les maux de cette génération post-X qui a déjà fait de Tarnac son emblème. Un théâtre de l’after-réalisme qui lance, à la façon de Twitter ou Facebook, des bribes d’intimité à étaler sur un drap blanc.

Mis à part un début un peu laborieux, la rage monte et l’exaltation gagne l’assistance. Mais de la saison en enfer au chant de la Commune, le discours demeure un peu consensuel. C’est lorsque l’actualité percute la narration que le spectacle devient une véritable et passionnante chronique vivante. L’affaire de Tarnac, neuf jeunes arrêtés en Corrèze, soupçonnés d’avoir saboté des lignes de TGV sur la base d’écrits ou de lectures "subversives", mais aussi Montreuil et le tir de flashball dans l’oeil du réalisateur Joachim Gatti, permettent de dénoncer "le désordre en guise de maintien de l’ordre".

Né à Montreuil, à la Parole Errante, ce spectacle en constante expérimentation continue de s’écrire et de s’affiner. Après un passage au festival La Belle Rouge à Saint-Amant-Roche-Savine l’été dernier ainsi qu’un séjour à La Belle Etoile, le théâtre de la Compagnie Jolie Môme à Saint-Denis, les représentations devraient reprendre à Montreuil au printemps. Un spectacle vivant, lardé de poésie et de fébrilité qui en font une oeuvre toujours en devenir attachante.

P.-S.

Les Pieds dedans, cabaret intime, de Stéphane Arnoux

Texte, mise en scène, musique, vidéo : Stéphane Arnoux

Avec : Julie Le Rossignol, Lydia Sevette et Stéphane Arnoux

Musique : Tom Honnoré

http://cinetheatre.free.fr/

J’ai pas fini mon rêve L’homme du passé