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Krach boum

La crise, c'est la faute à personne…

28 juin 2010 à 00h03

Il me vient parfois l’envie de lâcher un long râle de bête blessée, frappée de plein fouet par la dure réalité que j’avais pourtant fuie de toutes mes forces…

A coup de programmes télévisés lubriques… de jeux vidéo ultra-violents… de nouveautés Hi-tech en veux-tu en voilà… de vicieuses cigarettes et du sacro-saint alcool…

Mais ne me blâmez pas, tous ces vices entrent dans le circuit des recettes fiscales…

Je sais, c’est mal. Mais ces dérivatifs me sont nécessaires pour supporter le monde tel qu’il nous apparaît, bien qu’encore légèrement fardé de politiquement correct.

Mais quand la toile sèche, que le vernis craquelle, alors on doit se rendre à l’évidence, derrière la croute que l’on prenait comme authentique, nous apparaît la vérité nue.

Patate chaude…

Les Etats-Unis vivent depuis des décennies au-dessus de leurs moyens. La faute au système de dette si l’Américain moyen, qui a une maison, une voiture et un frigo plein est plus endetté qu’un indien qui dort dans les rues de Mumbai.

Le particulier américain voulait se loger à crédit… on lui a trouvé des crédits à taux variables… on en a fait des produits titrisés… on les a assuré contre le risque… on les a alors estampillé d’une mention AAA… et on a distribué ça un peu partout dans le monde…

Jusqu’au jour où la réserve fédérale augmente les taux d’intérêt directeur sur lesquels sont indexés les taux de crédit des nouveaux propriétaires…

C’est le début de la descente aux enfers : les intérêts à rembourser deviennent irréalistes… les emprunteurs insolvables… on accuse les banques… qui accusent les agences de notations… qui accusent les assurances… qui récusent !

Mais finalement le virus s’est diffusé. Et tout le monde se regarde stupéfié. Chacun pointe du doigt qui le système, qui sa hiérarchie, qui son complice, qui sa victime… et au final ce n’est de la faute de personne.

La spéculation, c’est l’emploi

Pendant ce temps, il faut bien sauver le système. Sans liquidité, pas de marché ; sans marché, pas de croissance ; sans croissance, pas d’emplois.

Ça c’est l’argument préféré des bankers… l’équation qui pèse sur la sphère politique… et qui pourrait se résumer à :

liquidité (spéculation) = croissance (emploi).

Du coup cela ne semblait pas si mauvais cette idée de mélanger/packager/redistribuer. D’ailleurs, pendant un temps, tout le monde en a profité.

On s’est enorgueilli de performances stupéfiantes, hallucinée même… et chacun trouvait normal qu’on s’enrichisse sans créer de richesse — cherchez l’erreur.

Enfin, tout cela a pris clairement fin en 2008.

Pincez-moi, je dois rêver…

Krach. Panique. On n’a pas trouvé mieux que de créer de la dette pour sauver les banques. Et on n’a trouvé personne d’autre que les banques elles-mêmes pour acheter la dette.

Du coup… les banquiers ont pu assainir leurs comptes et les contribuables payer de leur poche.

Souvenez-vous, avant la crise, on parlait déjà de "capitaliser les gains et de nationaliser les pertes" — mais c’était sans compter sur le deuxième acte !

Comme si cela ne suffisait pas… voilà qu’on s’est rendu compte que la Grèce — entre autres — ne pourrait pas honorer ses engagements. Alors pensez donc…

Les bankers n’allaient pas bêtement risquer leur nouvel argent sur ce terrain-là. Tout au plus ont-ils spéculé sur les assurances aux défauts de paiement des dettes souveraines (CDS), alors ça oui.

Pincez-moi, je dois rêver. Ils se permettent de faire la fine bouche, eux. Ils ont la loi avec eux et tous les États sont à leurs pieds. On est dans un cauchemar !

La boucle est bouclée, merci d’en faire autant

Donc, les Européens, merci de bien vouloir passer par l’austérité. Remettez vos finances sur les rails pour qu’on puisse vous faire confiance et se faire de l’argent tranquillement sur la dette souveraine — sinon quoi : on a quantité de solutions pour investir ou planquer ailleurs.

Alors voilà où nous en sommes en France.

On se trouve dans une impasse, où seul le travail — vous et moi — peut être saigné… C’est ce que Laurent Mauduit a récemment démontré — chiffres officiels du gouvernement à l’appui :

"La mesure prévoyant le relèvement de 60 ans à 62 ans de l’âge légal du départ à la retraite, (…) rapportera à elle seule près de 19 milliards d’euros, à l’horizon de 2018 (…)."

"Or, par comparaison, la totalité des recettes nouvelles qui pèseront sur les hauts revenus ou sur le capital n’atteindra que 3,7 milliards d’euros en 2011 et 4,6 milliards d’euros en 2020."

On va taxer 5 fois plus au travail qu’au capital. Mais là encore, c’est la faute à personne.

Justice, es-tu là ?

L’impunité dans laquelle nage la sphère financière est inouïe.

En plein G20 les états vont devoir se mettre d’accord sur des mesures de régulation. Toute la difficulté réside dans le fait que tous les états n’ont pas les mêmes préoccupations.

Relance pour les uns, austérité pour les autres — sans compter tous ceux qui ne se sentent pas concernés par la crise : pourquoi brideraient-ils leurs activités bancaires ?

Comme le notait Frédéric Lordon lors d’une conférence dernièrement, finalement ces mesures ne sont que des rustines permettant tout au plus de limiter la casse lors du prochain krach.

Il faut arrêter de concéder du terrain à la crapule. Il n’est plus possible que le monde soit à genoux et que cela profite à quelques élites londoniennes. Eux n’ont rien à perdre. Nous, tout…

Liberté, justice, éducation, santé… Préparez-vous à voir des coupes franches dans tous les domaines qui ne sont pas générateurs de croissance — et ce, pendant des années.

Et comme d’habitude, c’est la faute à personne…

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Fiasco politico-financier State is dead, baby…