Ginette : Sièges de France, ç’a été l’enfer. Des cadences inimaginables, pour aller aux toilettes il fallait lever son doigt, on n’avait pas le droit de boire un verre d’eau, on n’avait pas le droit de manger un bonbon, on était assis comme ça il faisait froid, fallait que je travaille avec un manteau, avec des bottes. Pour coudre, c’est pas évident. Monsieur Vernaud il était derrière, à des moments il nous foutait des trouilles du tonnerre, donc on tremblait. C’était l’horreur.
Fabienne : Là c’est Parisot.
Ginette : Oui, Sièges de France Parisot.
Moi : Parisot, de la famille Parisot, de Laurence Parisot ?
Ginette : Ouais. J’ai vu des couturières, vingt-cinq ans d’activités de couturières, elles en bavaient tellement, elles prenaient leur sac et s’en allaient. Moi j’en étais malade, malade, pis j’ai fait une dépression de quinze mois.
Moi : A cause de Parisot ?
Ginette : Eh ben c’étaient les contredames qui nous insultaient. J’ai même fait un troisième enfant, bon ben je regrette parce que maintenant je l’ai, j’ai fait un troisième enfant pour dire arrêter de travailler. Donc j’ai pris un congé de trois ans. Quand je suis revenue au bout de trois ans, on m’a dit : ‘Ben maintenant tu as pris un congé de trois ans, ben tu peux bosser.’ Après je suis partie en dépression, et j’ai été licenciée en 93 par là.
Fabienne : Les gens de Parisot, on est amis avec eux, donc on était à même d’amener notre témoignage. Pour dire tout haut ce que les gens pensaient tout bas. Et ça a fortement dérangeait : il me disait ‘mais Madame…’
Moi : Donc ça, au directeur de Parisot, qui est un Parisot, de la famille Parisot, de Laurence Parisot alors ?
Fabienne : Oui. Je lui ai dit : ‘Dans la cité Monsieur, y a des gens, avec les salaires que vous leur donnez, ils ne mangent de la viande que deux fois par semaine, ne peuvent pas payer leurs crédits, ne peuvent pas payer d’études aux enfants, ils travaillent dans des conditions épouvantables’… parce qu’il y avait le mépris, le harcèlement. Il m’a répondu : ‘Mais Madame, mais vous rêvez, ils n’auront rien.’
Voilà un aperçu de la petite entreprise familiale Parisot. Dirigée par l’oncle, apparemment, de la patronne des patrons.