Un témoin chargé

Le 23 novembre, sur le coup des 22h53, Porte de Saint-Cloud à côté du Parc des Princes, au terme d’un rodéo confus, un policier en civil, le gardien de la paix Antoine Granomort, abattait un hooligan du PSG, Julien Quéméner et en blessait un autre, Mounir Bouchaer.

Deux jours plus tard, le policier ressortait libre et sans charge de sa garde-à-vue dans les locaux de l’IGS, la police des polices. Dans le même temps, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin déclarait que le flic avait agit en « légitime défense ». Affaire pliée en deux jours, un temps record pour un incident gravissime dont les circonstances restent floues. Les résultats de l’expertise balistique ne sont toujours pas connus. L’enquête de l’IGS a, jusqu’ici, seulement consisté à entendre le policier impliqué et 22 autres personnes dont aucune n’était présente sur les lieux même du drame, le dépôt de bus RATP de la place de Saint-Cloud.

Bakchich a retrouvé un témoin essentiel du drame. Boulanger en grande banlieue mais également parmi les leaders de la tribune Boulogne du Parc des Princes, chef d’un groupe informel de hooligans, Marc [1] était sur place le soir du drame. Intime de Mounir, le supporter blessé au poumon par la balle de 9 mm, Marc n’a pas souhaité donner son témoignage à la police. Il le réserve pour la défense de son copain Mounir qui sera mis en examen dès sa sortie de l’hôpital.

Il ne s’agit que d’un témoignage brut, en défense. Mais il est néanmoins intéressant de commenter les différences troublantes qui y figurent par rapport à la thèse officielle de la légitime défense.

Marc : « Je n’avais pas envie de me payer une place pour ce match mais j’avais rendez-vous après la partie avec Mounir et d’autres potes, supporters du groupe dit des « indépendants » pour prendre une bière aux pub des Trois-Obus. J’ai vu ce mec, là, le juif (sic) qui se faisait courser par une quinzaine de mecs. Ils sont passés à côté d’une voiture de la police de circulation, stationné là avec quatre ou cinq flics de dedans qui n’ont pas bougé le petit doigt ».

Après avoir soutenu dans un premier temps qu’il n’avait vu aucune présence des forces de l’ordre sur place, Antoine Granomort, le gardien de la paix auteur du coup de feu mortel, a finalement reconnu sur procès-verbal que des agents de la circulation étaient présents et n’avaient pas daigné ni lui donner un coup de main, ni appeler des renforts. Sur ce point, le témoignage de Marc se révèle donc parfaitement exact.

« Le policier n’avait pas de brassard »

Le gardien de la paix a effectivement reconnu ne pas porter de brassard, au motif selon son avocat que sa hiérarchie ne lui en fournissait pas pour le type de mission qu’il effectuait ce soir-là, à savoir « garde routier », c’est-à-dire simple chauffeur. Or chaque policier est muni d’un brassard de police une fois son entrée en fonction. A charge pour lui de s’en munir tant que de besoin.

« J’ai vu un mouvement de foule et des amis sont vite venus me rapporter ce qui se passait. A savoir qu’un flic avait tiré sur Mounir et s’était réfugié dans un Mac Do. J’étais à proximité de flics des RG que je connais de vue puisqu’ils sont toujours au Parc dans les tribunes. Je les ai alertés et nous nous sommes rendu ensemble devant le MacDo. Les RG m’ont demandé de calmer les gars et j’ai pu entrer dans le fast-food. Le flic était au premier étage, avec les RG qui ne semblait pas encore savoir qu’il était flic. Curieusement, il avait maintenant un brassard « police ». Je lui ai demandé qui avait tiré une première fois. Il n’a rien répondu. Je lui ai demandé une seconde fois et il m’a dit « c’est moi ».

Dans sa première version telle qu’il l’a donné au juge d’instruction samedi 25 novembre, le gardien Granomort ne fait pas état de l’irruption de RG dans le Mac Do, ni de son échange avec l’ultra du PSG.

« Je suis sorti du MacDo pour rejoindre le pub des Trois-Obus. Une serveuse m’avait en effet laissé un message me disant que Mounir était arrivé dans le pub et s’était effondré dans le sang. Une ambulance est arrivée dix minutes environ après et j’ai accompagné Mounir dans l’ambulance jusqu’à l’hôpital de la Salpetrière. Pendant le trajet, Mounir m’a confié que le flic avait tiré droit sur lui quand il avait voulu lui arracher sa bombe lacrymo des mains ».

Dans son témoignage devant la justice, le gardien Granomort n’a pas précisé ce point. Mais ayant perdu ses lunettes, a déclaré avoir seulement vu une masse lui foncer droit dessus et décidé de dégainer pour tirer en l’air alors qu’après avoir trébucher, il était en train de se relever.

« Je ne suis pas allé témoigner devant la police. Je n’ai pas confiance puisque les autorités ont décidé de faire de cette bavure un crime politique et raciste. Mais j’attends que Mounir sorte de l’hôpital et j’irais livrer mon récit à son avocat ».

Mounir n’est pas encore sorti de l’hôpital. Mais il a déjà reçu le renfort d’un avocat en la personne du célébrissime Gilbert Collard qui remet en cause la thèse de la légitime défense. On a pas fini d’entendre parler de cette affaire…