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« Professeur Lordon » appelle à médiocriser la finance

G vain / vendredi 25 septembre 2009 par Frédéric Lordon, économiste
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Alors que Les Grands de ce Monde s’est ouvert hier soir à Pittsburgh pour régler son compte à la finance dévoyée, le professeur Lordon, économiste hétérodoxe leur passe une petite antisèche.

Il ne faut pas s’étonner que « ça » résiste. C’est une forme de vie que la finance se prépare à défendre et, il faut en être tout à fait certain, de celles dont elle a tiré tant de joies, qu’elle ira jusqu’au bout pour la faire perdurer. Décidément une enclave dans la société, et comme un empire dans un empire, la finance a vécu, en marge de la condition ordinaire, la vie étincelante, au double sens de la vie glamour et de la vie à millions. Que la fortune monétaire ait été à la fois la caractéristique la plus centrale et l’attrait le plus irrésistible de la vie « dans la finance » est trop connu pour qu’il soit besoin d’y insister.

Pour latérale ou secondaire que la chose puisse paraître, il ne faut cependant pas méconnaître non plus les charmes enivrants de sa face non monétaire, où se mêlent les choses anecdotiques des excès en tous genres (parties, drogue, jets, palaces) bien faits pour entrer dans les définitions de la « vie intense », mais aussi le sentiment extatique d’être immédiatement en contact avec le monde entier en ses marchés, d’y mouvoir d’une parole ou d’un geste des sommes colossales et surtout, par la pratique quotidienne des sophistications de l’ingénierie financière, d’appartenir à la race des virtuosi.

Les tares majeures de la crise

Par une coïncidence pas si fréquente, la phénoménologie la plus immédiate et la plus rudimentaire de la forme de vie de la finance fait immédiatement signe en direction des deux tares majeures que l’analyse doit mettre au principe de la crise – comme de la réaction qui devrait s’ensuivre – à savoir l’anomalie de profitabilité et l’excès de sophistication financière. Au risque de répéter, et bientôt de radoter, il faut redire l’extravagant privilège de profitabilité dont la finance aura joui du temps de sa splendeur. Rappelons donc pour la énième fois qu’en regard des quelques pourcents du taux d’intérêt (éventuellement allongés d’une prime de risque) qui constituent normalement la rémunération du capital, les 40 % de ROE (Return On Equity, soit retour sur capitaux propres) communément crachés par les départements de banque d’investissement (qui concentrent les activités de marché) sont une aberration que rien absolument ne saurait justifier.

Si cette simple comparaison ne suffisait pas, le caractère exorbitant de l’enclave financière apparaîtrait complètement au constat qu’avec 5 % de la population active, l’« industrie financière » fait 10 % de la valeur ajoutée… et 40 % des profits de l’économie des Etats-Unis en 2007. Outre un foyer d’inégalités en soi, le privilège de sur-profitabilité déchaîne les élans de capture – lorsque la bulle enfle, « ne pas en être » est au mieux une faute professionnelle, au pire une tare profonde –, et distord à l’extrême les comportements d’investissement, ceci d’autant plus que toutes les forces de la concurrence financière sanctionnent plus sévèrement l’abstention ou la simple réserve [1].

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© Cacatie

« Cette forme de vie, il faut la détruire »

Cette forme de vie, où se mêlent inséparablement l’appât du gain le plus brut, l’excitation virtuose qui vient du maniement des instruments les plus complexes, et la sécession indécente d’avec le reste de la société, il faut la détruire. Aussi, médiocriser la finance, c’est-à-dire faire à nouveau de la banque un métier terne et ennuyeux, constitue-t-il presque en soi une ligne stratégique selon laquelle envisager la reconstruction des structures financières puisque, en cette matière, « terne et ennuyeux » signifie : 1) ramené à l’ordre normal de la profitabilité, et 2) privé des mirages de « l’innovation », donc reconduit aux produits simples, aisément maîtrisables, peu risqués… et peu rémunérateurs.

C’est bien une ligne stratégique dès lors qu’elle s’en prend directement au complexe sur-risque/sur-profit (d’ailleurs lisible dans les deux sens) dont tout, fondamentalement, découle ; et, pour si distante qu’elle puisse en paraître, c’est aussi une reformulation du principe directeur, proposé il y a quelque temps déjà [2], selon lequel il n’est pas de re-régulation sérieuse qui ne se donne pour but d’éviter impérativement que toute bulle ne se reforme. Comme l’a prouvé la période 1945-1975, seules les basses intensités en risque et en profitabilité de la « banque terne et ennuyeuse » prémunissent contre l’hyperinflation des prix d’actifs – et, derrière ces basses intensités, des contraintes d’encadrement très strictes qui interdisent réglementairement les excès auxquels la finance est spontanément tentée de retourner.

La finance a de beaux jours devant elle

A l’évidence, on n’en prend guère le chemin et il suffit pour s’en rendre compte d’écouter les propos de tous ceux qui, quoique se disant favorables à une « régulation » – mais qui ne l’est pas désormais ? et cette soudaine unanimité, par le fait un peu suspecte, ne signale-t-elle pas la perte de substance croissante de la notion même de « régulation » ? – rappellent à loisir « l’inévitabilité » des crises financières, aussi inscrites dans « la nature des choses » que le cycle des saisons, laissant par là entendre que le mieux à espérer est d’en limiter les effets, mais sûrement pas d’en éviter la survenue.

Rien ne témoigne mieux de ce tranquille renoncement que la mesure-phare, au centre de tous les débats techniques, et poussée sur le devant des scènes de tous les G20, à savoir l’obligation de constitution de réserves de fonds propres contracycliques [3], mesure à la rigueur capable de ralentir le rythme de la bulle – et encore, selon le degré de dureté qu’on lui donnera – mais dont la finalité véritable est bien plutôt de constituer du « capital d’amortissement » permettant aux banques d’absorber des pertes importantes sans risquer l’insolvabilité – amortir les pertes donc, mais pas les éviter, ni supprimer les causes susceptibles de leur donner naissance.

Ça vous à plu ? Vous en voulez encore ? La suite est à lire ici : http://blog.mondediplo.net/2009-09-18-Si-le-G20-voulait

Lire ou relire sur Bakchich.info :

Frédéric Lordon est un des rares brillants économistes capable de faire comprendre la crise financière à une mule. Son dernier livre sort le 18 octobre. Extraits.
Frédéric Lordon est notamment l’auteur de "Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières", paru chez Liber / Raisons d’agir

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4 MESSAGES

Forum

  • « Professeur Lordon » appelle à médiocriser la finance
    le mardi 29 septembre 2009 à 09:06, michel befortbien avant la crise ou, a dit :
    mais en france on été bien content de voir la fin des ratios cook qui exigeaient des banques un minimum de fonds propres souvent impossibles à atteindre par celles qui truquaient leurs comptes comme je l ai démontré dans le passébien avant cette purge appelée crise
  • « Professeur Lordon » appelle à médiocriser la finance
    le lundi 28 septembre 2009 à 18:54, michel befort a dit :
    en fait on refuse de voir qu il s agit d une problematique de civilisation. Cette purge d assainissement excite tous ceux qui haissent le commerce de l argent. Certes ils ne l ont pas provoqué mais ils sont bien aise de cette débacle financiere qui les rassemble alors que la finance internationale a d abord un role primordial pour faciliter les echanges mondiaux et le commerce international.Mais ces aspects positifs sont éffaçés et renforcent le camp des opposants au commerce de l argent pourtant vital pour notre société occidentale. Nous vivons donc une régression sociale créé par les exces de minorités incontrolables car elle ont souvent un interet commun avec des politiques censés les controler mais qui se sont laissés corrompre objectivement
  • « Professeur Lordon » appelle à médiocriser la finance
    le dimanche 27 septembre 2009 à 17:18
    Il faut mettre en place des mécanismes de régulation fiscaux et prudentiels dés-incitatifs pour la finance de marché, de telle sorte qu’il soit plus rentable pour un banque de prêter à une PME que de gérer un portefeuille de trading sur dérivés de crédit. Si demain l’autorité de supervision bancaire décide de tripler l’exigence en capital pour 1 euro de résultat sur les opérations de marché et de sur-imposer fiscalement la part des bénéfices des BFI,ça va en calmer un certain nombre… Les questions des bonus et des hedge funds et autre paradis fiscaux ne sont que des leurres destinés à berner les opinions publiques européennes et américaines et de maintenir en place les mécanismes incitatifs de la finance de marché ! La bulle se reforme à grand pas alors que la croissance de l’économie réelle est de 0,3% !
  • « Professeur Lordon » appelle à médiocriser la finance
    le dimanche 27 septembre 2009 à 08:42

    Lordon fait son beurre avec la crise ! Son bouquin se vend comme des bröchen et chez Mermet,chaque mot de notre penseur est étudié pour avoir un impact marketing maximum qui donne à l’auditeur l’envie de courir se payer le bouquin ! Et Mermet fait la roue devant ce brillant esprit !

    Au niveau du contenu,je préfère de loins les articles de Jacques Langlois parus dans le Monde Libertaire,même si je suis d’accord sur beaucoup de choses avec Lordon !

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