Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
CULTURE / CHRONIQUE CINÉMA

Chabrol, dernière vague

Cinéma / lundi 13 septembre 2010 par Marc Godin
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

Le critique ciné de Bakchich a rencontré à plusieurs reprises Claude Chabrol, un homme malicieux, délicieux, qui adorait la vie et le cinéma. Voici une interview qui date d’une quinzaine d’années, où il parle de la Nouvelle vague.


- C’était quoi la Nouvelle vague ?

- Claude Chabrol  : On ne s’en est pas trop aperçu au moment où cela se faisait… Notre truc était très simple : essayer de faire des films. Je suppose qu’il s’agit d’une génération de gens qui se sont retrouvés en 46-47 face à l’afflux des films américains, des films qui avaient été bloqués pendant quatre ans. Cela nous a énormément frappé. A l’époque, nous jurions surtout par le cinéma américain et nous vomissions le cinéma français qui était - comment dire sans être trop méchant - un peu empesé. En 1952, nous nous sommes rencontrés, agglutinés. Peu à peu, nous sommes entrés aux Cahiers du cinéma. Les autres, extérieurs aux Cahiers, s’en sont rapprochés car nous faisions partie de la même famille, même si nous étions complètement différents les uns des autres. En tout cas, nous détestions les mêmes choses, cela c’est certain. Notre point commun, c’est peut-être cela : nous détestions les mêmes films, les mêmes cinéastes. C’est la haine de Delannoy qui nous rassemblait, une haine bien exagérée pour ce très brave homme.

Nous aimions également les mêmes choses. Exemple, on imaginait mal quelqu’un de la Nouvelle vague qui n’aurait pas aimé Renoir. La Nouvelle vague a été une mode sur le moment, mais pas pour nous. Nous n’avons jamais eu la grosse tête et c’est ce qui nous a sauvé. C’était un groupe d’amis. Ce qui me paraît le plus proche de la Nouvelle vague - cela va paraître idiot - , c’est la troupe du Splendid. C’était un noyau semblable, même si nous n’avions pas les mêmes buts.

- Dans vos critiques, vous avez assassiné les cinéastes français de l’époque pour prendre le pouvoir ? Allez, avouez !

- Claude Chabrol : (Il se marre) Il n’y a pas eu beaucoup de très mauvaises critiques du cinéma français classique. Il y a eu le célèbre article de François (Truffaut, NDR), « Une certaine tendance du cinéma français », mais surtout on parlait très peu de ce cinéma qui ne nous intéressait pas. On n’aimait pas ça. L’article de François avait certainement les défauts de la jeunesse, mais il était lucide. Il faut quand même rappeler qu’à l’époque, on portait aux nues Delannoy et l’on pensait qu’Hitchcock était un fabriquant de polars ! Je ne veux pas me désolidariser, mais je n’étais pas parmi les plus terroristes. Clouzot ou Duvivier, je n’en pensais pas de mal. Il y avait également des partis pris anti-américains, notamment vis-à-vis de John Ford qui est un des mes dieux. Disons qu’il y avait les Robespierre et les Danton…

Comment s’est fait le passage à la mise en scène, le passage à l’acte ?

- C. C. : J’ai fait le premier long-métrage car c’est moi qui ai eu le pognon le premier. J’ai fait un héritage, mais à la fin du tournage, on était fauchés comme les blés. Faire du cinéma, c’était mon rêve. En même temps, je n’ai pas un tempérament de conquérant tant que je ne peux pas conquérir. Cela a été paradoxal que je fasse le premier long-métrage de la bande, mais quand j’ai eu l’argent, j’ai foncé. Pourtant François avait fait son court, Rivette en avait fait plusieurs. Moi, j’étais plutôt co-producteur de court-métrage, ce genre là… Tout ce qui est théorique, je l’avais appris en regardant des films. Il n’y avait pas de fautes techniques énormes dans mon premier film, il n’était pas in-montable. Il avait une sorte de naïveté et de fraîcheur, si bien que l’on avait l’impression que j’inventais des trucs. Finalement, on a inventé des trucs et celui qui a le plus inventé, ce fut évidemment Jean-Luc.

Parlez-nous de la politique de l’auteur ?

- C. C. : La politique de l’auteur, c’est formidable, à condition que l’on sache ce que c’est. Les gens s’imaginent qu’un auteur est un cinéaste qui doit écrire son scénario. Les deux exemples-types d’auteurs étaient deux hommes qui ne mettaient absolument pas la main au scénario, à savoir Hitchcock et Hawks. L’idée, c’était que le metteur en scène, s’il avait suffisamment de volonté, de personnalité, et un monde à lui, était l’auteur du film, il amenait le film à lui. Le cinéma, ce n’était pas le scénario, mais le film. Ce qui semble évident.

Votre carrière nous semble une des plus variées des auteurs de la Nouvelle vague.

- C. C. : Quand je peux faire ce que je veux, je fonce, sinon, je fais autre chose. J’ai parfois pris en main des commandes pour en faire des films que j’aime beaucoup et réciproquement, j’ai tourné des films que j’avais envie de faire et je me suis rétamé. Mais quand je tournais des merdes, je savais que c’était des merdes ; c’est un avantage considérable (rires). Pour moi, mon grand ratage, c’est La Décade prodigieuse.

Mais j’adore ce film !

- C. C. : (Il hurle de rire). Je le trouve entièrement nul par rapport à ce que je voulais faire. J’ai sans doute manqué d’exigence, le film contenait sa propre destruction. J’ai tâté à tous les genres, sauf le film de cambriolage de banque.

Voyez-vous des héritiers de la Nouvelle vague ?

- C. C. : Je ne sais pas, mais je vois beaucoup de jeunes cinéastes très talentueux. Il y a la génération de la Fémis, assez proche de ce que nous faisions. Je trouve que le cinéma français est très, très vivace. Il y a une dizaine de filles qui tournent et qui sont formidables.

Rétroactivement, comment jugez-vous la Nouvelle vague ?

- C. C. : Autant j’en rigolais à l’époque et ce pendant très longtemps, autant maintenant je m’aperçois que cela a dû être un petit peu important parce que cela fait quand même quarante ans - c’est tout juste si l’on n’est pas tous sur des petites chaises roulantes - et l’on continue à parler de la Nouvelle vague. Des années 58-63, les films qui restent, à une ou deux exceptions près, sont tous des films de la Nouvelle vague. C’est plutôt bien.

Qu’est-ce qui vous pousse à tourner inlassablement ?

- C. C. : J’aime ça, j’adore ça. Et en plus, je trouve que je fais des progrès !

-----


BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte